Je retire mon imperméable en entrant dans le petit appartement de Maria Cordoba, situé dans le quartier Côte-des-Neiges de Montréal. La bouilloire siffle dans sa cuisine étroite pendant qu’elle dispose une assiette d’empanadas maison sur sa table à manger. À 43 ans, Maria cumule deux emplois et élève seule son fils adolescent, ce qui lui laisse peu de temps pour cuisiner les plats colombiens traditionnels de son enfance.
« La plupart du temps, je prends quelque chose de rapide au rayon surgelés, » me dit-elle en montrant sa cuisine d’un geste. « Je sais que ce n’est pas l’idéal, mais quel choix ai-je? »
Ce que Maria ne réalise pas, c’est que sa dépendance aux plats préparés pourrait affecter bien plus que sa santé physique. Une étude révolutionnaire de l’Université McGill a découvert un lien préoccupant entre les aliments ultra-transformés et les taux de dépression au Québec, particulièrement chez les parents qui travaillent et les jeunes adultes.
La recherche, publiée le mois dernier dans le Journal de l’Association médicale canadienne, a suivi 4 300 résidents québécois pendant cinq ans et a découvert que ceux qui consommaient des aliments ultra-transformés pour plus de 60 % de leurs calories quotidiennes étaient 41 % plus susceptibles de présenter des symptômes de dépression que ceux qui en mangeaient moins de 20 %.
La Dre Élise Montpetit, auteure principale de l’étude et psychiatre nutritionnelle à McGill, explique ce lien : « Nous observons une relation claire entre ce que mangent les Québécois et leur santé mentale. La transformation industrielle des aliments élimine les nutriments tout en ajoutant des substances que notre corps n’est pas conçu pour gérer en telles quantités. »
Lors de ma visite au laboratoire de la Dre Montpetit au début du printemps, son équipe analysait des échantillons alimentaires à la recherche de composés qu’ils soupçonnent de perturber le microbiome intestinal – l’écosystème complexe de bactéries dans notre système digestif qui semble de plus en plus lié au fonctionnement du cerveau et à la régulation de l’humeur.
« L’axe intestin-cerveau est révolutionnaire dans notre compréhension de la santé mentale, » explique la Dre Montpetit en tenant une boîte de Petri. « Ce que nous découvrons, c’est que la consommation excessive d’émulsifiants, d’édulcorants artificiels et de certains conservateurs peut contribuer à une inflammation qui affecte la production de neurotransmetteurs. »
Ces résultats sont particulièrement inquiétants pour le Québec, où la consommation d’aliments ultra-transformés a augmenté de 26 % au cours de la dernière décennie selon les données de Statistique Canada. Près de la moitié de toutes les calories consommées par les Québécois proviennent désormais d’aliments qui ont été considérablement modifiés par rapport à leur état d’origine par la transformation industrielle.
Jean-Michel Trudeau, un développeur de logiciels de 29 ans que j’ai rencontré dans un café du centre-ville de Montréal, représente la démographie la plus touchée