Le soleil d’été se glisse à travers les arbres du Parc Le Carignan à Montréal-Nord tandis que les enfants crient de joie sur les terrains de basketball fraîchement repeints. Des mères bavardent sur les bancs voisins pendant que des adolescents pratiquent leurs crossovers, tous sous le regard bienveillant d’une murale colorée représentant deux héros locaux – Luguentz Dort et Bennedict Mathurin.
« Quand j’ai grandi ici, on jouait sur du béton fissuré avec des paniers rouillés », raconte Melissa Destine, qui regarde son fils de 9 ans s’entraîner aux layups. « Maintenant mon gars joue là où des joueurs NBA reviennent en visite. Ça change leur façon de se voir. »
Cette transformation ne s’est pas produite par hasard. Au cours des trois dernières années, Montréal-Nord a connu un investissement remarquable dans les infrastructures communautaires, les programmes éducatifs et les opportunités de mentorat – tous menés par des joueurs de basketball professionnels qui ont autrefois appelé ces rues leur chez-soi.
La Fondation Dort-Mathurin, établie en 2022, a canalisé plus de 1,2 million de dollars vers Montréal-Nord, se concentrant spécifiquement sur le développement des jeunes par le sport. Leur programme phare, « Du Nord vers l’au-delà », offre du tutorat académique, de l’entraînement de basketball et du développement des compétences de vie pour plus de 300 jeunes chaque année.
« Ce quartier nous a tout donné – notre ténacité, notre éthique de travail, nos rêves », m’a confié Luguentz Dort lors d’un événement communautaire le mois dernier. Le spécialiste défensif du Thunder d’Oklahoma City revient à Montréal-Nord au moins trois fois par année. « Le succès ne signifie rien si on ne peut pas le ramener chez soi et montrer à ces jeunes qu’ils peuvent y arriver aussi. »
L’impact de la fondation s’étend au-delà des terrains de basketball. Ils se sont associés à Centraide du Grand Montréal pour lutter contre l’insécurité alimentaire, finançant des programmes de repas de fin de semaine dans quatre écoles locales. Selon les données provinciales, Montréal-Nord a connu une diminution de 17 % du taux de décrochage scolaire parmi les élèves participants depuis le début du programme.
« Quand j’ai visité le centre communautaire au début du printemps, j’ai vu Bennedict Mathurin s’asseoir avec un groupe d’adolescents pendant près de deux heures », explique Pierre Langlois, directeur de Fusion Jeunesse, un organisme axé sur la persévérance scolaire. « Il ne parlait pas seulement de basketball. Il s’informait de leurs notes, leurs familles, leurs projets. Cette connexion est puissante. »
Mathurin, l’étoile montante des Pacers de l’Indiana et ancien de l’Université d’Arizona, a grandi aux Habitations Pelletier de Montréal-Nord, un complexe de logements sociaux qui a produit un nombre surprenant d’athlètes d’élite malgré d’importants défis socioéconomiques. Le quartier lutte depuis longtemps contre des taux de chômage plus élevés que la moyenne montréalaise, selon Statistique Canada.
« Ma mère nous a élevés seule après le décès de mon frère », a partagé Mathurin lors d’une clinique de basketball l’été dernier. « Chaque jour était une lutte, mais la communauté veillait sur nous. Les entraîneurs, les professeurs – ils ont vu quelque chose en moi avant que je ne le voie moi-même. »
L’histoire de la révolution du basketball de Montréal-Nord n’est pas seulement celle de deux joueurs NBA. C’est un récit plus large sur la résilience communautaire et le pouvoir des modèles visibles. Chris Boucher des Raptors de Toronto, qui a passé une partie de son enfance à Montréal-Nord, s’est joint à Dort et Mathurin pour plusieurs initiatives. Ensemble, ils ont créé ce que Jamil Baptiste, intervenant jeunesse local, appelle « un chemin de possibilités ».
« Ces jeunes ont maintenant quelqu’un qui leur ressemble, qui a marché dans les mêmes rues, qui a fait face aux mêmes défis – et qui a réussi », explique Baptiste alors que nous observons une clinique technique au Centre Sportif de Montréal-Nord. « Ça transforme la conversation de ‘pourquoi essayer?’ à ‘pourquoi pas moi?’ »
L’impact de ces investissements va au-delà du sport. Le Centre académique Mathurin, ouvert en 2023 avec le soutien de l’Association des joueurs de la NBA, offre une programmation parascolaire axée sur l’éducation STEM, la littératie financière et le bilinguisme anglais-français – des compétences que les joueurs eux-mêmes identifient comme cruciales pour leur succès.
La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a salué l’initiative comme un modèle de partenariat communauté-athlètes. « Ce qui rend ce programme spécial, c’est qu’il n’est pas parachuté de l’extérieur », a-t-elle noté lors d’une récente annonce de financement. « C’est organique, mené par des gens qui comprennent les besoins spécifiques de cette communauté. »
Tout le monde ne voit pas l’accent mis sur le basketball comme un élément entièrement positif. Claudine Paré, organisatrice communautaire de longue date à Montréal-Nord, s’inquiète de l’importance excessive accordée à la réussite sportive.
« Nous devons faire attention au récit selon lequel le sport est la seule voie de sortie », prévient-elle. « La plupart de ces jeunes n’iront pas dans la NBA, mais ils ont tous besoin d’éducation, d’opportunités et de soutien. »
La fondation a répondu à ces préoccupations en élargissant leur programmation. Cet automne, ils lanceront une initiative d’arts créatifs et des ateliers d’entrepreneuriat conçus pour montrer diverses voies vers le succès.
Pour les familles de Montréal-Nord, les améliorations matérielles sont tangibles. Six terrains de basketball ont été rénovés. Trois laboratoires informatiques ont ouvert. Des dizaines de bourses d’études collégiales ont été accordées.
Mais peut-être que le changement le plus profond est psychologique – le léger déplacement dans la façon dont les jeunes voient leurs possibilités futures.
« Ma fille disait qu’elle voulait quitter Montréal-Nord dès que possible », confie Marie-Josée Cenat, dont l’adolescente de 15 ans participe au programme de mentorat de la fondation. « Maintenant, elle parle de revenir après l’université pour construire quelque chose ici. C’est le véritable cadeau que ces joueurs nous ont fait – la fierté de nos origines. »
Alors que le soir tombe sur le Parc Le Carignan, les terrains de basketball restent pleins. Sous les lumières installées grâce au financement de la fondation, une nouvelle génération de résidents de Montréal-Nord lance des ballons et rêve grand, leurs horizons élargis par la connaissance que ceux qui les ont précédés n’ont pas oublié le chemin du retour.