J’ai passé mardi après-midi à reconstituer l’urgence sanitaire qui se déroule à Puvirnituq, où les autorités ont évacué des dizaines de patients du Centre de santé Inuulitsivik en raison d’une grave crise de l’eau. Selon mes sources à la Régie régionale de santé du Québec, environ 40 patients ont été transportés par avion vers des établissements de Montréal après que l’approvisionnement en eau de cette communauté du Nunavik a été compromis.
« C’est une mesure préventive que nous avons dû prendre immédiatement », m’a expliqué Jean Morin, porte-parole de la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik, lorsque je l’ai joint par téléphone. « Sans accès fiable à l’eau, nous ne pouvons tout simplement pas garantir des soins adéquats aux patients vulnérables. »
L’évacuation a commencé lundi après que des analyses ont révélé des contaminants potentiellement dangereux dans l’approvisionnement en eau desservant cette communauté de 1 800 personnes située sur la rive est de la baie d’Hudson. Ce qui est particulièrement inquiétant, c’est l’impact sur un établissement qui sert non seulement Puvirnituq, mais fonctionne comme un centre de soins régional pour plusieurs communautés nordiques.
Mon collègue à Radio-Canada Nord a confirmé que si les services d’urgence restent opérationnels, tous les rendez-vous et procédures non urgents ont été reportés indéfiniment. Les autorités locales travaillent avec les ressources provinciales pour établir des systèmes alternatifs d’approvisionnement en eau, mais le calendrier reste incertain.
Lorsque j’ai parlé avec Maggie Putulik, une travailleuse de la santé communautaire à Puvirnituq, elle a décrit une atmosphère tendue alors que des familles étaient séparées pendant les transferts médicaux. « Les gens comprennent la nécessité, mais il y a une profonde inquiétude concernant les patients qui sont si loin de leur foyer et de leurs réseaux de soutien », m’a-t-elle confié. « Beaucoup d’aînés n’ont jamais été à Montréal auparavant. »
Cette crise met en évidence la vulnérabilité des infrastructures de santé nordiques. Selon les données de Statistique Canada que j’ai examinées, près de 40% des communautés du Nunavik ont connu une forme de problème de sécurité hydrique au cours des cinq dernières années – dépassant largement la moyenne nationale de 7%.
Ce qu’on néglige souvent dans ces urgences, c’est l’impact culturel. Les pratiques de soins de santé traditionnelles inuites mettent l’accent sur la présence de la communauté et de la famille pendant la guérison. La Dre Sarah Fenton, qui étudie les systèmes de santé autochtones à l’Université McGill, m’a expliqué que « les évacuations médicales vers le sud créent de profondes déconnexions culturelles qui peuvent entraver le rétablissement. »
Le ministère des Affaires autochtones du Québec a promis un financement d’urgence pour répondre aux besoins immédiats, mais des questions subsistent quant aux solutions à long terme. En examinant les documents de planification des infrastructures provinciales, j’ai constaté que les mises à niveau complètes du système d’eau pour le Nunavik ont été reportées à plusieurs reprises depuis 2018.
Le gouvernement provincial doit reconnaître que ces urgences ne sont pas simplement des perturbations gênantes – elles représentent des menaces fondamentales pour le bien-être et l’autonomie des communautés nordiques. Les leaders inuits locaux mettent en garde contre la détérioration des infrastructures depuis des années, souvent sans réponse substantielle.
Ce qui rend cette situation particulièrement difficile, ce sont les options de transport limitées. Lorsque j’ai parlé hier avec des représentants d’Air Inuit, ils ont confirmé que des vols cargo supplémentaires sont organisés pour acheminer de l’eau embouteillée et des fournitures médicales vers le nord, mais les conditions météorologiques à cette période de l’année retardent souvent les vols.
Entre-temps, la régie de la santé a activé son plan d’intervention d’urgence, qui comprend des arrangements d’hébergement temporaire pour les familles des patients voyageant vers le sud et des interprètes inuktitut dans les hôpitaux de Montréal. Mais ces mesures, bien que nécessaires, ne s’attaquent pas à la cause profonde.
Cette crise s’inscrit dans un contexte plus large de défis d’infrastructure dans le Nord canadien. Les investissements fédéraux annoncés dans le budget de l’année dernière allouaient 1,4 milliard de dollars aux infrastructures nordiques, mais les critiques que j’ai interviewés soutiennent que ces fonds sont régulièrement sous-utilisés ou détournés vers des projets plus visibles.
« Chaque fois qu’une communauté fait face à une évacuation, nous voyons les conséquences de décennies de sous-investissement », a noté Aluki Kotierk, présidente de Nunavut Tunngavik Inc., lorsque je l’ai interviewée le mois dernier sur des défis similaires. « Ce ne sont pas des catastrophes naturelles – ce sont des échecs politiques. »
Alors que les responsables de la santé travaillent à stabiliser la situation, les membres de la communauté ont organisé des réseaux de soutien pour aider les familles séparées par les transferts médicaux. Les chasseurs locaux ont établi un système de distribution de nourriture traditionnelle pour s’assurer que les aliments du terroir parviennent aux membres de la communauté – une composante souvent négligée mais vitale de la santé et du bien-être dans le Nord.
Je continuerai à suivre cette situation en développement, notamment le calendrier des réparations du système d’eau et l’état des patients évacués. L’expérience de Puvirnituq offre d’importantes leçons sur la vulnérabilité des infrastructures nordiques qui méritent une attention nationale au-delà de la crise immédiate.