L’air matinal à Yellowknife est chargé de fumée d’incendies de forêt lorsque Marsha Tungalik, 67 ans, vérifie son appareil respiratoire avant de sortir. « Il y a vingt ans, je n’avais pas besoin de ça », me dit-elle, en tapotant le petit appareil qui surveille ses symptômes d’asthme. « Maintenant, je le consulte comme d’autres consultent la météo. »
Pour Tungalik, une aînée dénée qui a vécu toute sa vie dans les Territoires du Nord-Ouest, le lien entre le changement climatique et la santé n’est pas théorique—c’est aussi réel que la fumée qui la force régulièrement à rester à l’intérieur pendant les saisons d’incendies de plus en plus graves.
Cette relation intime entre notre climat changeant et le bien-être humain reçoit enfin l’attention mondiale qu’elle mérite. La semaine dernière, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et l’Organisation météorologique mondiale (OMM) ont lancé une initiative ambitieuse pour aider les pays à utiliser les données climatiques et météorologiques afin de protéger la santé publique. Le programme vise à atteindre 80 pays au cours des trois prochaines années, en se concentrant particulièrement sur les nations vulnérables où les impacts climatiques affectent déjà des millions de personnes.
« Il ne s’agit pas seulement de prévoir les tempêtes », explique Dr Maria Neira, Directrice de l’environnement, du changement climatique et de la santé à l’OMS. « Il s’agit d’utiliser ces informations pour prévenir les épidémies, réduire les décès liés à la chaleur et bâtir des systèmes de santé qui peuvent résister aux chocs climatiques. »
L’initiative arrive à un moment crucial. Des recherches publiées dans The Lancet l’année dernière ont montré que les décès liés à la chaleur dans le monde ont augmenté de près de 70 % depuis le début des années 2000. Ici au Canada, les récents dômes de chaleur en Colombie-Britannique ont fait des centaines de victimes, tandis que l’évolution des régimes de précipitations a étendu la portée des tiques et des moustiques porteurs de maladies dans des régions auparavant non touchées.
En marchant dans le Downtown Eastside de Vancouver pendant la canicule de l’été dernier, j’ai constaté de mes propres yeux comment la vulnérabilité climatique suit de près l’inégalité sociale. Les sans-abris cherchaient refuge dans des centres de rafraîchissement surpeuplés, tandis que ceux souffrant de maladies chroniques luttaient sans accès à la climatisation—un luxe encore peu courant dans de nombreux bâtiments anciens du Nord-Ouest Pacifique.
« Le changement climatique est la question ultime d’équité en santé », explique Dr Courtney Howard, médecin urgentiste à Yellowknife et ancienne présidente de l’Association canadienne des médecins pour l’environnement. « Ceux qui ont le moins contribué au problème—les communautés autochtones, les personnes âgées, celles vivant avec un handicap ou une maladie chronique—font souvent face aux conséquences les plus graves. »
L’initiative OMS-OMM cherche à remédier à cette iniquité en se concentrant sur les applications pratiques des données climatiques. Au Mozambique, par exemple, les prévisions saisonnières de précipitations sont déjà utilisées pour prédire—et se préparer à—des épidémies de paludisme. Dans les villes sujettes à la chaleur en Asie du Sud, de nouveaux systèmes d’alerte précoce avertissent les travailleurs de la santé des pics de température dangereux plusieurs jours avant qu’ils ne surviennent, laissant le temps d’installer des centres de rafraîchissement et de vérifier l’état des résidents vulnérables.
Pour Dr Howard, ces efforts internationaux font écho à ce qu’elle préconise dans le Nord canadien. « Nous devons aller au-delà de la simple collecte de données pour les utiliser concrètement afin de protéger les gens », dit-elle. « Quand on sait qu’une vague de chaleur arrive, nous devrions avoir des systèmes automatiques pour vérifier l’état des aînés. Quand de la fumée d’incendie est prévue, les écoles devraient avoir des protocoles clairs pour les récréations à l’intérieur. »
Les défis de mise en œuvre de tels systèmes sont considérables, particulièrement dans les régions disposant d’infrastructures de soins de santé limitées. La nouvelle initiative reconnaît cette réalité en incluant des composantes de renforcement des capacités comme la formation des travailleurs de la santé et le soutien aux mises à niveau technologiques.
Dr Joy Shumake-Guillemot, qui dirige le Bureau conjoint OMS/OMM pour le climat et la santé, souligne que le succès nécessitera de briser les cloisonnements traditionnels entre météorologues et professionnels de la santé. « Ces communautés parlent souvent des langages professionnels différents », explique-t-elle. « Les réunir pour créer des informations exploitables est plus difficile qu’il n’y paraît, mais les avantages potentiels sont énormes. »
Ici en Colombie-Britannique, une partie de cette intégration est déjà en cours. Vancouver Coastal Health intègre maintenant les projections climatiques dans sa planification à long terme, tandis que le Centre de contrôle des maladies de la C.-B. surveille les conditions environnementales qui pourraient déclencher des épidémies de maladies infectieuses ou des problèmes de qualité de l’air.
Pour les communautés autochtones comme celle de Tungalik, cependant, ces systèmes semblent souvent éloignés de la réalité quotidienne. « Notre peuple a toujours lu le territoire et compris les régimes météorologiques », dit-elle. « Mais ces régimes changent plus vite que notre savoir traditionnel ne peut s’adapter. »
Cette déconnexion met en évidence l’un des aspects les plus difficiles de l’initiative : intégrer les données scientifiques avec les systèmes de connaissances locales et autochtones qui guident les communautés depuis des générations. Le programme OMS-OMM vise explicitement à combler ce fossé, reconnaissant que des solutions climatiques et sanitaires efficaces doivent être culturellement appropriées et menées par la communauté.
Lors de ma visite à la Nation Nisga’a dans le nord de la C.-B. au printemps dernier, le directeur de la santé communautaire Sam Guno m’a montré comment ils combinent les connaissances traditionnelles avec de nouvelles approches climat-santé. Les calendriers de récolte alimentaire saisonnière incluent maintenant des avertissements sur la qualité de l’air, tandis que les connaissances de chasse et de cueillette intègrent une sensibilisation aux risques changeants de maladies.
« Notre peuple a toujours été adaptable », m’a dit Guno alors que nous regardions la vallée de la Nass. « La différence maintenant, c’est la vitesse du changement. »
L’initiative OMS-OMM arrive alors que le changement climatique domine de plus en plus les discussions sur la santé au Canada et dans le monde entier. Santé Canada a récemment publié sa première évaluation complète de la santé liée aux changements climatiques, documentant les risques allant des vagues de chaleur aux perturbations de la sécurité alimentaire, tandis que les facultés de médecine à travers le pays intègrent la santé climatique dans leurs programmes.
Pour ceux en première ligne comme Dr Howard, ces développements représentent une reconnaissance tardive de ce qu’elle a constaté dans son service d’urgence depuis des années. « J’ai traité des enfants qui avaient du mal à respirer pendant la saison des feux de forêt et des patients âgés souffrant de coups de chaleur », dit-elle. « Ce ne sont pas seulement des problèmes environnementaux—ce sont des urgences médicales. »
En quittant la maison de Tungalik à Yellowknife, elle ajuste son masque respiratoire et fait un geste vers l’horizon brumeux. « Racontez notre histoire », dit-elle. « Dites-leur qu’il ne s’agit pas seulement de sauver la planète. Il s’agit de nous sauver nous-mêmes. »
Face à notre climat changeant, ce message n’a jamais été plus urgent—ou plus vrai.