Alors que la lumière d’octobre s’estompait dans une rue tranquille d’Edmonton, Elio Spadon s’est retrouvé dans une situation dangereuse que les Canadiens ne craignent généralement pas dans leur propre jardin. L’homme de 75 ans ramassait des feuilles lorsqu’il a vécu une rencontre terrifiante avec une mère orignal protectrice.
« J’étais allé ramasser des déchets, et elle se cachait derrière l’arbre, » raconte Spadon depuis son lit d’hôpital, la voix encore tremblante. « Quand je l’ai vue, j’ai essayé de m’enfuir, mais elle m’a poursuivi. »
Les rencontres avec la faune sauvage en milieu urbain sont devenues de plus en plus fréquentes dans les villes canadiennes, mais peu sont aussi dangereuses que celle de Spadon avec cet animal de 700 kilogrammes. Selon les responsables d’Alberta Fish and Wildlife, les observations d’orignaux dans les quartiers d’Edmonton ont augmenté d’environ 30 % au cours des cinq dernières années, à mesure que le développement urbain empiète sur les zones naturelles.
La mère orignal, protégeant son veau à proximité, a chargé Spadon, le renversant et le piétinant. Il a subi plusieurs côtes cassées, une fracture du bassin et d’importantes contusions sur tout le corps. Des voisins témoins de l’attaque ont immédiatement appelé les services d’urgence.
« J’ai cru que j’allais mourir, » confie Spadon. Sa femme, Maria, qui était à l’intérieur de leur maison au moment de l’attaque, a entendu le tumulte mais n’a pas pu l’atteindre à temps. « L’orignal était énorme, et Elio n’est plus un jeune homme. Quand je l’ai vu par terre, j’ai simplement hurlé. »
Cheryl Voordenhout, porte-parole du Service de police d’Edmonton, confirme que les agents sont arrivés avec les ambulanciers pour constater que l’orignal s’était retiré dans une zone boisée derrière le quartier. « Ce type de conflit avec la faune est rare, mais extrêmement grave lorsqu’il se produit, » explique-t-elle. « Les agents ont maintenu un périmètre jusqu’à ce que les responsables de la faune puissent évaluer la situation. »
Carmen Davidson, biologiste de la faune à Alberta Environment and Protected Areas, indique que les attaques d’orignaux, bien que rares, se produisent généralement lorsque des humains se retrouvent par inadvertance entre une femelle et son petit. « Les orignaux ne sont pas naturellement agressifs, mais une mère protégeant son petit représente l’une des rencontres les plus dangereuses possibles en milieu urbain, » affirme Davidson. « Contrairement aux ours, les orignaux ne donnent pas beaucoup de signes avant-coureurs avant de charger. »
L’incident met en lumière les tensions croissantes entre l’expansion urbaine et l’habitat faunique dans toute l’Alberta. Le conseiller municipal Aaron Paquette, dont le quartier comprend plusieurs secteurs limitrophes aux zones naturelles, plaide pour de meilleures stratégies de gestion de la faune.
« Nous avons approuvé des développements qui empiètent directement sur les corridors fauniques, » note Paquette lors d’une conversation téléphonique. « Puis nous sommes surpris quand des animaux comme les orignaux, les coyotes ou les ours apparaissent dans les jardins. Nous avons besoin d’une planification plus intelligente qui crée des zones tampons. »
Pour les résidents des quartiers en expansion d’Edmonton, particulièrement ceux qui bordent la vallée de la rivière Saskatchewan Nord, les rencontres avec la faune sont devenues une préoccupation croissante. La ville a enregistré 157 appels liés aux orignaux à son service 311 l’année dernière, selon les données municipales—un chiffre qui a doublé depuis 2018.
La convalescence de Spadon sera longue. Les médecins de l’Hôpital Royal Alexandra prévoient qu’il restera hospitalisé pendant au moins deux semaines, suivies de plusieurs mois de réadaptation. Sa fille, Lucia, a lancé une campagne de sensibilisation du quartier sur la sécurité face à la faune sauvage.
« Papa a toujours été prudent, mais il ne savait pas qu’un orignal était dans le jardin, » explique-t-elle en organisant des dépliants sur la sensibilisation à la faune. « La plupart des gens ne savent pas quoi faire s’ils rencontrent de grands animaux. Nous avons besoin d’une meilleure éducation, surtout pour les nouveaux quartiers. »
L’équipe d’intervention faunique de l’Alberta a finalement localisé l’orignal et son veau à environ un kilomètre de la maison de Spadon. Plutôt que de déplacer les animaux, les responsables ont décidé de surveiller la situation, car la paire semblait s’éloigner naturellement des zones résidentielles.
« La relocalisation est stressante pour la faune et pas toujours réussie, » explique Davidson. « Notre protocole consiste à permettre aux animaux de se déplacer d’eux-mêmes, sauf en cas de menace immédiate pour la sécurité publique. »
Pour des résidents comme Mohammed Abukar, qui habite à trois portes des Spadon, l’incident a changé sa façon de voir son propre jardin. « J’habite ici depuis huit ans et j’ai vu des lapins, des porcs-épics, même un coyote une fois. Mais un orignal? C’est différent. Maintenant, je vérifie par la fenêtre avant de laisser mes enfants sortir jouer. »
À mesure que la frontière urbaine d’Edmonton continue de s’étendre vers le nord et l’est, des incidents comme celui de Spadon pourraient devenir plus fréquents sans une planification et une éducation appropriées. Le Plan de gestion de la faune urbaine de la ville, mis à jour pour la dernière fois en 2009, est actuellement en cours de révision, avec des recommandations attendues au printemps prochain.
Pour l’instant, Spadon se concentre sur sa guérison tandis que son quartier reste vigilant. « Je n’aurais jamais pensé qu’à mon âge, je me battrais contre un orignal, » dit-il avec un faible sourire. « La prochaine fois que j’entendrai quelque chose dans le jardin, je regarderai très attentivement avant de sortir. »
Son expérience sert de rappel sobre que même dans nos espaces urbains, nous partageons le paysage avec des créatures sauvages qui nous rappellent parfois leur présence—parfois avec des conséquences dangereuses.
