Je suis entrée dans le salon de Carol MacDonald à Halifax, où la lumière du soleil filtrait à travers une grande fenêtre en baie, illuminant les bords scintillants des photos de famille alignées sur la cheminée. Cette enseignante retraitée de 58 ans était assise en face de moi, ses mains entourant une tasse de thé depuis longtemps refroidie.
« Pendant six semaines, j’ai planifié mes propres funérailles », m’a-t-elle confié, d’une voix ferme mais fragile. « J’ai choisi des lectures, sélectionné de la musique, j’ai même commencé à distribuer des souvenirs à mes enfants. Tout ça parce qu’un médecin m’a dit que j’avais un cancer terminal alors que ce n’était pas le cas. »
Le cauchemar de Mme MacDonald a commencé en novembre dernier lorsque des douleurs persistantes à l’estomac l’ont conduite aux urgences du Centre des sciences de la santé QEII. Après une première analyse montrant des ombres inquiétantes sur son foie, un spécialiste lui a annoncé une nouvelle dévastatrice : cancer du pancréas de stade 4 avec métastases hépatiques. On lui donnait quelques mois à vivre.
« Il était tellement certain », se souvient Mme MacDonald. « Il m’a montré les scans, m’a indiqué ce qu’il appelait une ‘présentation classique’ du cancer du pancréas. Il a dit que le traitement me ferait gagner du temps, mais ne me guérirait pas. »
Ce qui a suivi fut ce que Mme MacDonald décrit comme « tomber dans une trappe ». Elle l’a annoncé à ses trois enfants adultes, à sa mère de 85 ans et à son cercle d’amis. Son employeur a organisé un congé de compassion. Sa sœur est venue de l’Alberta pour l’aider à prendre des dispositions de fin de vie.
Mais quelque chose d’inattendu s’est produit lors d’un rendez-vous de suivi six semaines plus tard. Un autre spécialiste a examiné son dossier, commandé des tests supplémentaires, et découvert que Mme MacDonald n’avait pas de cancer du tout. Elle souffrait d’une affection bénigne du foie appelée hyperplasie nodulaire focale, combinée à des calculs biliaires qui expliquaient sa douleur.
« Le soulagement était immense », a déclaré Mme MacDonald, « mais il a été immédiatement suivi par de la rage. Une rage pure. »
Les cas d’erreurs de diagnostic ne sont pas nouveaux dans le système de santé canadien. Selon l’Institut canadien pour la sécurité des patients, les erreurs de diagnostic touchent environ 1 patient sur 20 chaque année. Une étude de 2019 publiée dans le Journal de l’Association médicale canadienne a révélé que des erreurs de diagnostic étaient impliquées dans 46 % des incidents préjudiciables signalés dans les hôpitaux canadiens.
Dre Lisa Barrett, spécialiste des maladies infectieuses et professeure adjointe à l’Université Dalhousie, qui n’était pas impliquée dans le cas de Mme MacDonald, a expliqué que si les erreurs de diagnostic arrivent, ce type d’erreur est particulièrement troublant.
« Il y a une différence significative entre dire ‘nous avons besoin de plus de tests’ et délivrer un diagnostic terminal définitif », m’a expliqué Dre Barrett lors d’un entretien téléphonique. « La norme de soins exige une confirmation par plusieurs approches diagnostiques, surtout lorsqu’on annonce des nouvelles qui bouleversent une vie. »
Santé Nouvelle-Écosse a refusé de commenter le cas spécifique de Mme MacDonald, invoquant la confidentialité des patients. Cependant, la porte-parole Jennifer MacLean a fourni une déclaration reconnaissant que l’autorité sanitaire « prend au sérieux toutes les préoccupations des patients » et « dispose de processus pour examiner les événements indésirables et améliorer les soins ».
Pour Mme MacDonald, ces six semaines à vivre avec un faux diagnostic de cancer l’ont changée de façon irrévocable. Elle a décrit ses nuits blanches à imaginer son dernier Noël, à planifier comment dire au revoir à ses petits-enfants, et l’anxiété écrasante qui l’accompagnait à chaque instant.
« J’ai perdu 8 kilos en six semaines. Mes cheveux ont commencé à tomber à cause du stress. Ma tension artérielle a grimpé en flèche », dit-elle, me montrant les médicaments qu’elle prend encore pour l’anxiété. « Cette expérience a brisé quelque chose en moi que je ne suis pas sûre de pouvoir réparer un jour. »
Lorsque j’ai visité le Centre des sciences de la santé QEII le lendemain, j’ai observé le service d’oncologie très fréquenté où les patients attendaient, certains anxieux, d’autres résignés. Une infirmière, qui a demandé l’anonymat parce qu’elle n’était pas autorisée à parler aux médias, m’a confié que les pressions diagnostiques sont immenses.
« Les médecins sont surchargés de travail et se précipitent entre les patients. Parfois, ils couvrent des spécialités en dehors de leur domaine d’expertise principal en raison des pénuries de personnel », a-t-elle expliqué. « Ce n’est pas une excuse, mais c’est la réalité de notre système actuellement. »
Le cas de Mme MacDonald met en lumière des préoccupations plus larges concernant la responsabilité dans les soins de santé. Me Paul Harte, avocat spécialisé en faute professionnelle médicale basé à Toronto, note que si les systèmes de santé provinciaux disposent de mécanismes de plainte, les patients font souvent face à des obstacles importants lorsqu’ils cherchent réparation pour des erreurs.
« Le système est conçu pour se protéger lui-même », a déclaré Me Harte lors de notre conversation. « Sans action en justice, de nombreux patients ne reçoivent jamais d’explications complètes, et encore moins d’indemnisation pour les préjudices psychologiques causés par des erreurs médicales. »
Mme MacDonald a déposé une plainte officielle auprès du Collège des médecins et chirurgiens de la Nouvelle-Écosse et envisage une action en justice. Mais sa motivation principale n’est pas financière.
« Je veux trois choses », a-t-elle expliqué, en les énumérant sur ses doigts. « Une reconnaissance de ce qui s’est passé. Des changements pour empêcher que cela arrive à quelqu’un d’autre. Et que quelqu’un reconnaisse que le traumatisme que j’ai vécu ne va pas simplement disparaître parce que le diagnostic était erroné. »
Les séquelles psychologiques d’un faux diagnostic terminal constituent un domaine sous-étudié. Dre Katy Kamkar, psychologue clinicienne au Centre de toxicomanie et de santé mentale, explique que de telles expériences peuvent déclencher un trouble de stress post-traumatique.
« Ces patients vivent un véritable traumatisme », a déclaré Dre Kamkar. « Ils ont affronté leur mortalité de la manière la plus intime, fait la paix avec la mort, dit leurs adieux. Découvrir que tout cela était inutile n’efface pas simplement ce traumatisme. »
Mme MacDonald assiste maintenant à des séances de thérapie hebdomadaires et a rejoint un groupe de soutien initialement destiné aux survivants du cancer. « Ironiquement, ils comprennent mieux que quiconque ce que j’ai traversé », a-t-elle dit. « Le deuil anticipé, les questions existentielles, la façon dont votre perception du temps se transforme complètement. »
À la fin de notre entretien, Mme MacDonald m’a accompagnée dans son jardin, où les bulbes de printemps commençaient à percer le sol. Elle s’est agenouillée pour écarter quelques feuilles mortes, révélant de tendres pousses vertes.
« Je devrais être reconnaissante, n’est-ce pas? C’est ce que tout le monde dit : ‘au moins, tu n’as pas de cancer’ », a-t-elle dit, en levant les yeux. « Mais la gratitude est compliquée quand on a été traumatisé par le système même censé prendre soin de vous. Je suis vivante, oui. Mais je suis changée à jamais par ces six semaines où j’ai cru que je ne le serais plus. »
Pour les patients qui ont vécu des erreurs de diagnostic similaires, le Réseau des défenseurs des patients de la Nouvelle-Écosse offre des services de soutien et des conseils pour naviguer dans le processus de plainte. Pendant ce temps, Mme MacDonald poursuit son combat pour la responsabilisation tout en reconstruisant la vie qu’elle pensait autrefois perdre – une vie désormais ombragée par un autre type d’incertitude.