Des Gazaouis désespérés ont envahi hier des camions de distribution alimentaire dans le centre de la bande de Gaza, une scène bouleversante qui souligne la crise humanitaire catastrophique qui entre maintenant dans son huitième mois. Au milieu du chaos, j’ai vu des centaines de personnes se précipiter vers les véhicules d’aide, certaines s’effondrant d’épuisement dans cette lutte pour la survie.
« Nous n’avons pas mangé correctement depuis des jours, » m’a confié Mohammed Saleh, les mains tremblantes en tenant un sac de farine vide. « Mes enfants perdent du poids. Nous attendons pendant des heures, parfois des jours, pour finalement être renvoyés quand les provisions s’épuisent. »
L’incident s’est produit près de Deir al-Balah, où les travailleurs humanitaires ont lutté pour maintenir l’ordre alors que la foule submergeait le point de distribution. Selon le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), seulement 15% des approvisionnements alimentaires nécessaires sont entrés à Gaza le mois dernier, créant des conditions de pénurie sévère qui alimentent ces scénarios dangereux.
Les responsables militaires israéliens maintiennent que les protocoles de sécurité sont nécessaires lors des livraisons d’aide, citant des préoccupations concernant le détournement de fournitures par le Hamas. « Nous travaillons pour faciliter l’aide humanitaire tout en assurant nos exigences de sécurité, » a déclaré le porte-parole de Tsahal, le lieutenant-colonel Avichay Adraee, dans un communiqué publié hier.
Mais les organisations d’aide internationales dressent un tableau différent. Médecins Sans Frontières a rapporté que les restrictions bureaucratiques et les points de contrôle sécuritaires ont créé un « étranglement délibéré » des fournitures essentielles. Leur coordinatrice sur le terrain à Gaza, Elena Martínez, m’a expliqué lors de notre appel que « le système n’est pas seulement défaillant—il semble conçu pour échouer. »
Le Programme alimentaire mondial a averti la semaine dernière que les conditions de famine se propagent dans le nord de Gaza, avec une « faim catastrophique » affectant maintenant environ 700 000 personnes. Leur analyse par satellite montre que les terres agricoles ont été rendues inutilisables dans de nombreuses régions, aggravant l’insécurité alimentaire à long terme.
J’ai parlé avec Fatima Abo Jarad, mère de quatre enfants réfugiée dans une école transformée en centre de déplacement dans le centre de Gaza. « Avant, nous nous inquiétions de ce que nous allions manger. Maintenant, nous nous demandons si nous allons manger, » a-t-elle dit, me montrant sa ration quotidienne—un petit sac de riz et de lentilles censé nourrir six personnes.
La crise humanitaire va au-delà de la nourriture. L’eau potable reste rare, avec l’infrastructure hydraulique de Gaza fonctionnant à moins de 20% de sa capacité, selon les évaluations de l’UNICEF. Les fournitures médicales peinent à atteindre les établissements où elles sont désespérément nécessaires.
Des initiatives locales ont émergé pour combler les lacunes là où l’aide internationale échoue. Des cuisines communautaires gérées par des bénévoles fournissent un repas quotidien dans certaines zones. « Nous mettons en commun tous les ingrédients que nous pouvons trouver, » a expliqué Kareem Nasser, qui coordonne une cuisine improvisée servant 500 personnes quotidiennement dans le camp de Nuseirat. « Parfois, c’est juste du riz et du thé, mais ça permet aux gens de tenir un jour de plus. »
Les responsables américains ont intensifié la pression sur Israël pour faciliter un meilleur accès humanitaire. Le Secrétaire d’État Antony Blinken a souligné lors de sa récente visite régionale qu' »il doit y avoir un afflux soutenu d’assistance dans toute la bande de Gaza. » Pourtant, l’écart entre les déclarations diplomatiques et les réalités sur le terrain reste immense.
Le chaos de la distribution d’hier a fait dix-sept blessés, dont quatre enfants, selon des sources médicales palestiniennes. Les travailleurs humanitaires rapportent que cette scène se répète à travers Gaza avec une fréquence croissante.
Le chef humanitaire de l’Union européenne, Janez Lenarčič, a qualifié la situation de « moralement indéfendable » après que des images satellite ont révélé des camions d’aide bloqués sur des kilomètres aux points de passage. L’UE a promis des financements supplémentaires tout en exigeant un accès sans entrave pour les organisations humanitaires.
Les mécanismes de livraison d’aide sont devenus de plus en plus complexes. Israël a mis en place un corridor maritime depuis Chypre, mais les travailleurs humanitaires affirment que les volumes restent insuffisants par rapport aux voies terrestres. Des jetées temporaires construites par l’armée américaine apportent des fournitures directement sur les côtes de Gaza, contournant les points de contrôle terrestres, bien que les contraintes de capacité limitent leur efficacité.
« Chaque point de distribution devient un foyer de désespoir, » a expliqué Omar Shakir, directeur d’Human Rights Watch pour Israël-Palestine, qui a documenté des incidents similaires dans plusieurs endroits. « Quand les gens meurent de faim, maintenir l’ordre devient impossible. »
L’impact psychologique sur les enfants reste particulièrement préoccupant. L’UNICEF signale des cas croissants de complications liées à la malnutrition dans les établissements pédiatriques de Gaza. Le Dr Nasser Al-Tatari de l’Hôpital Al-Aqsa m’a confié : « Les enfants arrivent non seulement affamés mais traumatisés par la lutte constante pour la nourriture. »
La lutte pour les nécessités de base se poursuit alors que les efforts diplomatiques pour des solutions durables sont au point mort. Pour des familles comme celle de Mohammed, la scène chaotique d’hier n’était pas exceptionnelle—elle représentait leur nouvelle réalité quotidienne dans un territoire où la survie elle-même est devenue une occupation à plein temps.