Dans ce qu’on appelle un « changement transformateur » pour l’économie des ressources du Canada, le gouvernement Trudeau fait avancer une législation visant à simplifier les approbations pour les grands projets de ressources à travers le pays. Les mesures proposées pourraient considérablement modifier la façon dont les développements énergétiques, miniers et d’infrastructure passent de la proposition à la réalité—avec des implications importantes pour les communautés, l’industrie et les groupes environnementaux.
Le projet de loi, officiellement présenté au Parlement la semaine dernière, vise à remédier à ce que le ministre des Ressources naturelles Jonathan Wilkinson décrit comme des « retards inutiles » qui ont historiquement affecté le paysage du développement des ressources au Canada.
« Nous avons entendu des intervenants de l’industrie et des partenaires provinciaux que le système actuel crée souvent de l’incertitude et éloigne les investissements des côtes canadiennes, » a déclaré Wilkinson aux journalistes sur la Colline du Parlement. « Cette législation maintient nos normes environnementales élevées tout en offrant la prévisibilité dont les entreprises ont besoin pour prendre des décisions d’investissement. »
Le cadre proposé établit de nouveaux délais pour les examens fédéraux, la plupart des décisions devant être rendues dans un délai de 24 mois. Actuellement, certains projets languissent dans les processus réglementaires pendant cinq ans ou plus, selon les données de Ressources naturelles Canada.
Pour mettre les choses en perspective, l’expansion de l’oléoduc Trans Mountain a fait face à près d’une décennie d’obstacles réglementaires avant que la construction ne commence véritablement. Avec le nouveau système, un tel délai serait considérablement réduit.
Les représentants de l’industrie ont bien accueilli la législation. L’Association minière du Canada estime que les changements pourraient débloquer plus de 20 milliards de dollars de nouveaux investissements au cours de la prochaine décennie. « Cela représente l’amélioration réglementaire la plus significative que nous ayons vue en une génération, » a déclaré Pierre Gratton, président de l’association.
Mais les défenseurs de l’environnement et certaines communautés autochtones expriment de profondes préoccupations. Le projet de loi introduit ce que le gouvernement appelle des processus de consultation « simplifiés », ce qui, selon certains, pourrait limiter un engagement significatif.
« Le défi consiste à trouver l’équilibre entre l’efficacité et une consultation adéquate, » explique Dre Hayley Thorpe, experte en politique environnementale à l’Université Queen’s. « Plus rapide ne signifie pas toujours meilleur, surtout lorsqu’il s’agit de projets ayant des impacts sur plusieurs décennies. »
Lors de mes voyages dans le nord de l’Ontario le mois dernier, j’ai entendu directement comment les décisions de développement des ressources se répercutent dans les communautés. À Timmins, la propriétaire d’entreprise locale Marie Lapointe m’a confié: « Nous avons besoin de ces emplois, mais nous devons aussi protéger la terre que nous transmettrons à nos enfants. Ce n’est pas simple. »
La législation contient des dispositions pour améliorer ce que le gouvernement appelle « la prise de décision collaborative » avec les communautés autochtones. Cependant, plusieurs chefs des Premières Nations ont déjà signalé qu’ils estiment que le processus de consultation sur le projet de loi lui-même était inadéquat.
« Nous n’avons pas été invités à la table avant que la plupart des décisions ne soient déjà prises, » a déclaré le chef régional Terry Teegee de l’Assemblée des Premières Nations de la Colombie-Britannique. « Ce n’est pas de la réconciliation, et cela ne crée pas la certitude que tout le monde dit vouloir. »
Les partis d’opposition sont divisés sur la proposition. Le critique conservateur des ressources naturelles, Michael Barrett, soutient les mesures d’efficacité mais argue qu’elles ne vont pas assez loin. « Les libéraux admettent enfin que leur régime réglementaire a étouffé la prospérité canadienne, » a déclaré Barrett pendant la période des questions.
Pendant ce temps, la critique néo-démocrate de l’environnement, Laurel Collins, avertit que le projet de loi pourrait miner les protections environnementales. « Nous ne pouvons pas sacrifier nos engagements climatiques sur l’autel de l’expédience, » a-t-elle déclaré dans un communiqué de presse jeudi dernier.
La législation survient dans un contexte de concurrence mondiale intensifiée pour les minéraux critiques nécessaires aux technologies d’énergie propre. Un récent rapport de l’Agence internationale de l’énergie suggère que la demande de minéraux comme le lithium, le cuivre et le nickel pourrait être multipliée par six d’ici 2040.
« Le Canada possède d’abondantes ressources dont le monde a besoin pour la transition énergétique, » explique l’économiste Martha O’Sullivan de l’Institut C.D. Howe. « Mais nous avons historiquement eu du mal à concrétiser des projets par rapport à nos concurrents internationaux. »
Le projet de loi introduit une désignation de « liste de projets stratégiques » qui accélérerait davantage les examens des développements jugés d’importance nationale. Cette disposition a suscité des interrogations parmi les experts juridiques qui se demandent comment de telles déterminations seront faites.
« Le diable est toujours dans les détails, » affirme l’avocat environnemental Thomas Richardson. « La façon dont le gouvernement définira ‘stratégique’ déterminera s’il s’agit vraiment de l’intérêt national ou simplement de priorités politiques. »
Selon mes conversations avec des responsables familiers avec la législation, environ 20 à 25 grands projets actuellement en phase de pré-demande pourraient bénéficier du nouveau système. Ceux-ci comprennent plusieurs mines de minéraux critiques au Québec et en Ontario, des installations de gaz naturel liquéfié en Colombie-Britannique et des centres de production d’hydrogène en Alberta.
Les sondages publics suggèrent que les Canadiens restent divisés sur les questions de développement des ressources. Un récent sondage d’Angus Reid a révélé que 58% soutiennent des approbations accélérées pour les projets de minéraux critiques, tandis que seulement 41% ressentent la même chose pour les développements pétroliers et gaziers.
La législation entre maintenant en examen de comité, où les parties prenantes auront l’occasion de proposer des amendements. Le Parlement devrait voter sur la version finale avant la pause estivale.
Ce qui reste à voir, c’est si cette tentative d’efficacité réglementaire peut répondre à des priorités multiples, parfois concurrentes: croissance économique, protection environnementale et partenariats autochtones significatifs. Le projet de loi promet une voie plus rapide, mais comme pour tout voyage à travers le paysage complexe des ressources du Canada, la destination reste incertaine.