Alors que le soleil se couchait hier derrière les quartiers jonchés de décombres de Gaza-Ville, le personnel médical de l’hôpital Al-Shifa se précipitait entre les civières transportant les blessés des frappes de la journée. « Nous fonctionnons à 300% de notre capacité avec moins de 20% de nos fournitures habituelles, » m’a confié le Dr Mahmoud Shalabi pendant un bref moment entre deux opérations. « Chaque jour est pire que le précédent. »
Au moins 93 Palestiniens ont été tués dans la dernière vague de frappes aériennes israéliennes sur Gaza, selon le ministère de la Santé dirigé par le Hamas. Parmi les victimes figuraient 16 enfants lorsque des bombes ont frappé un immeuble résidentiel à Deir al-Balah, une ville qui servait auparavant de zone de sécurité désignée pour ceux fuyant les bombardements plus intenses ailleurs.
Les frappes se sont intensifiées juste au moment où l’ancien président américain Donald Trump concluait sa tournée régionale, où il a rencontré le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu mais n’a fait aucune escale dans les territoires palestiniens. La visite de Trump était centrée sur des discussions concernant l’Iran et la sécurité régionale, tout en offrant peu de propositions concrètes pour remédier à la catastrophe humanitaire qui se déroule à Gaza.
« Nous avons observé un schéma où les visites diplomatiques vont et viennent, mais sur le terrain, rien ne change sauf le bilan des morts, » a déclaré Francesca Albanese, Rapporteuse spéciale de l’ONU sur les territoires palestiniens occupés. Selon le ministère de la Santé de Gaza, plus de 37 000 Palestiniens ont été tués depuis le début du conflit en octobre dernier, les femmes et les enfants représentant environ 70% des victimes.
Le Programme alimentaire mondial rapporte que des conditions de famine touchent maintenant environ 96% de la population de Gaza. Les livraisons d’aide humanitaire ont diminué de 50% depuis mai en raison des opérations militaires en cours et des restrictions aux points de passage frontaliers, selon OCHA, le bureau de coordination humanitaire de l’ONU.
À Rafah, où plus d’un million de Palestiniens déplacés avaient cherché refuge plus tôt dans le conflit, les bombardements aériens ont repris malgré les avertissements internationaux contre les opérations dans cette zone densément peuplée. J’ai parlé avec Amal Khatib, mère de quatre enfants qui a fui Gaza-Ville, puis Khan Younis, et qui fait maintenant face à un nouveau déplacement. « Où s’attendent-ils à ce que nous allions? » a-t-elle demandé, rassemblant le peu de possessions que sa famille possède encore. « La mer est derrière nous, et les bombes sont devant nous. »
Le porte-parole militaire israélien, le contre-amiral Daniel Hagari, a défendu les opérations, affirmant qu’elles visaient des centres de commandement du Hamas. « Nous prenons des mesures extraordinaires pour minimiser les pertes civiles, » a déclaré Hagari lors d’un point de presse. Cependant, la vérification indépendante reste difficile en raison des restrictions imposées aux journalistes internationaux entrant à Gaza.
Le Comité international de la Croix-Rouge a documenté de graves pénuries dans les installations médicales restantes de Gaza. « Les antibiotiques de base, les anesthésiques et les réserves de sang sont presque épuisés, » a déclaré Jacques de Maio, directeur régional du CICR. « Les patients blessés subissent des opérations sans gestion adéquate de la douleur, et les infections se propagent en raison du manque de soins médicaux appropriés. »
Les infrastructures d’eau ont été particulièrement touchées. Selon le Programme des Nations Unies pour l’environnement, 70% des systèmes d’eau de Gaza ont été endommagés ou détruits depuis octobre. Avec des températures dépassant les 32°C, la déshydratation et les maladies d’origine hydrique représentent une menace supplémentaire pour une population déjà en détresse extrême.
À Washington, le porte-parole du Département d’État, Matthew Miller, a appelé à un accès humanitaire accru mais s’est gardé d’exiger un cessez-le-feu. « Nous continuons à travailler avec nos partenaires dans la région pour élargir l’acheminement de l’aide et protéger les vies civiles, » a déclaré Miller lors du briefing de mardi.
Le chef de la politique étrangère de l’Union européenne, Josep Borrell, a adopté une position plus ferme, déclarant: « Le bombardement continu des zones civiles à Gaza représente une grave violation du droit humanitaire international. Toutes les parties doivent se conformer aux décisions de la CIJ et protéger les infrastructures civiles. »
Pendant ce temps, les négociations pour un cessez-le-feu et un accord de libération d’otages semblent au point mort. Des sources diplomatiques au Caire, s’exprimant sous couvert d’anonymat, m’ont confié que le Hamas a rejeté les récentes propositions qui n’incluaient pas de garanties pour un cessez-le-feu permanent et un retrait complet israélien.
Alors que la nuit tombait sur Deir al-Balah, les secouristes continuaient de fouiller les bâtiments effondrés, utilisant les lampes de téléphone portable en l’absence d’électricité fonctionnelle. Oum Mohammad, une femme âgée regardant les efforts de récupération de l’autre côté de la rue, a résumé le sentiment que j’ai entendu à maintes reprises: « Ils parlent de paix dans des hôtels luxueux pendant que nous mourons sous le béton et l’acier. »
L’escalade survient alors que les fournitures médicales entrant à Gaza sont tombées à leur plus bas niveau depuis novembre, selon Médecins Sans Frontières. L’organisation rapporte que les grands hôpitaux pratiquent des amputations sans équipement chirurgical adéquat et traitent les victimes de brûlures sans soins spécialisés.
Pour les 2,3 millions d’habitants restants de Gaza, l’avenir immédiat semble de plus en plus sombre alors que les efforts diplomatiques ne se traduisent pas par un soulagement tangible. Comme me l’a confié un responsable de l’ONU, demandant l’anonymat pour parler franchement: « Nous ne prévenons plus une catastrophe humanitaire à Gaza — nous nous contentons de la documenter. »