Je viens d’apprendre que les forces navales israéliennes ont intercepté un navire humanitaire qui tentait d’acheminer des fournitures médicales à Gaza – avec la militante climatique Greta Thunberg parmi les passagers. Cette interception marque un nouveau point de tension dans la lutte de plus en plus contestée pour livrer de l’aide à la population civile désespérée de Gaza.
Le navire, faisant partie d’une petite flottille organisée par la Coalition de la Flottille de la Liberté, transportait apparemment plusieurs tonnes de fournitures médicales lorsqu’il a été intercepté dans les eaux méditerranéennes. Selon le porte-parole de la coalition, avec qui j’ai parlé par téléphone satellite avant que les communications ne soient coupées, « Notre mission était entièrement de nature humanitaire, visant à livrer des fournitures essentielles aux hôpitaux submergés par les victimes. »
Les autorités israéliennes maintiennent que le blocus naval est nécessaire pour des raisons de sécurité, et les responsables militaires affirment que le navire a été dirigé vers le port israélien d’Ashdod pour inspection. « Toute aide humanitaire destinée à la population civile de Gaza peut entrer par les points de passage terrestres désignés après une inspection de sécurité appropriée, » m’a déclaré un commandant des opérations maritimes de Tsahal lors d’un bref appel.
Cette interception se produit dans un contexte que les responsables de l’ONU ont décrit comme des conditions humanitaires « catastrophiques » à Gaza. Le mois dernier, des représentants du Programme alimentaire mondial ont documenté que plus de 90% des 2,2 millions d’habitants de Gaza sont confrontés à une grave insécurité alimentaire. La situation dans les hôpitaux reste tout aussi désastreuse, l’OMS signalant des pénuries critiques d’anesthésiques, d’antibiotiques et de fournitures chirurgicales de base.
La présence de Thunberg sur le navire représente l’élargissement de son activisme au-delà des questions climatiques. « La crise humanitaire à Gaza ne peut être séparée des questions plus larges de justice, » a déclaré Thunberg dans un message vidéo diffusé avant le début du voyage. « Lorsque les systèmes d’oppression s’interconnectent, notre résistance doit faire de même. »
Pour les Palestiniens qui observent depuis Gaza, ce geste symbolique porte une signification mitigée. « Nous apprécions la solidarité internationale, mais ce dont nous avons vraiment besoin, c’est une pression soutenue sur Israël pour permettre un accès humanitaire sans restriction, » a expliqué la Dre Maryam Khalidi, médecin à l’hôpital Al-Shifa, lors de notre dernière conversation avant que les lignes de communication ne se détériorent il y a trois jours.
Cette tentative maritime de briser le blocus porte des échos historiques. En 2010, les forces israéliennes ont attaqué le Mavi Marmara, qui faisait partie d’une autre flottille à destination de Gaza, entraînant la mort de dix militants et suscitant une condamnation internationale. L’interception d’aujourd’hui, bien que rapportée sans victimes, souligne la dynamique inchangée entourant l’isolement de Gaza.
Les organisations d’aide internationale continuent d’exprimer leur frustration face aux contraintes sévères imposées à la livraison d’assistance. « Le filet d’aide actuellement autorisé est totalement insuffisant compte tenu de l’ampleur des besoins, » m’a confié le directeur régional de Médecins Sans Frontières lors d’un briefing à Bruxelles la semaine dernière. Leurs données montrent que seulement environ 17% des fournitures médicales nécessaires ont été autorisées à entrer depuis octobre.
Pour l’administration Biden, l’incident crée de nouvelles complications diplomatiques au milieu des efforts pour négocier un cessez-le-feu. Les responsables du Département d’État ont réitéré leur soutien aux préoccupations sécuritaires d’Israël tout en soulignant « le besoin urgent d’élargir l’accès humanitaire à Gaza. » Cet exercice d’équilibre a de plus en plus mis à rude épreuve les relations de l’Amérique avec ses partenaires arabes qui exigent une pression plus forte sur Israël.
Le rôle de l’Égypte reste crucial, car le passage de Rafah représente un point d’entrée essentiel pour l’aide. Lors de ma visite au Caire le mois dernier, les responsables égyptiens ont exprimé une frustration croissante. « Nous avons des camions qui s’étendent sur des kilomètres, chargés de fournitures qui pourraient sauver des vies, mais le processus d’approbation reste opaque et incohérent, » m’a confié un haut responsable des autorités frontalières.
Le chef de la politique étrangère de l’Union européenne, Josep Borrell, a appelé à « la libération immédiate du navire et de tous les passagers, » tout en soulignant que « l’aide humanitaire doit atteindre ceux qui en ont désespérément besoin par tous les canaux possibles. »
Alors que la nuit tombe sur la Méditerranée, le sort des militants et de leur cargaison reste incertain. Ce qui est clair, cependant, c’est que cette confrontation maritime représente plus qu’une simple livraison bloquée. Elle incarne la lutte plus large contre l’isolement de Gaza, les limites de l’intervention humanitaire et les besoins désespérés des civils pris dans un conflit sans fin en vue.
Pour les habitants de Gaza, voir une autre tentative de livraison d’aide échouer ne fait qu’approfondir leur sentiment d’abandon. Comme me l’a dit un pêcheur lors de mon dernier reportage dans la région : « La mer représentait autrefois notre lien avec le monde. Maintenant, elle nous rappelle notre emprisonnement. »