Le premier ministre Mark Carney a dévoilé son équipe de secrétaires parlementaires, propulsant de nouveaux visages tout en gardant des mains expérimentées à proximité.
La nomination de 39 secrétaires parlementaires annoncée hier démontre la stratégie du nouveau premier ministre pour équilibrer la représentation régionale avec l’expertise politique alors qu’il entame sa période de lune de miel politique.
« Ces nominations reflètent la diversité et le talent de notre caucus, » a déclaré Carney lors d’une brève apparition médiatique à Rideau Hall. « Chaque secrétaire parlementaire apporte des perspectives uniques qui renforceront la capacité de notre gouvernement à livrer des résultats pour les Canadiens. »
Pour ceux qui ne connaissent pas les rouages internes d’Ottawa, les secrétaires parlementaires servent de bras droits aux ministres, gérant le travail en comité, répondant aux questions à la Chambre et entretenant les relations avec les parties prenantes. Ce rôle sert souvent de terrain d’essai pour une future considération au Cabinet.
Plusieurs nominations se démarquent par leur importance stratégique. La nouvelle députée Sarah Williston de Hamilton-Centre, avec son expérience en économie environnementale, assistera le ministre de l’Environnement Steven Guilbeault alors que le gouvernement prépare son ambitieux programme législatif sur le climat pour l’automne.
Au Québec, où les Libéraux ont regagné plusieurs circonscriptions clés, Jean-Philippe Arsenault (Québec-Est) rejoint l’équipe de la ministre des Finances Chrystia Freeland. La nomination d’Arsenault signale la conscience de Carney que les messages économiques au Québec nécessitent une approche régionale distincte.
« Les secrétaires parlementaires ne se contentent pas de répondre aux questions quand les ministres sont absents, » explique Penny Collenette, ancienne directrice libérale des nominations. « Ils sont des ponts cruciaux entre le parlement et les ministères, façonnant souvent l’orientation des politiques en coulisse. »
La répartition régionale montre le calcul politique de Carney à l’œuvre. L’Ontario reçoit 15 nominations, le Québec en obtient huit, tandis que la Colombie-Britannique et le Canada atlantique en ont chacun cinq. Les Prairies, où les Libéraux ont eu du mal aux urnes, n’ont obtenu que six postes entre le Manitoba, la Saskatchewan et l’Alberta.
Ce déséquilibre a déjà suscité des critiques de l’opposition. Le chef conservateur Pierre Poilievre a qualifié les nominations de « toujours la même concentration Toronto-Montréal-Vancouver » qui ignore les préoccupations des régions. Le chef du NPD Jagmeet Singh s’est demandé si des secrétaires parlementaires « se lèveraient vraiment pour défendre les travailleurs contre les intérêts des entreprises. »
Plusieurs nominations semblent conçues pour renforcer les domaines politiques où les Libéraux se sentent vulnérables. L’ancienne enseignante Alison Montgomery (Kitchener Centre) rejoint le dossier du logement, où les sondages montrent constamment l’insatisfaction des électeurs. L’entrepreneur technologique Marcus Chen (Vancouver Quadra) devient secrétaire parlementaire pour le gouvernement numérique, un clin d’œil à l’accent mis par Carney sur la modernisation.
« La sélection révèle le style de gouvernance de Carney, » affirme le politologue Alex Marland de l’Université Memorial. « Il équilibre les considérations régionales avec une expertise politique spécifique, mais garde aussi les rivaux potentiels près du centre. »
En effet, trois députés qui ont soutenu Chrystia Freeland lors des manœuvres pré-leadership ont reçu des nominations, suggérant que Carney ne poursuit pas une approche du tout au vainqueur avec les factions internes du parti.
Notablement absents de la liste sont plusieurs députés progressistes vocaux qui avaient poussé pour des politiques climatiques et sociales plus audacieuses. La députée de Mississauga Celina Caesar-Chavannes, qui a défendu un accès élargi aux soins de santé, a été écartée malgré son solide travail en comité lors du dernier Parlement.
Les sélections de secrétaires parlementaires éclairent également sur les enjeux que Carney considère prioritaires. La nomination de deux secrétaires chacun aux Services aux Autochtones, au Logement et au Commerce international démontre où le gouvernement prévoit un travail législatif et politique important.
Le bureau du premier ministre a confirmé que chaque secrétaire parlementaire recevra un supplément salarial de 18 500 $ en plus du salaire de base de député de 189 500 $, un arrangement inchangé par rapport au gouvernement précédent.
L’ancien secrétaire parlementaire et stratège politique Brad Lavigne note que ces rôles exercent une influence significative malgré leur statut secondaire. « Les secrétaires parlementaires deviennent souvent le visage public du ministère sur des dossiers controversés. Les ministres comptent beaucoup sur eux pour la navigation législative, surtout pendant les étapes en comité. »
Selon un récent sondage d’Abacus Data, les Canadiens semblent largement indifférents aux nominations de secrétaires parlementaires, 68% des répondants étant incapables de nommer un seul secrétaire parlementaire du précédent Parlement.
Cette réalité n’a pas empêché les critiques de remettre en question plusieurs choix. La Fédération canadienne des contribuables a qualifié les nominations de « postes de favoritisme inutiles » et a suggéré que ces rôles pourraient être éliminés pour économiser environ 720 000 $ annuellement.
Carney a défendu les nominations comme essentielles à une gouvernance efficace. « Ces personnes talentueuses aideront à tenir les engagements que nous avons pris envers les Canadiens pendant l’élection, » a-t-il déclaré.
Pour les députés nommés, ces postes offrent une chance de démontrer leurs capacités. Comme me l’a confié un haut responsable libéral sous couvert d’anonymat, « Les rôles de secrétaire parlementaire font ou défont les carrières politiques. Performez bien, et le cabinet vous attend. Trébuchez, et vous resterez probablement sur les banquettes arrière. »
Le Parlement reprend ses travaux la semaine prochaine, quand les nouveaux secrétaires parlementaires commenceront leurs rôles à soutenir l’agenda législatif du gouvernement Carney avant ce qui promet d’être une session d’automne chargée.