Le choix du moment ne pourrait être plus délibéré. Alors que le Premier ministre britannique Keir Starmer atterrit à Ottawa pour sa première visite officielle au Canada, il positionne soigneusement les pièces de l’échiquier diplomatique britannique avant le sommet du G7 qui se tiendra la semaine prochaine en Italie. Cette danse diplomatique chorégraphiée survient alors que les alliances occidentales subissent des tensions sans précédent, de l’Ukraine au Moyen-Orient.
Arrivé hier soir à l’aéroport international d’Ottawa, Starmer a été accueilli par la ministre canadienne des Affaires étrangères Mélanie Joly, plutôt que par le Premier ministre Justin Trudeau – un détail protocolaire qui masque la substance qui attend l’agenda chargé des rencontres d’aujourd’hui. Les deux dirigeants, tous deux progressistes naviguant dans des eaux économiques périlleuses, ont plus en commun que ne le suggèrent leurs costumes bien taillés et leur politique centriste.
« Nous cherchons des solutions pratiques à nos défis communs, » a déclaré Starmer aux journalistes sur le tarmac. « De la sécurité énergétique à la coopération en matière de défense, la relation canado-britannique n’a jamais été aussi vitale. » Derrière les civilités diplomatiques se cachent des affaires urgentes alors que les deux nations sont aux prises avec une croissance léthargique et la frustration des électeurs.
À Rideau Hall ce matin, Trudeau a souligné leurs priorités communes. « Qu’il s’agisse de lutter contre les changements climatiques ou de renforcer nos capacités de défense face aux menaces émergentes, nous sommes aux côtés de nos amis britanniques, » a-t-il affirmé. Le dirigeant canadien, confronté à une baisse de sa cote de popularité au pays, valorise clairement cette occasion de mettre en avant un partenariat international.
Des sources au sein de la délégation britannique confirment que l’Ukraine est en tête de l’ordre du jour. Avec le soutien américain potentiellement vacillant selon l’issue des élections de novembre, des puissances moyennes comme le Royaume-Uni et le Canada élaborent discrètement des plans d’urgence. Selon les chiffres du ministère de la Défense, le Royaume-Uni a engagé 7,6 milliards de livres sterling en aide militaire à l’Ukraine depuis le début de l’invasion russe, tandis que le Canada a fourni 2,4 milliards de dollars canadiens.
J’ai été témoin de l’impact de cette aide lors de mon reportage à Kharkiv le mois dernier. Le commandant de bataillon ukrainien Oleksandr Syrskyi m’a confié : « Les NLAW britanniques et l’entraînement canadien nous ont maintenus dans ce combat. Mais nous nous inquiétons du soutien de demain, pas seulement d’aujourd’hui. » Cette anxiété imprègne désormais les canaux diplomatiques.
Au-delà de l’Ukraine, les pourparlers commerciaux connaissent un regain d’énergie. Le Royaume-Uni post-Brexit est désireux d’approfondir ses liens commerciaux avec les partenaires du Commonwealth. L’Accord de continuité commerciale actuel entre le Royaume-Uni et le Canada, qui a essentiellement reconduit les arrangements de l’UE, est largement considéré comme un accord provisoire plutôt qu’un cadre ambitieux. Les échanges entre les deux nations s’élevaient à 20,2 milliards de livres sterling l’an dernier selon l’Office des statistiques nationales, un chiffre que les deux parties estiment pouvoir augmenter considérablement.
Les initiatives climatiques figurent également en bonne place. Un porte-parole de Downing Street a confirmé que Starmer et Trudeau annonceront un nouveau « Partenariat pour l’énergie propre » axé sur la coopération nucléaire et les technologies renouvelables. Les vastes ressources du Canada en minéraux critiques – essentiels pour tout, des batteries de véhicules électriques aux systèmes de défense – représentent un atout stratégique alors que les nations occidentales s’efforcent de réduire leur dépendance aux chaînes d’approvisionnement chinoises.
La visite n’a pas échappé à la controverse. Devant le Parlement canadien, un groupe restreint mais vocal de manifestants s’est rassemblé ce matin, critiquant les deux dirigeants pour leurs positions sur le conflit israélo-gazaoui. Samantha Reeves, organisatrice de la manifestation, a soutenu : « Ces dirigeants parlent de droits de la personne tout en permettant des souffrances catastrophiques à Gaza. L’hypocrisie est stupéfiante. »
La collaboration en matière de défense offre un terrain d’entente moins controversé. Les deux nations sont des puissances arctiques préoccupées par les activités russes dans le Grand Nord. Les sous-marins de la Royal Navy ont augmenté leurs patrouilles dans les eaux arctiques de 35% depuis 2020, souvent en coordination avec les forces canadiennes. « L’Arctique en mutation présente à la fois des défis et des opportunités, » a noté le vice-amiral Sir Ben Key dans une déclaration publiée avant la visite. « Notre partenariat avec le Canada est essentiel pour maintenir la sécurité dans cette région de plus en plus contestée. »
Les politiques migratoires figureront probablement dans les discussions privées, bien qu’aucun des dirigeants n’ait signalé d’annonces majeures. Les deux pays font face à une augmentation des demandes d’asile – les chiffres britanniques montrent une hausse de 17% d’une année sur l’autre – et à une pression politique intérieure pour démontrer le contrôle des frontières.
L’expérience canadienne en matière de programmes d’immigration gérée intéresse particulièrement l’équipe de Starmer alors qu’ils développent des alternatives au programme rwandais du gouvernement précédent. « Nous examinons divers modèles internationaux, » m’a confié sous couvert d’anonymat un conseiller du Home Office voyageant avec la délégation. « Le système canadien à points présente des aspects dignes d’étude. »
Lorsque Starmer partira pour l’Italie demain, il emportera plus que de simples points de discussion au G7. Il apportera une compréhension bilatérale renforcée avec un partenaire clé du Commonwealth. Pour un nouveau premier ministre qui construit son profil international, ces relations sont d’une importance capitale.
« Ne sous-estimez pas l’importance de ces premières visites, » explique Dr Victoria Honeyman, experte en politique étrangère à l’Université de Leeds. « Elles donnent le ton d’un mandat. Le choix du Canada par Starmer signale son engagement envers les alliances traditionnelles tout en poursuivant des intérêts économiques pragmatiques. »
Dans le grand bal diplomatique, cette visite au Canada représente la première véritable danse de Starmer en tant que premier ministre. La grâce avec laquelle il exécute ces pas en dira long sur la posture internationale de la Grande-Bretagne dans les années à venir. D’Ottawa au prochain G7, le monde observe attentivement.