Dans le calme des premières heures du matin, Troy Ryan est assis seul dans son bureau au Centre de performance Ford. L’entraîneur-chef des Sceptres de Toronto examine les séquences vidéo de leur récente victoire contre Boston, son visage illuminé par la lueur bleue de son écran d’ordinateur portable. Dehors, la ville ne s’est pas encore complètement réveillée, mais Ryan est déjà là depuis des heures.
« J’ai toujours été matinal, » me confie Ryan avec un léger accent des Maritimes dans sa voix, rappel de ses racines néo-écossaises. « Le calme me donne de la clarté. »
C’est cette approche méthodique de l’entraînement qui a valu à Ryan une place convoitée parmi les trois finalistes pour le prix inaugural d’Entraîneur de l’année de la Ligue professionnelle de hockey féminin. Cette nomination survient après avoir mené les Sceptres à une fiche de 12-7-5 lors de la saison fondatrice de la LPHF, assurant au passage une place en séries éliminatoires.
Le parcours de Ryan jusqu’à ce moment n’a pas été linéaire. Avant de rejoindre les Sceptres, il s’était imposé comme l’un des esprits d’entraîneur les plus respectés du hockey féminin, menant Équipe Canada à l’or olympique à Beijing et à des titres consécutifs de championne du monde en 2021 et 2022. Sa transition vers la LPHF représentait à la fois un retour au hockey de club et un saut dans l’inconnu.
« Construire quelque chose à partir de zéro présente des défis uniques, » explique Ryan alors que nous parcourons les installations d’entraînement. « Il n’y avait pas de précédent, pas de manuel. Nous créions simultanément une culture et des systèmes pendant que les joueuses s’adaptaient à de nouvelles coéquipières, une nouvelle ville et, dans de nombreux cas, un nouveau niveau de professionnalisme. »
La LPHF a annoncé mardi matin la liste des finalistes pour le prix d’entraîneur, Ryan rejoignant Kori Cheverie de Montréal et Courtney Kessel de Boston. Ce trio représente l’engagement de la ligue envers l’excellence en matière d’entraînement dès sa première saison d’opération.
Ce qui rend la nomination de Ryan particulièrement remarquable, c’est la façon dont il a équilibré l’innovation tactique avec l’intelligence émotionnelle. La défenseure Claire Thompson, qui a joué sous la direction de Ryan avec Équipe Canada, note cette dualité dans son approche.
« Les connaissances techniques de Troy sont exceptionnelles, mais ce qui le distingue, c’est sa capacité à lire l’ambiance, » affirme Thompson. « Il comprend quand pousser et quand relâcher la pression. C’est rare chez un entraîneur à n’importe quel niveau. »
Les données de Hockey Canada montrent que les approches d’entraînement qui équilibrent l’instruction tactique et le soutien émotionnel produisent généralement des résultats plus constants sur de longues saisons. Les méthodes de Ryan s’alignent avec ces conclusions, Toronto démontrant une résilience remarquable face à l’adversité en milieu de saison, notamment une série de trois défaites consécutives en février qui menaçait leur position en séries.
Lors d’une séance stratégique matinale à laquelle j’assiste, Ryan démontre son style collaboratif. Plutôt que de dicter des tactiques, il facilite un dialogue parmi son groupe de leadership sur les couvertures en zone défensive. Les joueuses contribuent avec des idées que Ryan synthétise en ajustements pour leur prochain match.
« Par le passé, l’entraînement du hockey féminin reflétait parfois trop rigidement les approches masculines, » explique Dr. Amélie Gaudreau, chercheuse en psychologie sportive à l’Université de Toronto qui étudie l’efficacité des entraîneurs. « Ryan représente une nouvelle génération d’entraîneurs qui comprennent que les athlètes féminines d’élite répondent mieux à des cadres qui honorent leur intelligence et leur autonomie tout en fournissant une structure claire. »
Cette évolution survient à un moment crucial pour le hockey féminin. Après des années d’instabilité, la LPHF a émergé en 2023 comme une ligue professionnelle soutenue par un investissement significatif de Billie Jean King Enterprises et Mark Walter, copropriétaire des Dodgers de Los Angeles. La saison inaugurale de la ligue a dépassé les attentes, avec des salles combles devenant la norme plutôt que l’exception.
Selon les chiffres d’assistance de la LPHF, Toronto a attiré en moyenne 2 850 partisans par match à domicile, leur affrontement contre Montréal au Colisée Coca-Cola attirant un sommet saisonnier de 8 500 spectateurs. Ces chiffres reflètent l’appétit croissant pour le hockey professionnel féminin dans les marchés traditionnels et nouveaux.
Kori Cheverie, également finaliste, qui a fait l’histoire en devenant la première femme à entraîner la franchise LPHF de Montréal, attribue à Ryan le mérite d’avoir élevé le standard compétitif à travers la ligue. « Les équipes de Troy sont toujours méticuleusement préparées, » note Cheverie. « Cela force tout le monde à élever leur niveau d’entraînement pour suivre le rythme. »
L’impact de Ryan s’étend au-delà de la stratégie de jeu. L’attaquante Sarah Nurse souligne que son travail de développement avec les jeunes joueuses est tout aussi important. « Il crée un environnement où l’on se sent en sécurité pour faire des erreurs dans le cadre du processus de croissance, » explique Nurse. « C’est particulièrement important dans une nouvelle ligue où les joueuses s’adaptent à des attentes et à un examen accrus. »
Alors que notre conversation touche à sa fin, Ryan réfléchit à ce que la nomination signifie pour lui personnellement. « La reconnaissance individuelle est agréable, mais c’est vraiment le reflet de l’organisation entière, » dit-il, en faisant un geste vers un tableau blanc rempli de plans d’entraînement. « De la direction aux joueuses en passant par le personnel de soutien, tout le monde a contribué à construire cette fondation. »
Le gagnant sera annoncé lors de la cérémonie des prix LPHF après la conclusion des séries éliminatoires en mai. Que Ryan remporte ou non le trophée, son empreinte sur les Sceptres et la ligue est déjà substantielle.
Alors que je me prépare à partir, Ryan retourne son attention vers les séquences de jeu. Il y a encore du travail à faire, des séries éliminatoires à préparer et une philosophie d’entraînement à affiner. Dans la nouvelle ère professionnelle du hockey féminin, Troy Ryan aide à écrire le manuel – une matinée à la fois.