J’ai ouvert mes courriels ce matin pour découvrir une avalanche de messages de propriétaires d’entreprises, tous présentant un schéma inquiétant et familier. « Ça recommence, » écrivait un restaurateur qui avait reçu des menaces exigeant 10 000 $. Un autre message, provenant du propriétaire d’une entreprise de construction, contenait des captures d’écran de textos menaçants avertissant de « conséquences » si le paiement n’était pas effectué.
La vague de tentatives d’extorsion ciblant les entreprises à Surrey a atteint un point critique, provoquant la création d’une unité policière spécialisée. L’Équipe d’intervention policière contre l’extorsion de Surrey a été lancée cette semaine, suite à des mois de menaces croissantes contre des propriétaires d’entreprises, principalement au sein des communautés sud-asiatiques.
« Nous avons documenté plus de 30 incidents distincts depuis novembre, » a expliqué l’inspectrice Mandeep Atwal lors de la conférence de presse d’hier au quartier général de la GRC. J’ai observé comment elle présentait des tableaux de preuves montrant la distribution géographique des cas. « Les menaces suivent un schéma cohérent – des demandes de paiements importants en espèces accompagnées de tactiques d’intimidation, notamment des dommages matériels et des menaces contre des membres de la famille. »
Ce ciblage a provoqué des ondes de choc dans tous les quartiers commerciaux de Surrey. Paramjit Singh, propriétaire de trois restaurants dans le secteur de Newton, m’a décrit comment ces menaces ont transformé les opérations quotidiennes.
« J’ai installé des caméras de sécurité supplémentaires le mois dernier après que les vitres de mon voisin aient été fracassées, » a déclaré Singh. « Maintenant, je ferme plus tôt et mon personnel a peur de travailler en soirée. Cela affecte nos moyens de subsistance et notre sentiment de sécurité. »
Les documents judiciaires que j’ai examinés montrent que de nombreuses victimes ont reçu un premier contact via des messages WhatsApp provenant de numéros internationaux, principalement originaires de l’Inde. Ces messages incluent généralement des détails personnels spécifiques sur les propriétaires d’entreprises ou leurs familles, suggérant qu’une surveillance a eu lieu avant le contact.
La GRC a confirmé ce que de nombreux membres de la communauté soupçonnaient : les tentatives d’extorsion semblent liées à des réseaux de crime organisé ayant des connexions transnationales. Les experts en criminalistique numérique de l’Unité intégrée de la criminalité technologique de la GRC ont retracé plusieurs menaces jusqu’à des individus affiliés à des organisations criminelles opérant entre le Canada et l’Inde.
« Ce ne sont pas des incidents isolés, » a déclaré le sergent Jamie Praught de la nouvelle équipe d’intervention. « Nous observons des efforts coordonnés qui traversent les frontières juridictionnelles, c’est pourquoi nous avons établi un partenariat avec INTERPOL et nos homologues en Inde. »
L’équipe spécialisée réunit 10 agents ayant une expérience dans l’enquête sur le crime organisé, les crimes financiers et le travail de liaison culturelle. Leur approche met l’accent sur les mesures préventives et l’enquête active.
Des organisations communautaires se sont manifestées pour soutenir les propriétaires d’entreprises touchés. La Chambre de commerce de Surrey a établi une ligne d’urgence et créé des guides de ressources en punjabi, hindi et anglais expliquant les mesures que les propriétaires d’entreprises devraient prendre s’ils sont ciblés.
« L’impact psychologique ne peut être sous-estimé, » a souligné Dr. Harpreet Gill, une psychologue travaillant avec les victimes par l’intermédiaire du Réseau de soutien communautaire de Surrey. « De nombreux propriétaires d’entreprises ressentent une honte intense d’être ciblés et hésitent à signaler les incidents, ce qui perpétue le cycle. »
Lors de mes entretiens avec cinq victimes la semaine dernière, chacune a décrit des schémas d’escalade similaires. Les messages initiaux contiennent généralement des détails personnels destinés à intimider – les emplacements des écoles des enfants, les routines des conjoints ou des photographies du domicile du propriétaire de l’entreprise. Si elles sont ignorées, les menaces s’intensifient jusqu’à des dommages matériels, notamment des vitres brisées ou des véhicules vandalisés.
« Ils m’ont envoyé une photo de ma fille marchant vers l’école, » m’a confié un propriétaire d’entreprise, demandant l’anonymat en raison de préoccupations de sécurité en cours. « Comment dormir après ça? J’ai payé 5 000 $ avant d’aller voir la police. »
La GRC reconnaît que le sous-signalement demeure un défi important. Les estimations internes suggèrent que seulement environ 40 % des tentatives d’extorsion sont signalées aux autorités.
La nouvelle équipe d’intervention met l’accent sur des canaux de signalement confidentiels et des protocoles de protection des victimes. Leur stratégie comprend des opérations de surveillance coordonnées dans les quartiers d’affaires fréquemment ciblés et le suivi numérique des paiements en cryptomonnaie, devenus la méthode préférée des extorqueurs.
Les dossiers financiers obtenus par ordonnances judiciaires révèlent comment les réseaux criminels gèrent des opérations sophistiquées de blanchiment d’argent pour transférer les fonds extorqués via des échanges de cryptomonnaies avant de les reconvertir en devises conventionnelles sur des comptes à l’étranger.
Les experts juridiques notent que la poursuite de ces cas présente des défis uniques. « La nature internationale de ces crimes crée des obstacles juridictionnels, » a expliqué Monika Sharma, une avocate de la défense criminelle qui a représenté plusieurs victimes d’extorsion. « Même lorsque nous identifions des suspects opérant depuis l’étranger, obtenir la coopération des forces de l’ordre étrangères peut prendre des mois. »
Les leaders communautaires ont salué la formation de l’unité spécialisée tout en soulignant la nécessité de solutions durables à long terme. L’Organisation mondiale des Sikhs du Canada a appelé à une formation accrue en compétence culturelle pour les forces de l’ordre et à un plus grand investissement dans les stratégies de prévention communautaires.
« Ce n’est pas seulement une question de police, » a déclaré Balpreet Singh, conseiller juridique de l’organisation. « Nous avons besoin d’approches globales qui abordent les facteurs socioéconomiques et fournissent un soutien significatif aux communautés vulnérables. »
L’Équipe d’intervention policière contre l’extorsion de Surrey exhorte les propriétaires d’entreprises qui reçoivent des menaces à conserver toutes les preuves, à éviter tout engagement direct avec les extorqueurs et à contacter immédiatement leur ligne d’assistance dédiée. Ils ont établi un portail en ligne sécurisé pour soumettre des preuves et des informations anonymes via le site Web de la GRC de Surrey.
En quittant la conférence de presse, l’inspectrice Atwal a souligné le message qu’elle voulait faire entendre aux membres de la communauté : « Vous n’avez pas à faire face à cela seuls. Signalez chaque incident. Votre coopération est essentielle pour démanteler ces réseaux criminels et restaurer la sécurité dans notre communauté d’affaires. »
