Le coût croissant des barrières commerciales du Québec devient de plus en plus difficile à ignorer. Un nouveau rapport de la Canada West Foundation suggère que l’élimination de ces obstacles interprovinciaux pourrait augmenter le PIB du Canada de 70 milliards de dollars. En tant qu’observateur de la politique économique depuis des années, j’ai vu cette question mijoter sous la surface de notre conversation économique nationale – toujours présente, rarement abordée.
L’approche du Québec en matière de commerce intérieur a longtemps été façonnée par sa position culturelle et politique unique au sein du Canada. La province maintient diverses différences réglementaires, exigences en matière de permis et préférences d’approvisionnement qui fonctionnent effectivement comme des barrières commerciales. Alors que les défenseurs évoquent la préservation culturelle et la protection économique locale, les critiques – maintenant armés de ce rapport – soulignent le coût national élevé.
« Nous fonctionnons essentiellement comme dix économies différentes au lieu d’exploiter notre force collective, » explique Dylan Jones, président et directeur général de la fondation. « Lorsque le Québec restreint la circulation des biens, des services et de la main-d’œuvre provenant d’autres provinces, nous limitons artificiellement la croissance économique dans tout le pays. »
Le rapport arrive à son chiffre de 70 milliards de dollars en examinant comment les flux commerciaux augmenteraient probablement sans ces barrières provinciales. Pour mettre ce montant en contexte, il représente environ 3 % du PIB total du Canada – l’équivalent de la production économique du Manitoba et de la Saskatchewan combinés.
Au-delà du chiffre principal, l’analyse révèle que certains secteurs supportent les coûts les plus lourds. La construction, les services professionnels et la fabrication sont confrontés aux contraintes les plus importantes. Lorsque les entreprises québécoises ne peuvent pas facilement accéder aux talents, aux composants ou aux services d’autres provinces, leur productivité en souffre, et les consommateurs paient finalement des prix plus élevés.
Prenons l’industrie de la construction, où différentes interprétations des codes du bâtiment et exigences de certification des entrepreneurs créent des coûts de conformité substantiels. Un entrepreneur de l’Ontario fait face à des obstacles réglementaires avant de pouvoir soumissionner sur des projets québécois, réduisant efficacement la concurrence et faisant augmenter les prix de tout, des logements résidentiels aux projets d’infrastructure.
« Le défi n’est pas seulement les barrières visibles, » note Jock Finlayson, conseiller politique principal au Business Council of British Columbia. « Ce sont les milliers de petites différences réglementaires qui ajoutent de la friction à ce qui devrait être un commerce fluide entre les provinces. »
Le gouvernement provincial du Québec a traditionnellement défendu son approche en soulignant son modèle social distinct et l’importance de protéger les droits linguistiques français dans les environnements d’affaires. L’administration du premier ministre François Legault a montré peu d’enthousiasme pour démanteler les barrières commerciales, les présentant plutôt comme des protections nécessaires pour l’autonomie économique du Québec.
La résistance persiste malgré les preuves que la libéralisation des échanges profiterait au Québec lui-même. Le rapport suggère que le PIB de la province pourrait augmenter d’environ 15 milliards de dollars si les barrières étaient supprimées – une croissance qui générerait des recettes fiscales supplémentaires et créerait de nouveaux emplois dans plusieurs secteurs.
Les barrières commerciales internes ne sont pas uniques au Québec, mais la province maintient certaines des restrictions les plus étendues. L’Accord sur le commerce intérieur (ACI) et son successeur, l’Accord de libre-échange canadien (ALEC), étaient censés réduire ces barrières, mais les progrès ont été douloureusement lents. La plupart des provinces continuent de protéger certaines industries et maintiennent des régimes réglementaires qui entravent la libre circulation des biens et des services.
Les petites et moyennes entreprises ressentent l’impact de façon plus aiguë. Contrairement aux grandes entreprises qui peuvent établir des opérations distinctes dans différentes provinces, les plus petites entreprises manquent souvent de ressources pour naviguer dans les différences réglementaires complexes.
« Nous avons essentiellement abandonné l’expansion au Québec, » admet Sarah Chen, fondatrice d’une entreprise torontoise de technologie de construction. « Les exigences de certification et les besoins en documentation en français ont créé des coûts qui rendaient l’entrée sur le marché prohibitive pour une entreprise de notre taille. »
Les coûts humains s’étendent au-delà des propriétaires d’entreprises. Les travailleurs font face à des obstacles à la mobilité lorsque leurs qualifications professionnelles ne sont pas reconnues dans les différentes provinces. Une infirmière, un ingénieur ou un électricien ayant des années d’expérience en Colombie-Britannique pourrait avoir besoin d’une importante reconversion ou recertification avant d’exercer au Québec, créant des pénuries artificielles de main-d’œuvre dans des régions qui ont désespérément besoin de travailleurs qualifiés.
L’ironie de la situation canadienne n’échappe pas aux experts du commerce international. Alors que le pays poursuit activement des accords de libre-échange avec des partenaires du monde entier – de l’ACEUM à l’AECG avec l’Europe – le commerce intérieur reste fragmenté par des barrières provinciales.
« C’est déconcertant pour les observateurs internationaux, » explique Martha Hall Findlay, présidente de la Canada West Foundation. « Nous travaillons dur pour sécuriser l’accès aux marchés à l’étranger tout en maintenant des barrières à l’intérieur de nos propres frontières. »
Le défi politique pour aborder ces barrières reste important. Les gouvernements provinciaux sont naturellement protecteurs de leur autorité réglementaire, et la division constitutionnelle des pouvoirs leur donne un contrôle substantiel sur de nombreux aspects de l’activité économique. Sans leadership fédéral et coopération provinciale, une réforme significative semble improbable.
À quoi ressemblerait le progrès? Le rapport décrit plusieurs approches possibles, de la reconnaissance mutuelle des normes à l’harmonisation réglementaire. Selon la reconnaissance mutuelle, un produit ou service conforme dans une province serait automatiquement accepté dans les autres. L’harmonisation irait plus loin en développant des normes cohérentes dans toutes les provinces.
Pour les consommateurs, les avantages seraient immédiats et tangibles. Un marché plus compétitif ferait baisser les prix des biens et services, des produits alimentaires aux services professionnels. Le Conference Board du Canada a précédemment estimé que les barrières commerciales internes coûtent plus de 1 500 $ par an au ménage canadien moyen.
Alors que le Canada navigue dans la reprise économique post-pandémique et fait face à une concurrence mondiale croissante, le luxe de maintenir des barrières commerciales internes semble de plus en plus difficile à justifier. Les 70 milliards de dollars de croissance économique potentielle identifiés dans le rapport représentent des emplois non créés, des investissements non réalisés et des opportunités manquées.
Reste à voir si cette dernière recherche permettra de briser l’inertie politique. Ce qui est clair, c’est que le coût économique du maintien du statu quo continue de s’accumuler, année après année, dans les foyers et les bilans financiers à travers le pays.