J’ai passé les quatre derniers jours dans la salle d’audience 7, où l’atmosphère est devenue tendue alors que les avocats de la défense de cinq anciens joueurs de hockey junior terminaient leur plaidoirie. Le procès pour agression sexuelle, maintenant dans sa cinquième semaine, a soulevé des questions difficiles sur le consentement, l’alcool et la responsabilité dans une affaire qui divise l’opinion publique à travers le Canada.
« Ces hommes sont jugés deux fois – une fois dans cette salle d’audience et une autre fois devant le tribunal de l’opinion publique, » a déclaré l’avocate de la défense Marie Henein aux jurés hier. Sa plaidoirie finale a souligné les incohérences dans le témoignage de la plaignante et a remis en question la fiabilité de la mémoire après la consommation d’alcool.
L’affaire découle d’allégations suivant un gala de Hockey Canada en juin 2018, lorsqu’une femme de 20 ans a signalé avoir été agressée sexuellement par plusieurs joueurs dans un hôtel. La plaignante, dont l’identité reste protégée par une interdiction de publication, a témoigné qu’elle se sentait « paralysée » pendant la rencontre et incapable de partir.
La procureure de la Couronne Kathleen Roussel a présenté des preuves, notamment des messages texte entre les joueurs cette nuit-là et des images de vidéosurveillance de l’hôtel montrant la démarche instable de la femme en entrant dans l’hôtel. « Ces messages révèlent une désinvolture troublante à propos des événements qui se sont déroulés, » a soutenu Roussel la semaine dernière.
J’ai examiné plus de 200 pages de documents judiciaires et interrogé des experts juridiques qui suggèrent que cette affaire illustre les défis de la poursuite des agressions sexuelles, particulièrement lorsque l’alcool est impliqué. Les données de Statistique Canada montrent que seulement 5% des agressions sexuelles sont signalées à la police, avec des taux de condamnation qui restent obstinément bas.
Dr. Elizabeth Sheehy, professeure émérite à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa, m’a confié: « Les affaires impliquant plusieurs accusés présentent des défis uniques pour les procureurs. La plaignante fait face non pas à un seul contre-interrogatoire d’avocat de la défense, mais à plusieurs lignes de questionnement conçues pour miner sa crédibilité. »
Le procès s’est déroulé sous des restrictions strictes ordonnées par le tribunal. La juge Catherine Fraser a interdit l’accès public aux requêtes préliminaires et a imposé des limitations sur la couverture médiatique de certains témoignages. Ces restrictions ont incité l’Association canadienne des libertés civiles à déposer une intervention, soutenant que les mesures « limitent indûment le principe de la transparence judiciaire. »
Lors du contre-interrogatoire, les avocats de la défense ont demandé pourquoi la plaignante avait attendu trois jours avant de chercher des soins médicaux. La femme a témoigné qu’elle se sentait « honteuse et confuse » après les faits.
Dr. Lori Haskell, psychologue clinicienne spécialisée en traumatisme, a été appelée comme témoin expert par la poursuite. Elle a expliqué que le signalement tardif est courant chez les survivantes d’agression sexuelle. « Le traumatisme affecte la consolidation et le rappel de la mémoire, » a témoigné Haskell. « Les souvenirs fragmentés sont en fait cohérents avec la façon dont le cerveau traite les événements traumatisants. »
Hockey Canada a fait l’objet d’un examen intense après les allégations initiales. La gestion de l’affaire par l’organisation a déclenché des audiences parlementaires, un gel du financement et d’importantes réformes de gouvernance. Les documents publiés lors de ces audiences ont révélé que l’organisation maintenait un fonds spécial utilisé en partie pour régler des réclamations d’inconduite sexuelle.
L’affaire a suscité des conversations plus larges sur la culture des athlètes et la responsabilité dans le sport canadien. Sarah Leamon, avocate de la défense criminelle non impliquée dans le procès, m’a expliqué: « Quel que soit le verdict, cette affaire représente un moment décisif pour la façon dont nous abordons les allégations de violence sexuelle dans des contextes de haut profil. »
J’ai parlé avec plusieurs intervenantes de soutien aux victimes d’agression sexuelle à l’extérieur du palais de justice qui ont exprimé leur inquiétude quant à l’impact des procès très médiatisés sur la volonté des survivantes de se manifester. « Quand ces affaires deviennent des spectacles médiatiques, cela peut décourager les signalements, » a déclaré Marlène Garcia du Centre d’aide aux victimes d’agression sexuelle de Montréal.
Les observateurs du tribunal ont noté la composition démographique inhabituelle du jury – huit femmes et quatre hommes, la plupart semblant avoir entre 30 et 40 ans. Les analystes juridiques suggèrent que la composition du jury peut influencer significativement les délibérations dans les affaires d’agression sexuelle.
Alors que le procès passe aux plaidoiries finales demain, la juge Fraser a demandé aux jurés de se concentrer uniquement sur les preuves présentées au tribunal. « Votre verdict doit être basé sur des faits, pas sur des émotions ou la couverture médiatique, » a-t-elle souligné.
Le verdict, attendu la semaine prochaine, aura probablement des répercussions dans tout le système sportif et judiciaire canadien, quel que soit le résultat. L’affaire représente l’un des procès pour agression sexuelle les plus suivis de l’histoire canadienne récente.
Pour de nombreux observateurs, y compris les défenseurs juridiques avec qui j’ai parlé tout au long de la procédure, le procès met en évidence la tension persistante entre la protection des droits des accusés et la création d’un système judiciaire où les survivantes d’agression sexuelle se sentent habilitées à se manifester.