Le frère du chef du NPD Jagmeet Singh s’est immiscé dans le débat diplomatique entourant les allégations d’ingérence étrangère, exigeant que les autorités canadiennes assurent la protection des citoyens qui ont été avertis de menaces contre leur vie.
Gurratan Singh, ancien député provincial de l’Ontario, s’est exprimé suite aux informations selon lesquelles des Canadiens ayant reçu des briefings de sécurité concernant des risques potentiels pour leur sécurité se retrouvent sans mesures concrètes de protection. « Lorsque le SCRS avertit un Canadien qu’il risque d’être blessé ou tué par une entité étrangère, il est totalement inacceptable que notre gouvernement ne lui offre pas de protection, » a-t-il déclaré dans une publication sur les réseaux sociaux.
Ses commentaires surviennent dans un contexte d’inquiétudes croissantes concernant la réponse du Canada aux menaces d’ingérence étrangère. Le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) informe certains Canadiens des risques pour leur sécurité personnelle provenant de gouvernements étrangers, mais les critiques allèguent que ces avertissements sont rarement accompagnés d’une assistance en matière de sécurité.
Une enquête récente de La Presse Canadienne a révélé que plusieurs personnes ayant reçu des briefings du SCRS concernant des menaces à leur sécurité ont été laissées à elles-mêmes pour gérer leurs préoccupations sécuritaires. Un militant communautaire a décrit comment on lui a dit qu’il figurait sur une « liste noire », mais n’a reçu que des conseils minimaux, comme varier sa routine et rester vigilant.
« Imaginez qu’on vous dise que votre vie est en danger, puis qu’on vous laisse vous débrouiller seul, » a déclaré Carmen Cheung, directrice exécutive de l’Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique. « Cela crée un effet dissuasif sur la participation démocratique, en particulier pour les communautés diasporiques qui peuvent déjà se sentir vulnérables. »
La controverse touche à la lutte plus large du Canada contre l’ingérence étrangère. L’année dernière, le gouvernement fédéral a nommé l’ancien gouverneur général David Johnston comme rapporteur spécial pour enquêter sur les allégations d’ingérence chinoise dans les élections canadiennes. Le rapport initial de Johnston a conclu que, bien que des tentatives d’ingérence aient eu lieu, elles n’ont pas significativement affecté les résultats électoraux.
Le ministre de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc, a défendu l’approche du gouvernement, affirmant que les agences de sécurité prennent des décisions de protection basées sur « des évaluations approfondies des menaces. » Cependant, il a reconnu lors d’une réunion du comité de la Chambre que le système pourrait nécessiter « une coordination renforcée » entre les agences d’application de la loi.
Pour les communautés diasporiques, notamment celles ayant des liens avec des pays aux gouvernements autoritaires, ces lacunes en matière de sécurité entraînent des conséquences concrètes. Cheema Singh, défenseur des droits de la personne travaillant avec des militants sikhs, a indiqué que la réponse du gouvernement est largement insuffisante.
« Les gens reçoivent ces avertissements puis on leur dit essentiellement ‘bonne chance’, » a expliqué Singh lors de notre entretien dans un centre communautaire à Brampton. « L’impact psychologique à lui seul est dévastateur – les gens cessent de s’exprimer, ils se retirent de l’organisation communautaire, exactement ce que veulent les gouvernements étrangers. »
La GRC a établi une Équipe d’enquête sur l’ingérence étrangère, mais les critiques soutiennent que son mandat reste flou et ses ressources insuffisantes. Des documents internes obtenus grâce à des demandes d’accès à l’information montrent que l’unité a traité plus de 100 cas l’année dernière, mais avec remarquablement peu de poursuites judiciaires.
« Il y a un écart fondamental entre l’identification des menaces et la protection réelle des Canadiens, » a déclaré Stephanie Carvin, experte en sécurité nationale et professeure à l’Université Carleton. « Le mandat du SCRS leur permet de recueillir des renseignements et d’émettre des avertissements, mais ils manquent de capacités de protection. La GRC possède ces capacités mais fait face à des contraintes de ressources et à des complexités juridictionnelles. »
Le gouvernement a promis une enquête publique sur l’ingérence étrangère, qui comprendra l’examen de l’efficacité des systèmes de réponse de sécurité du Canada. La juge Marie-Josée Hogue, nommée pour diriger l’enquête, devrait présenter un rapport intérimaire d’ici le 3 mai, les conclusions finales étant attendues d’ici décembre.
Pour Gurratan Singh et autres défenseurs d’une protection renforcée, ces délais offrent peu de réconfort à ceux qui font actuellement face à des menaces. « Quand nous disons aux Canadiens que leur vie est en danger, nous avons l’obligation de les protéger, » a-t-il souligné dans une déclaration complémentaire au National Post.
Cette situation met en lumière la nature évolutive des menaces à la sécurité nationale au Canada. Les approches traditionnelles axées sur le contre-terrorisme et l’espionnage ont été lentes à s’adapter à la réalité de la répression transnationale – où des gouvernements étrangers ciblent les communautés diasporiques et les critiques à l’étranger.
« Ce que nous observons est un déficit de protection, » a déclaré Wesley Wark, chercheur principal au Centre pour l’innovation dans la gouvernance internationale. « Notre architecture de sécurité a été conçue pour une autre époque et n’a pas suivi le rythme de la façon dont les États étrangers projettent leur pouvoir et menacent des individus sur le sol canadien. »
Alors que le gouvernement continue de développer sa réponse, les communautés affectées restent prises entre la reconnaissance des menaces et une protection significative. Les mois à venir détermineront si le Canada peut combler ce déficit critique de sécurité avant que davantage de personnes ne soient réduites au silence – ou pire encore.