À l’approche du week-end férié de mai, traditionnellement le début de la saison touristique estivale au Canada, les autocars affrétés vers Buffalo, dans l’État de New York, restent immobilisés dans les stationnements de Toronto. Le taux d’occupation hôtelière dans les États américains frontaliers a chuté de 31 % depuis mars, selon la firme d’analyse hôtelière STR Global.
« Je n’ai jamais rien vu de tel en 28 ans d’exploitation de circuits transfrontaliers », déclare Eleanor Fitzgerald, propriétaire de GTA Getaways en Ontario. « L’année dernière, nous exploitions trois navettes quotidiennes vers les centres commerciaux américains. Aujourd’hui, nous avons annulé toutes nos liaisons vers les États-Unis jusqu’en septembre. »
Le boycott généralisé des voyages canadiens aux États-Unis, déclenché par des tensions commerciales croissantes entre les alliés de longue date, est passé des mots-clics sur les réseaux sociaux à un impact économique mesurable. Ce qui a commencé comme une protestation citoyenne s’est transformé en un mouvement coordonné aux conséquences économiques importantes.
Les données de Statistique Canada révèlent que les visites canadiennes aux États-Unis ont chuté de 43 % en avril par rapport à la même période l’année dernière. Cela représente environ 1,2 million de passages frontaliers en moins et une perte estimée à 780 millions de dollars en revenus touristiques américains, selon l’U.S. Travel Association.
Les tensions ont éclaté après que Washington a imposé des tarifs surprises de 18 % sur l’aluminium et l’acier canadiens en février, invoquant des préoccupations de sécurité nationale. Les tarifs de rétorsion du Canada sur les produits agricoles et manufacturés américains ont rapidement suivi. Lorsque les canaux diplomatiques n’ont pas réussi à résoudre le différend en avril, les consommateurs canadiens ont commencé à prendre les choses en main.
« Ce n’est pas seulement une question d’économie ou de politique — c’est personnel pour beaucoup de Canadiens », explique Dr. Valerie Innis, professeure de relations internationales à l’Université McGill. « La rhétorique de Washington présentant le Canada comme une menace pour la sécurité a touché une corde sensible dans un pays qui s’est toujours considéré comme le plus proche allié de l’Amérique. »
Le boycott a pris de l’ampleur grâce à des campagnes sur les réseaux sociaux comme #KeepItCanadian et #StayHomeSpendHome, qui ont reçu le soutien de célébrités et de leaders d’entreprises canadiennes.
Dans les communautés frontalières comme Windsor, en Ontario, l’impact s’étend au-delà du tourisme. Mei Chen, propriétaire d’un restaurant, a vu sa clientèle américaine s’évaporer. « La moitié de notre activité du week-end provenait des familles du Michigan. Maintenant, c’est fini, mais je soutiens le boycott. Ce n’est pas comme ça qu’on traite ses voisins. »
Les retombées économiques ont été particulièrement sévères dans les États américains