La Banque des Premières Nations et la BDC s’unissent pour créer un fonds de 100 millions de dollars
La Banque des Premières Nations et la BDC unissent leurs forces pour créer un fonds de 100 millions de dollars destiné à aider les entrepreneurs autochtones à acquérir des entreprises existantes – ouvrant potentiellement une nouvelle voie pour la réconciliation économique tout en répondant à la crise imminente de succession d’entreprises au Canada.
Le nouveau Fonds de croissance autochtone se concentrera sur le financement d’acquisitions, fournissant aux propriétaires d’entreprises autochtones le capital nécessaire pour acheter des sociétés établies dans divers secteurs. Dans un pays où 40 % des propriétaires de petites entreprises prévoient de céder leurs entreprises au cours des cinq prochaines années, cette initiative arrive à un moment critique.
« Ce que nous créons ici n’est pas seulement du financement – c’est une opportunité de transformer le paysage de la propriété d’entreprise au Canada, » explique Keith Martell, PDG de la Banque des Premières Nations. « Lorsque les entrepreneurs autochtones peuvent acquérir des entreprises établies, ils gagnent non seulement des actifs mais aussi des clientèles existantes, des chaînes d’approvisionnement et des infrastructures opérationnelles. »
L’initiative représente l’un des plus importants programmes de financement ciblant les entreprises autochtones dans l’histoire canadienne. Alors que les programmes gouvernementaux précédents se sont principalement concentrés sur les startups et l’entrepreneuriat à petite échelle, cette approche s’attaque à un défi différent : aider les leaders d’entreprises autochtones à se développer grâce à des acquisitions stratégiques.
Le mécanisme du fonds est simple mais puissant. La BDC (Banque de développement du Canada) fournira une capacité de financement de 75 millions de dollars, tandis que la Banque des Premières Nations contribuera à hauteur de 25 millions de dollars et gérera une grande partie des relations avec les emprunteurs. Les prêts varieront de 250 000 $ à 2,5 millions de dollars, se concentrant sur des entreprises établies avec des antécédents éprouvés.
Selon Statistique Canada, les entreprises appartenant à des Autochtones contribuent déjà à plus de 30 milliards de dollars annuellement à l’économie canadienne. Cependant, ces entreprises font souvent face à des obstacles uniques lorsqu’elles cherchent des capitaux de croissance, particulièrement pour des transactions plus importantes comme les acquisitions d’entreprises.
« L’accès au capital a constamment été le principal obstacle cité par les entrepreneurs autochtones, » note Shannin Metatawabin, PDG de l’Association nationale des sociétés de financement autochtones. « Ce qui rend ce fonds révolutionnaire est son accent sur le financement d’acquisitions plutôt que simplement sur le capital de démarrage. »
Le moment ne pourrait être plus stratégique. Le Canada fait face à ce que les économistes ont appelé un « tsunami d’argent » – une vague sans précédent de propriétaires d’entreprises atteignant l’âge de la retraite sans plans de succession clairs. La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante estime que des actifs d’entreprise d’une valeur de 1,5 billion de dollars pourraient changer de mains au cours de la prochaine décennie.
Cette réalité démographique crée à la fois un défi et une opportunité. Sans acheteurs, de nombreuses petites et moyennes entreprises viables pourraient simplement fermer, emportant avec elles emplois et activité économique. Le Fonds de croissance autochtone vise à connecter ces entreprises avec des entrepreneurs autochtones qualifiés qui peuvent maintenir et développer ces opérations.
« Il ne s’agit pas seulement de changer qui possède l’entreprise – il s’agit de préserver l’activité économique dans les communautés à travers le Canada, » explique Michael Denham, président et chef de la direction de la BDC. « Quand une entreprise locale ferme parce qu’aucun successeur ne peut être trouvé, cela affecte tout, de l’emploi aux services communautaires. »
Le fonds aborde également une autre réalité : créer des entreprises à partir de zéro comporte des risques significativement plus élevés que d’acquérir des opérations établies. Pour les communautés autochtones cherchant à bâtir une richesse durable, l’acquisition d’entreprises représente potentiellement un chemin plus rapide vers la participation économique.
Robert McPhee, un consultant en affaires autochtones basé en Colombie-Britannique, considère l’initiative comme transformatrice. « Pendant des décennies, les discussions sur la réconciliation économique se sont concentrées sur le partage des revenus des ressources ou le développement des petites entreprises. Ce fonds introduit une troisième voie – permettant aux entrepreneurs autochtones d’acquérir des entreprises établies avec des flux de trésorerie prouvés. »
Le programme fournira également une assistance technique au-delà du simple financement. Les entrepreneurs autochtones cherchant à acquérir des entreprises recevront du soutien dans des domaines comme la diligence raisonnable, l’évaluation et la planification de transition – des composantes critiques pour des acquisitions réussies qui s’avèrent souvent difficiles pour les acheteurs novices.
La ministre des Services aux Autochtones du Canada, Patty Hajdu, a qualifié l’initiative de « pas important vers la réconciliation économique », ajoutant que « bâtir la richesse autochtone par la propriété d’entreprises crée des opportunités qui s’étendent bien au-delà de l’entrepreneur individuel pour bénéficier à des communautés entières. »
L’intérêt initial pour le programme a été fort. Selon la Banque des Premières Nations, ils ont déjà identifié des cibles d’acquisition potentielles dans des secteurs allant de la fabrication et du transport aux services professionnels et au commerce de détail.
Un aspect notable du fonds est son accent sur les entreprises en dehors des secteurs traditionnels. Alors que les ressources naturelles et les contrats gouvernementaux ont historiquement été des domaines majeurs pour l’activité commerciale autochtone, cette initiative cible explicitement une gamme plus large d’industries.
« Nous cherchons à soutenir des acquisitions dans toute l’économie, » note Martell. « Cela inclut des entreprises technologiques, des entreprises de services, de fabrication – essentiellement toute opération viable où un entrepreneur autochtone peut créer de la valeur. »
Le fonds aborde également une réalité que de nombreux leaders d’entreprises autochtones ont longtemps notée : les limites de se concentrer exclusivement sur les startups. Bien que les nouvelles entreprises soient vitales pour l’innovation, elles génèrent typiquement moins d’emplois et prennent plus de temps pour atteindre la rentabilité que les entreprises établies.
Les critiques pourraient remettre en question l’existence d’un flux d’affaires suffisant pour déployer l’intégralité des 100 millions de dollars. Cependant, les administrateurs du programme soulignent la forte croissance de l’entrepreneuriat autochtone – en hausse de 15 % depuis 2016 selon les dernières données de recensement – comme preuve d’un solide pipeline d’acheteurs qualifiés.
L’initiative est lancée à un moment où la participation économique autochtone est devenue une priorité nationale, mentionnée tant dans les Appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation que dans le cadre de réconciliation économique du gouvernement fédéral.
Alors que le Canada est aux prises avec la façon de rendre la réconciliation significative au-delà des gestes symboliques, des programmes comme celui-ci offrent des voies économiques concrètes. Le succès du Fonds de croissance autochtone sera ultimement mesuré non seulement en dollars déployés, mais en entreprises préservées, en emplois maintenus et en richesse créée dans les communautés autochtones à travers le pays.