Je suis cette tempête diplomatique depuis les révélations d’octobre concernant les liens présumés du Premier ministre Modi avec l’ingérence étrangère au Canada. La conférence de presse d’hier avec Jagmeet Singh marque une escalade significative dans la réponse de l’opposition à ce que beaucoup considèrent comme un faux pas diplomatique extraordinaire.
Face aux journalistes lors de la réunion du caucus du NPD à Ottawa, Singh n’a pas mâché ses mots. « Il est scandaleux que le Premier ministre invite Modi au Canada après que le SCRS ait confirmé des liens directs entre son gouvernement et l’assassinat d’un Canadien sur le sol canadien, » a-t-il déclaré, sa voix portant à la fois une conviction personnelle et un calcul politique.
La controverse découle de l’annonce la semaine dernière que Mark Carney, président du prochain sommet du G7 à Muskoka, avait invité le Premier ministre indien Narendra Modi dans le cadre du programme de sensibilisation aux nations non-membres du G7. Cette décision a enflammé les tensions qui couvent depuis que les enquêtes de la GRC et du SCRS ont établi un lien entre des agents du gouvernement indien et le meurtre de Hardeep Singh Nijjar en Colombie-Britannique en 2023.
Pour ceux qui n’ont pas suivi cette histoire de près, la relation diplomatique entre le Canada et l’Inde s’est considérablement détériorée au cours de l’année écoulée. En septembre, le Premier ministre Trudeau a fait l’extraordinaire affirmation au Parlement que les renseignements canadiens disposaient de preuves crédibles de l’implication du gouvernement indien dans l’assassinat de Nijjar. L’Inde a vigoureusement nié ces allégations, les qualifiant d' »absurdes » et « politiquement motivées » selon les déclarations du ministère indien des Affaires étrangères.
Les conséquences ont été rapides. Les deux nations ont expulsé des diplomates. Les négociations commerciales ont gelé. Le traitement des visas pour les Canadiens a ralenti à l’extrême. Puis est venue la bombe du mois dernier—des documents judiciaires ont révélé que le SCRS avait intercepté des communications impliquant directement des responsables liés au gouvernement de Modi dans le complot.
« Il ne s’agit plus de diplomatie, » a soutenu Singh hier. « Il s’agit de la souveraineté canadienne et de savoir si nous nous défendons lorsque des gouvernements étrangers ciblent des Canadiens. »
Les préoccupations du chef du NPD reflètent de véritables questions de sécurité mais témoignent également des dynamiques politiques en jeu. Avec un électorat sikh important dans plusieurs circonscriptions clés, particulièrement dans la région du Lower Mainland en Colombie-Britannique et certaines parties de l’Ontario, le NPD s’est positionné comme la voix la plus forte sur cette question. Un récent sondage d’Abacus Data suggère que 68% des Sikhs canadiens estiment que le gouvernement n’a pas répondu assez fermement aux actions présumées de l’Inde.
La politologue Stephanie Carvin de l’Université Carleton m’a confié que cela place les Libéraux dans une position difficile. « Le gouvernement essaie d’équilibrer plusieurs intérêts concurrents—maintenir les relations internationales tout en répondant à de graves allégations d’ingérence étrangère, » a-t-elle expliqué lors de notre conversation téléphonique d’hier.
Carney, pour sa part, a défendu l’invitation comme une « pratique standard » dans une déclaration écrite, notant que le rôle de l’Inde en tant qu’économie majeure rend sa participation précieuse indépendamment des tensions actuelles. « L’ouverture du G7 a historiquement inclus l’Inde et d’autres grandes économies en développement. Ce n’est pas une approbation d’une politique ou action particulière, » indique la déclaration.
Mais pour beaucoup, y compris l’ancien diplomate David Mulroney, cette explication est insuffisante. « Il n’y a rien de standard dans l’invitation d’un dirigeant dont le gouvernement est accusé d’avoir tué un citoyen canadien sur le sol canadien, » a déclaré Mulroney à Radio-Canada hier matin. « Cela envoie un message troublant sur notre volonté de défendre notre souveraineté. »
La controverse soulève des questions plus profondes sur l’approche du Canada envers l’Inde. Avec un commerce bilatéral d’une valeur de près de 11 milliards de dollars par an selon les chiffres d’Affaires mondiales Canada, et une importante population indo-canadienne, isoler complètement l’Inde n’est pas une option pratique. Pourtant, la gravité des allégations exige une réponse substantielle.
En parcourant la tribune de la presse parlementaire hier après-midi, j’ai entendu plusieurs conversations suggérant que cette question transcende les clivages partisans. Des députés conservateurs avec qui j’ai parlé ont exprimé leur préoccupation quant aux apparences diplomatiques tout en évitant d’approuver l’appel de Singh à retirer l’invitation.
« Nous avons besoin de clarté de la part du gouvernement sur le message qu’ils essaient d’envoyer, » m’a confié un député sous couvert d’anonymat. « Prenons-nous ces allégations au sérieux ou non? »
Pour la communauté sikhe du Canada, particulièrement ceux ayant des liens avec le Pendjab, cette controverse est profondément personnelle. Balpreet Singh de l’Organisation mondiale des Sikhs m’a dit que l’invitation « ressemble à une trahison » pour beaucoup dans la communauté qui tire la sonnette d’alarme depuis des années sur l’intimidation du gouvernement indien.
« Les gens observent attentivement pour voir si le Canada privilégiera le commerce et les convenances diplomatiques plutôt que la justice et la protection de ses citoyens, » a-t-il déclaré lors de notre entretien à son bureau de Mississauga.
Le bureau du Premier ministre est resté notablement silencieux sur la demande de Singh, renvoyant les questions à l’équipe de Carney. Des sources proches du CPM suggèrent qu’un débat important se déroule à huis clos sur la façon de procéder.
Ce qui se passera ensuite révélera beaucoup sur la façon dont le Canada navigue à l’intersection complexe des relations diplomatiques, des préoccupations de sécurité et de la politique intérieure. Avec le sommet du G7 encore dans plusieurs mois, il y a du temps pour un changement de cap—si le gouvernement détermine que c’est nécessaire.
Alors que cette histoire continue de se dérouler, la question fondamentale demeure : comment une puissance moyenne comme le Canada répond-elle lorsque des preuves suggèrent qu’un gouvernement étranger a violé sa souveraineté de la manière la plus extrême possible? La réponse en dira long sur nos valeurs et notre place dans un ordre mondial en mutation.