Le lendemain de la perte de son siège au Parlement, Michael Fortier s’est retrouvé à fixer le plafond de sa chambre, paralysé par une seule pensée : « Qu’est-ce que je fais aujourd’hui ? »
« Je me souviens d’avoir ressenti ce vide accablant », confie Fortier, qui a représenté la circonscription montréalaise de Vaudreuil pendant sept ans avant sa défaite en 2019. « Pendant des années, mon agenda était rempli de réunions de comités, de travail de circonscription et d’obligations parlementaires. Puis soudainement—plus rien. »
L’expérience de Fortier reflète ce que vivent de nombreux anciens parlementaires lorsqu’ils quittent la politique canadienne, que ce soit par choix ou suite à une défaite aux urnes. Ce que le public voit rarement, c’est l’ajustement profond, tant personnel que professionnel, qui suit lorsque le téléphone cesse de sonner.
Une récente étude de l’Association canadienne des ex-parlementaires a révélé que 68 % des députés défaits ont signalé d’importants défis émotionnels durant leur première année après avoir quitté leurs fonctions. L’étude, qui a sondé 124 anciens députés ayant servi entre 2000 et 2021, a mis en lumière ce que beaucoup à Ottawa savent déjà mais dont on discute rarement : la transition après le service public s’accompagne souvent d’un coup de fouet psychologique.
« C’est comme un divorce et une perte d’emploi combinés », explique Dr. Samantha Nutt, psychologue politique à l’Université de Toronto qui conseille d’anciens politiciens. « Ces individus vivent ce que j’appelle un ‘sevrage de pertinence’—ils sont passés d’une position d’influence sur la politique nationale à la difficulté d’obtenir des rappels de personnes qui autrefois recherchaient leur attention. »
Pour Jagmeet Singh de Brampton, qui a servi un mandat avant de perdre son siège en 2015, la réalité financière s’est avérée tout aussi difficile. « Je suis passé d’un salaire parlementaire décent à un revenu nul du jour au lendemain. Mon bureau de circonscription a fermé. Mon personnel s’est dispersé. Et je me suis soudainement retrouvé à essayer de relancer une carrière juridique que j’avais mise en pause des années plus tôt. »
Le Parlement du Canada offre aux députés sortants des services de transition limités—généralement seulement six mois de conseil en carrière et une indemnité de départ modeste basée sur les années de service. Cela contraste fortement avec des pays comme la Norvège, où les anciens législateurs reçoivent jusqu’à deux ans de salaire complet pendant leur transition vers de nouvelles carrières.
Ces défis transcendent les lignes de parti et les idéologies politiques. L’ancien député conservateur James Moore, qui a choisi de ne pas se représenter en 2015 après trois mandats représentant Port Moody-Coquitlam-Port Coquitlam, décrit la transition comme « désorientante malgré son caractère volontaire ».
« Même quand on choisit de partir, il y a cette sensation bizarre