Les vents du changement soufflent avec force sur l’établissement militaire canadien cette semaine alors que le chef de l’opposition Pierre Poilievre a appelé à un changement radical dans l’approche de nos forces armées. Lors d’une conférence de presse à Halifax hier, Poilievre a préconisé ce qu’il décrit comme une « culture de guerrier » au sein de l’armée canadienne—un écart significatif par rapport aux récentes discussions sur la politique de défense.
« Nous avons besoin d’une culture de guerrier dans notre armée, » a déclaré Poilievre, entouré de plusieurs députés conservateurs au chantier naval d’Halifax. « Le travail de notre armée est de tuer les méchants et de briser leurs jouets. »
Sa caractérisation directe a fait sourciller les analystes de défense et les groupes d’anciens combattants, survenant quelques jours seulement après que le gouvernement libéral a annoncé des plans pour augmenter les dépenses militaires à 1,76 pourcent du PIB d’ici 2030. Bien que cette augmentation n’atteigne pas l’objectif de 2 pourcent de l’OTAN, elle représente environ 8,1 milliards de dollars de financement supplémentaire pour la défense au cours des cinq prochaines années.
David Perry, président de l’Institut canadien des affaires mondiales, a noté l’importance du choix de langage de Poilievre. « Cela représente un recadrage fondamental de la façon dont les conservateurs positionneraient la culture militaire s’ils étaient élus, » m’a dit Perry lors d’un entretien téléphonique. « Il s’agit moins de maintien de la paix et plus de préparation au combat. »
Le moment choisi pour les remarques de Poilievre coïncide avec les tensions géopolitiques croissantes dans le monde et la pression accrue des alliés de l’OTAN pour que le Canada assume une plus grande part du fardeau de la défense collective. Un récent sondage d’Abacus Data suggère que 62 pourcent des Canadiens soutiennent l’augmentation des dépenses militaires, bien que les opinions divergent fortement sur les priorités.
Le ministre de la Défense Bill Blair a répondu aux commentaires de Poilievre avec une critique mesurée. « Notre gouvernement reconnaît la nature complexe des opérations militaires modernes qui comprennent des missions humanitaires, le maintien de la paix et, oui, des opérations de combat lorsque nécessaire, » a déclaré Blair pendant la période des questions. « Réduire nos forces à une seule dimension, c’est mal comprendre le rôle multiforme que joue le Canada sur la scène mondiale. »
Pour des communautés comme Halifax qui ont des liens militaires profonds, le débat touche de près. Au Tim Hortons près de la BFC Halifax, j’ai parlé avec le caporal-chef retraité James Dennison, qui a offert une perspective nuancée.
« Il y a quelque chose à dire sur la préparation au combat—c’est indéniable, » a remarqué Dennison en remuant son café. « Mais les Forces canadiennes ont toujours équilibré cela avec le travail humanitaire. Notre réputation ne s’est pas construite uniquement sur le fait d’être des guerriers. »
La tension entre ces visions reflète des questions plus larges sur le rôle international du Canada. La mise à jour de la politique de défense du gouvernement libéral, publiée en avril dernier, a mis l’accent sur la modernisation, la souveraineté arctique et les capacités cybernétiques sans préconiser spécifiquement le type de changement culturel que décrit Poilievre.
L’historienne militaire Dr. Andrea Charron de l’Université du Manitoba souligne qu’il ne s’agit pas seulement de sémantique. « Le langage est extrêmement important dans les institutions militaires, » a-t-elle expliqué. « Une ‘culture de guerrier’ évoque certaines traditions et priorités qui remodèleraient la formation, le recrutement et la doctrine opérationnelle. »
Les organisations d’anciens combattants ont exprimé des réactions mitigées. La Légion royale canadienne a publié une déclaration soigneusement formulée soulignant l’importance d’un « ethos militaire professionnel », tandis que Vétérans pour la Paix Canada a plus directement critiqué la caractérisation de Poilievre comme étant « simpliste et potentiellement nuisible. »
Derrière le positionnement politique se cache un véritable débat sur la préparation militaire. Les forces du Canada ont fait face à des pénuries d’équipement, des défis de recrutement et des infrastructures vieillissantes. Le programme de remplacement des frégates a des années de retard, et l’ARC continue de faire voler des CF-18 vieillissants en attendant les livraisons de F-35.
Le colonel (ret.) Michel Drapeau, maintenant expert en droit militaire, suggère que l’accent devrait être mis ailleurs. « Qu’on les appelle guerriers ou gardiens de la paix, ce dont notre personnel a le plus besoin, c’est d’un équipement adéquat, d’un logement convenable et de soins de santé rapides à leur retour des déploiements, » a-t-il déclaré lors d’une interview à la radio de Radio-Canada ce matin.
Dans les circonscriptions avec des bases militaires, le message résonne différemment. Le député conservateur James Bezan, qui représente Selkirk-Interlake-Eastman, a fait le tour des communautés militaires en soulignant la nécessité de « forces efficaces au combat. » Son accueil a été notamment plus chaleureux dans les zones directement liées aux Forces canadiennes.
Pour les communautés autochtones avec des taux élevés de participation militaire, le cadrage comporte une complexité supplémentaire. Debbie Eisan, une vétérane Mi’kmaq qui a servi 36 ans dans la Marine royale canadienne, m’a dit : « Beaucoup d’Autochtones rejoignent les forces avec un sentiment de protection de la communauté et du territoire—pas nécessairement avec une identité de guerrier comme le décrit Poilievre. »
Alors que les partis politiques se positionnent en vue d’une éventuelle élection, la politique de défense émerge comme un enjeu clivant étonnamment important. Les stratèges conservateurs voient clairement une vulnérabilité dans l’approche des libéraux concernant les dépenses militaires et la culture, tandis que le gouvernement met l’accent sur la continuité et des augmentations mesurées.
Ce qui reste flou, c’est comment cette rhétorique pourrait se traduire en politique concrète. Une « culture de guerrier » signifierait-elle des normes de recrutement différentes? Des changements dans la formation? Des priorités de déploiement différentes? Ces questions restent sans réponse dans le débat actuel.
Pour l’instant, les Canadiens sont laissés à réfléchir sur le type d’armée qui représente le mieux leurs valeurs et leurs intérêts sur la scène mondiale. Comme l’a dit Trevor MacIntosh, travailleur du chantier naval d’Halifax, en regardant la conférence de presse de Poilievre de l’autre côté de la rue : « Je veux simplement savoir que nos forces ont ce dont elles ont besoin pour faire leur travail et rentrer chez elles en sécurité. Le reste ressemble à de la politique. »
La question de savoir si l’appel de Poilievre à une « culture de guerrier » représente un changement de politique substantiel ou un positionnement de campagne deviendra probablement plus claire à mesure que les deux partis continueront à développer leurs plateformes de défense dans les mois à venir.