Debout parmi les érables écarlates qui bordent le parc Stanley de Vancouver, je ne pouvais m’empêcher de penser à comment ces arbres ont été témoins d’innombrables changements dans le paysage énergétique de notre pays. Cette semaine encore, ces changements se poursuivent alors que la première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, a proposé un nouveau projet de pipeline pour transporter le pétrole et le gaz albertains vers la côte de la Colombie-Britannique.
Dans une lettre adressée au premier ministre de la C.-B., David Eby, Smith a proposé un corridor pipelinier qui transporterait du gaz naturel et du bitume vers les ports du nord de la Colombie-Britannique, le présentant comme une infrastructure essentielle qui profiterait à tous les Canadiens. Cette proposition survient à un moment où la politique énergétique continue de diviser les provinces malgré des défis économiques communs.
« Des projets comme celui-ci sont transformateurs, » a écrit Smith dans la lettre obtenue par Global News. « Ils créent des emplois bien rémunérés, offrent des opportunités économiques aux communautés autochtones et génèrent des revenus pour tous les paliers de gouvernement. »
La proposition de la première ministre albertaine souligne les dimensions interprovinciales et internationales de l’infrastructure énergétique. Elle a particulièrement mis en avant le potentiel d’un pipeline pour aider le Canada à répondre à la demande internationale de gaz naturel liquéfié (GNL), notamment des marchés européens et asiatiques qui cherchent des alternatives à l’approvisionnement russe.
Lors de ma visite à Fort St. John l’an dernier pour couvrir le développement énergétique, j’ai rencontré Sarah Behn, membre de la Première Nation de Blueberry River, qui a exprimé la relation complexe que de nombreuses communautés autochtones entretiennent avec les projets de ressources. « Nous avons besoin d’une consultation significative qui respecte nos droits et aborde les impacts cumulatifs, » m’a-t-elle dit. « Ce ne sont pas seulement des décisions d’affaires – ce sont des décisions qui concernent notre mode de vie. »
La proposition de pipeline arrive au milieu de l’évolution des politiques climatiques. Le plan CleanBC de la Colombie-Britannique vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % d’ici 2030, tandis que l’Alberta s’est opposée aux plafonds d’émissions fédéraux. Selon Environnement et Changement climatique Canada, la production de pétrole et de gaz représente environ 27 % des émissions totales du Canada, ce qui rend toute expansion de l’infrastructure des combustibles fossiles controversée d’un point de vue climatique.
La lettre de Smith reconnaît ces tensions mais soutient que les ressources canadiennes peuvent être extraites selon « les normes environnementales les plus élevées au monde. » Cette affirmation reste contestée par des groupes environnementaux comme l’Institut Pembina, qui a constamment documenté les défis liés à la réduction des émissions provenant de la production des sables bitumineux.
Ce qui rend cette proposition particulièrement remarquable, c’est son timing. Elle survient alors que le Canada fait face à des vents contraires économiques et que le gouvernement fédéral travaille à la mise en œuvre de la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, qui exige la prise en compte des engagements climatiques dans l’approbation des pipelines. L’expansion de Trans Mountain, qui a connu des années de retards et de dépassements de coûts, sert d’avertissement quant à la complexité de la construction de nouveaux pipelines dans le climat politique actuel.
Le premier ministre Eby n’a pas encore répondu formellement à la proposition de Smith. Son bureau a indiqué à Global News que bien que la C.-B. soit ouverte à discuter de coopération économique, tout projet devrait s’aligner sur les objectifs climatiques de la province et respecter les droits des Autochtones.
En me promenant dans le centre-ville de Vancouver plus tard ce soir-là, je me suis arrêté pour discuter avec Kenneth Williams, économiste de l’énergie à l’Université Simon Fraser. « La politique des pipelines au Canada est devenue un substitut à nos luttes plus larges concernant la transition économique, » a-t-il expliqué alors que nous regardions les traversiers sillonner le port. « Il ne s’agit jamais simplement de l’infrastructure – il s’agit de visions concurrentes pour l’avenir du Canada. »
Williams souligne que les marchés mondiaux de l’énergie connaissent une transformation rapide. L’Agence internationale de l’énergie prévoit que la demande mondiale de pétrole pourrait atteindre son pic avant 2030, ce qui soulève des questions sur la viabilité à long terme des nouvelles infrastructures de combustibles fossiles.
Pour les communautés situées le long des routes potentielles de pipelines, les considérations vont au-delà de l’économie. À Kitimat, où LNG Canada construit déjà un terminal d’exportation massif, les résidents ont connu à la fois les avantages de l’emploi et les pressions du développement rapide sur le logement et les services.
Mary Henderson, conseillère municipale que j’ai interviewée par téléphone, a exprimé un intérêt prudent pour la proposition de Smith. « Nous devons comprendre toute l’ampleur des impacts et des avantages avant de nous former une opinion, » a-t-elle déclaré. « Ces projets ont des conséquences générationnelles pour notre région. »
Le gouvernement fédéral jouera finalement un rôle crucial pour déterminer si un nouveau pipeline sera construit. Selon la législation actuelle, les grands projets font l’objet d’une évaluation environnementale par l’Agence d’évaluation d’impact du Canada, qui prend en compte les facteurs environnementaux, sanitaires, sociaux et économiques.
Alors que notre pays s’efforce d’équilibrer la sécurité énergétique, la croissance économique et les engagements climatiques, des propositions comme celle de Smith mettent en lumière les tensions profondes qui existent entre les régions et les idéologies. Elles nous rappellent que la transition énergétique du Canada n’est pas seulement un défi technique, mais un défi profondément humain qui touche à l’identité, aux moyens de subsistance et à notre relation avec la terre.
Quel que soit le résultat de cette proposition particulière, la conversation qu’elle génère est importante. Comme je l’ai appris au fil des années en couvrant le développement des ressources, la voie à suivre exige quelque chose qui manque souvent à notre dialogue national: la capacité de tenir simultanément plusieurs vérités – reconnaître à la fois l’importance économique de notre secteur des ressources et le besoin urgent de lutter contre le changement climatique.
Pour l’instant, la proposition de pipeline de Smith ajoute un nouveau chapitre à l’histoire continue du développement des ressources au Canada – une histoire qui continue d’être écrite par les communautés, les gouvernements et les citoyens de ce vaste pays.