Dans un coin faiblement éclairé de la Galerie d’art de Burlington, Mira Stevens, 16 ans, se tient à côté de sa toile—une explosion vibrante de bleus et de rouges qui capture parfaitement le poids invisible de l’anxiété. Ses mains s’agitent légèrement lorsque les visiteurs s’approchent, mais sa voix devient plus assurée à chaque explication.
« L’art m’a donné des mots quand je n’en trouvais pas, » me dit-elle, en montrant les motifs tourbillonnants. « La santé mentale n’est pas seulement un problème d’adultes. Nous aussi, on souffre, et parfois on a besoin de différentes façons d’être entendus. »
Mira est l’une des vingt-sept jeunes de Burlington dont les œuvres forment la puissante nouvelle exposition « Esprits dévoilés« , qui a ouvert le week-end dernier attirant une foule inattendue. Cette initiative communautaire rassemble des élèves de quatre écoles secondaires locales dans ce que les organisateurs appellent « un important point de départ pour la discussion » sur les défis de santé mentale des jeunes.
Le moment ne pourrait être plus pertinent. Selon l’Association canadienne pour la santé mentale, environ 1 jeune sur 5 en Ontario connaîtra un problème de santé mentale, et seulement 20% recevront l’aide appropriée. Depuis la pandémie, ces chiffres se sont considérablement aggravés, avec une augmentation de 25% des visites aux urgences pour des problèmes de santé mentale chez les jeunes dans toute la province depuis 2019.
En parcourant l’exposition, on découvre une gamme impressionnante d’expressions—des croquis détaillés au crayon représentant l’isolement jusqu’aux installations multimédias illustrant les schémas de pensée chaotiques de l’anxiété. Ce qui les unit, c’est une authenticité brute que les visiteurs trouvent impossible à ignorer.
« Nous voyons l’art devenir un point d’entrée essentiel pour des conversations que les familles ont du mal à entamer à table, » explique Dr. Lena Haddad, psychologue pour enfants et consultante du projet. « Quand les jeunes expriment leurs expériences visuellement, cela crée des voies émotionnelles que les mots seuls ne peuvent souvent pas atteindre. »
L’exposition est née d’un partenariat entre le Conseil jeunesse de Burlington et la coalition locale pour la santé mentale Pas en Avant, avec le financement de la Fondation Trillium de l’Ontario. Ce qui a commencé comme une petite série d’ateliers s’est transformé lorsque les organisateurs ont reconnu l’impact profond que les œuvres avaient sur les créateurs comme sur les spectateurs.
Sarah Morgan, coordinatrice de sensibilisation communautaire chez Pas en Avant, se souvient du moment décisif: « Pendant notre troisième atelier, les parents ont été invités à voir les œuvres en cours. Une mère a fondu en larmes en disant: ‘Je n’avais aucune idée que c’était ce que tu ressentais.’ C’est là que nous avons su que ce projet nécessitait une plus grande plateforme. »
L’exposition remet délibérément en question les notions traditionnelles sur la santé mentale des jeunes. Finis les affiches aseptisées de santé publique et les conseils génériques de bien-être. Au lieu de cela, les visiteurs sont confrontés à des expressions directes d’expériences vécues—parfois inconfortables, souvent belles, toujours authentiques.
L’installation de Marcus Chen, 17 ans, présente un pupitre d’école emprisonné dans une cage de fils d’écouteurs emmêlés et d’écrans de téléphone brisés. « Ça parle de la façon dont la technologie nous connecte et nous isole à la fois, » explique-t-il. « Tout le monde pense que ma génération est juste accro aux écrans, mais ils ne voient pas à quel point cette relation est compliquée. »
La mairesse de Burlington, Marianne Meed Ward, présente à l’ouverture, a salué l’approche de l’exposition. « Ces jeunes artistes ne créent pas seulement de belles œuvres—ils changent la façon dont notre communauté comprend la santé mentale. Leur courage mérite notre attention et nos actions. »
L’exposition a déjà suscité une réponse tangible de la communauté. Après le week-end d’ouverture, le Conseil scolaire du district de Halton a annoncé l’élargissement des programmes de santé mentale basés sur les arts pour la prochaine année scolaire. La coalition d’entreprises locales Burlington en Avant s’est engagée à verser 15 000 $ pour poursuivre la série d’ateliers qui a donné naissance à l’exposition.
« Ce que nous voyons, c’est le pouvoir de la narration à travers l’art, » note Michael Tan, coordinateur jeunesse à la Galerie d’art de Burlington. « Ce ne sont pas simplement des images sur des murs—ce sont des invitations à comprendre des expériences que beaucoup d’adultes ont oubliées ou n’ont jamais vraiment comprises. »
L’impact de l’exposition va au-delà de la sensibilisation. Chaque œuvre d’art est accompagnée d’un récit écrit par l’artiste, ainsi que de ressources en santé mentale adaptées aux jeunes. Les visiteurs peuvent accéder à des informations supplémentaires via des codes QR, les connectant directement aux services de soutien locaux.
Pour les jeunes artistes, l’expérience a été transformatrice. « Avant ça, j’avais l’impression de porter un énorme secret, » dit Mira. « Maintenant, je réalise qu’il y a de la force à être ouvert sur la santé mentale. Et voir des adultes nous écouter vraiment—ça change tout. »
Selon des données récentes de Santé mentale pour enfants Ontario, les temps d’attente pour les services de santé mentale des jeunes peuvent dépasser un an dans de nombreuses communautés. Des projets comme « Esprits dévoilés » ne remplacent pas le soutien clinique, mais ils créent des ponts essentiels pendant ces périodes d’attente.
Dr. Haddad souligne ce rôle complémentaire: « L’expression créative n’est pas un substitut au soutien professionnel, mais elle fournit des mécanismes d’adaptation précieux et réduit l’isolement pendant que les jeunes naviguent dans le système. »
L’exposition se poursuit jusqu’au 5 novembre, avec des visites guidées disponibles pour les groupes scolaires. La programmation du week-end comprend des conférences d’artistes et des ateliers où les visiteurs peuvent créer des pièces en réponse, poursuivant ainsi le dialogue entre les générations.
Alors que je me prépare à partir, je remarque Mira engagée dans une conversation avec un homme âgé qui étudie sa toile. Ils sont plongés dans une discussion—le fossé générationnel momentanément comblé par des coups de pinceau et une humanité partagée. C’est précisément la connexion que cette exposition vise à favoriser.
Dans ce coin tranquille de l’Ontario qu’est Burlington, ces jeunes artistes ne se contentent pas d’exposer leur travail—ils changent la conversation communautaire autour de la santé mentale, une image puissante à la fois.