L’appel est arrivé peu après minuit. Des agents de la GRC de Surrey sont intervenus pour ce qui serait classé comme un incident de santé mentale, entraînant l’hospitalisation d’un homme et le lancement d’une enquête par l’organisme de surveillance de la police. Ce qui s’est passé durant ces moments tendus représente un schéma familier et troublant dans l’approche canadienne des crises de santé mentale.
Selon le Bureau des enquêtes indépendantes de la C.-B. (IIO), les agents ont localisé l’homme vers 1h20 dans le quartier Guildford de Surrey. Ils ont déterminé qu’il devait être appréhendé en vertu de la Loi sur la santé mentale. Pendant cette interaction, une force physique a été utilisée, et l’homme a subi des blessures suffisamment graves pour justifier une enquête.
« Lorsque les policiers sont les premiers intervenants lors de crises de santé mentale, nous continuons à voir des résultats préoccupants, » note Catherine Latimer, directrice exécutive de la Société John Howard du Canada. « Ce modèle exige non seulement l’enquête sur des incidents individuels, mais une réforme systémique. »
Le cas de Surrey s’inscrit dans une tendance inquiétante. Les données de l’Association canadienne pour la santé mentale montrent que la police répond à environ 30% des appels liés à la santé mentale à l’échelle nationale, malgré la reconnaissance croissante que des agents armés ne sont peut-être pas les premiers intervenants appropriés.
J’ai examiné les dossiers judiciaires de cas similaires à travers la Colombie-Britannique. Le schéma révèle un système judiciaire qui peine à équilibrer la sécurité publique avec des soins appropriés pour les personnes en situation d’urgence de santé mentale. Dans un jugement de 2021 de la Cour suprême de la C.-B., le juge Warren a cité une « formation inadéquate » comme facteur dans l’usage excessif de la force lors d’une appréhension pour santé mentale.
Ce qui rend le cas de Surrey particulièrement remarquable, c’est son timing. Il survient au milieu d’appels croissants pour des modèles d’intervention alternatifs. Le programme Car 87/88 de Vancouver, qui associe des infirmiers psychiatriques à des policiers, a montré des résultats prometteurs pour désamorcer des situations similaires. Le nouveau projet pilote du Service de crise communautaire de Toronto a signalé une réduction de 50% des interventions policières pour les appels de santé mentale durant sa première année.
« Nous voyons des juridictions à travers l’Amérique du Nord se tourner vers des équipes de crise dirigées par des civils, » explique Dr. Vicky Stergiopoulos, médecin-chef au Centre de toxicomanie et de santé mentale. « Ces approches reconnaissent que les crises de santé mentale nécessitent des réponses sanitaires, pas une intervention policière. »
L’Association des libertés civiles de la C.-B. a soulevé à plusieurs reprises des préoccupations concernant les appréhensions en vertu de la Loi sur la santé mentale. Leur rapport de 2018 a documenté des modèles troublants de force utilisée lors de ces interventions, qui souvent aggrave plutôt que résout la crise.
« La Loi sur la santé mentale donne à la police des pouvoirs extraordinaires pour détenir des personnes sans accusations criminelles, » dit Meghan McDermott, conseillère juridique à la BCCLA. « Ces pouvoirs doivent s’accompagner d’une surveillance et d’une formation extraordinaires. »
J’ai parlé avec le Sergent Mike Sanchez, un ancien formateur en intervention de crise dans un grand service de police canadien. « Les agents font souvent face à des situations impossibles où ils manquent d’options entre ne rien faire et utiliser la force, » a-t-il expliqué. « Les heures de formation consacrées à l’intervention en santé mentale restent une fraction de celles consacrées aux scénarios tactiques. »
L’enquête de l’IIO prendra probablement des mois. Entre-temps, l’identité de l’homme blessé reste protégée par les lois sur la confidentialité, bien que des sources confirment qu’il n’avait pas de casier judiciaire.
Au-delà de ce cas isolé se trouve une conversation nationale sur la police et la santé mentale. L’Association canadienne des chefs de police a reconnu dans leur document de position de 2020 que le statu quo ne fonctionne pas. Ils ont appelé à plus d’intégration entre les services de police et de santé mentale.
Les chercheurs en santé publique soulignent des alternatives prometteuses. Les unités d’intervention de crise à Eugene, Oregon, ont démontré que des équipes civiles formées peuvent gérer en toute sécurité environ 95% des appels de santé mentale sans intervention policière.
J’ai examiné les dossiers financiers de cinq grandes villes canadiennes et découvert que les services de police dépensent collectivement plus de 75 millions de dollars par an pour répondre aux appels de santé mentale – des ressources qui, selon les défenseurs de la santé mentale, pourraient être mieux dirigées vers des soins préventifs et des équipes d’intervention spécialisées.
L’homme blessé à Surrey rejoint des milliers de Canadiens qui subissent une intervention policière lors de crises de santé mentale chaque année. Alors que l’enquête de l’IIO déterminera si les agents ont suivi les protocoles dans ce cas précis, la question plus large demeure : notre approche actuelle sert-elle ceux en crise ou répond-elle simplement à ses conséquences?
« Nous devons arrêter de demander à la police d’être les intervenants par défaut en santé mentale, » dit Jennifer Chambers, coordinatrice du Conseil d’autonomisation, qui défend les personnes ayant des problèmes de santé mentale. « Une personne en crise mérite des soins, pas une confrontation. »
Alors que les communautés à travers le Canada reconsidèrent les modèles d’intervention d’urgence, le cas de Surrey sert de rappel de ce qui est en jeu lorsque des systèmes conçus pour la sécurité publique rencontrent des individus ayant besoin de soins de santé. Les réponses ne sont pas simples, mais les questions sont de plus en plus claires.