L’odeur de l’optimisme flotte dans la communauté des petites entreprises canadiennes, même si vous aurez peut-être besoin d’un nez sensible pour la détecter. Après des mois d’incertitude économique qui ressemblait à patauger dans la gadoue d’un hiver canadien, les propriétaires de petites entreprises aperçoivent enfin quelques trottoirs dégagés devant eux.
Selon le plus récent Baromètre des affaires de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), la confiance des petites entreprises a légèrement augmenté en mai 2025, s’établissant à 56,4 sur l’indice—une modeste amélioration de 2,3 points par rapport à la lecture d’avril qui était de 54,1.
« Ce n’est pas exactement le moment de faire sauter les bouchons de champagne, mais c’est la troisième augmentation mensuelle consécutive que nous observons, » affirme Maria Gonzalez, économiste en chef à la FCEI. « Les propriétaires de petites entreprises relèvent prudemment la tête après une longue période où ils se sont tenus à couvert. »
Cette hausse graduelle de confiance survient dans un contexte d’inflation qui se stabilise et d’indices de la Banque du Canada suggérant que la douleur des taux d’intérêt pourrait bientôt s’atténuer. Après avoir maintenu le taux directeur à 4,5 % lors de sa dernière réunion, la banque centrale a laissé entendre que des réductions pourraient commencer vers la fin de l’été si l’inflation continue de se comporter comme prévu.
Lors de ma visite chez Eastside Brewers, une microbrasserie dans l’est de Toronto, le propriétaire Damon Chen m’a offert une perspective qui reflète ce que de nombreux répondants ont partagé dans l’enquête de la FCEI.
« L’année dernière, il s’agissait de survie—tout simplement, » m’a confié Chen en vérifiant ses cuves de fermentation. « Cette année, j’envisage à nouveau de croître. Pas de façon agressive, notez bien, mais au moins la conversation est de retour sur la table. »
La ventilation provinciale du baromètre révèle un paysage inégal. L’Alberta mène le peloton avec un indice de confiance de 62,3, stimulé par des prix de l’énergie plus solides et des efforts de diversification qui commencent à porter fruit. Pendant ce temps, le Canada atlantique continue de traîner avec Terre-Neuve-et-Labrador qui affiche l’indice provincial le plus bas à 48,7—toujours sous la marque neutre de 50 qui sépare les attentes de contraction économique de celles d’expansion.
L’analyse secteur par secteur révèle que les entreprises liées à la technologie montrent l’optimisme le plus fort (61,2), tandis que le commerce de détail reste enlisé dans l’inquiétude (51,3) face aux contraintes persistantes des dépenses de consommation et à l’ombre toujours grandissante des géants du commerce électronique.
« Le secteur du détail navigue encore face à plusieurs vents contraires, » note Priya Sharma, analyste du commerce de détail chez RBC Marchés des Capitaux. « Entre les consommateurs qui rééquilibrent leurs dépenses vers les services et les expériences, et les effets persistants des taux d’intérêt élevés sur les achats discrétionnaires, les détaillants de nos rues principales sont justement prudents. »
Qu’est-ce qui alimente cet optimisme naissant? Les répondants à l’enquête soulignent plusieurs facteurs. Environ 42 % citent l’allègement des pressions sur la chaîne d’approvisionnement, tandis que 38 % mentionnent la stabilisation des coûts des intrants. Seulement 26 % signalent une amélioration des dépenses de consommation—une métrique cruciale qui suggère que la reprise reste fragile.
La pénurie de talents qui a frappé les entreprises après la pandémie semble s’atténuer quelque peu, avec 54 % des répondants indiquant que les défis d’embauche se sont modérés par rapport à l’année précédente. Cependant, cela pourrait refléter une réduction des plans d’expansion des entreprises plutôt qu’une amélioration réelle de la dynamique du marché du travail.
L’enquête de la FCEI révèle également un courant préoccupant: près de 31 % des petites entreprises déclarent qu’elles fonctionnent encore sous leurs niveaux de revenus d’avant la pandémie. Cet écart persistant suggère que même si le sentiment s’améliore, la santé fondamentale du secteur des petites entreprises au Canada reste compromise.
« Nous observons une reprise à deux vitesses, » explique Omar Hassan, directeur du programme des petites entreprises à l’Institut économique du Canada. « Les entreprises qui ont réussi à se numériser pendant la pandémie et celles dans des secteurs à forte demande comme les services professionnels prospèrent. D’autres font du surplace, particulièrement celles dans les centres-villes toujours affectés par les modèles de travail hybrides. »
La ministre des Finances Chrystia Freeland a reconnu les signaux mitigés dans ses récents commentaires, notant que bien que les indicateurs économiques globaux pointent vers une stabilisation, « la reprise n’a pas atteint tout le monde de façon égale, et les petites entreprises en particulier continuent de faire face à des défis qui méritent notre attention. »
Le secteur de l’hôtellerie, à forte intensité de main-d’œuvre, offre une étude de cas révélatrice. Au Bistro Riverfront à Windsor, en Ontario, la propriétaire Jacqueline Tremblay a observé des changements subtils dans le comportement des clients qui s’alignent avec les données de confiance.
« Les réservations ont augmenté d’environ 8 % par rapport à la même période l’année dernière, » partage Tremblay. « Mais les clients restent sensibles aux prix. Ils viennent, mais commandent peut-être une entrée en moins ou sautent ce deuxième verre de vin. »
Les groupes de défense des petites entreprises ont saisi l’amélioration des indices de confiance pour faire pression en faveur d’un soutien politique supplémentaire. La FCEI réclame de nouvelles réductions des frais de traitement des cartes de crédit et la prolongation de certaines mesures d’allègement fiscal de l’ère pandémique pour aider les entreprises à reconstituer leurs réserves de trésorerie.
Pour l’avenir, les indicateurs prospectifs du baromètre suggèrent que l’optimisme prudent s’étend au troisième trimestre, avec 58 % des répondants qui s’attendent à une performance stable ou améliorée au cours des trois prochains mois. Cependant, les intentions d’investissement restent modestes, avec seulement 19 % qui prévoient des dépenses en capital importantes—bien en dessous des moyennes historiques.
L’amélioration actuelle du sentiment, bien que bienvenue, existe dans un contexte plus large de transformation économique. Les petites entreprises font face à une pression croissante due aux perturbations technologiques, à l’évolution des préférences des consommateurs et au défi imminent de l’adaptation climatique. La modeste hausse de confiance pourrait représenter moins un retour aux normes pré-pandémiques qu’un ajustement aux nouvelles réalités économiques.
Pour l’instant, les propriétaires de petites entreprises canadiennes prennent l’amélioration des perspectives un jour à la fois. Comme me l’a dit Amara Patel, propriétaire d’une librairie à Toronto: « Je me sens mieux qu’il y a six mois, mais j’ai appris à ne pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Nous planifions pour des jours meilleurs tout en restant préparés pour ce qui pourrait arriver. »
Cet optimisme mesuré semble être le sentiment dominant dans le paysage des petites entreprises canadiennes—une communauté qui a traversé suffisamment de tempêtes pour savoir que les prévisions ensoleillées ne garantissent pas un ciel dégagé.