Le soleil chaleureux du mois d’août apporte un soulagement bienvenu aux résidents d’Île-à-la-Crosse, qui ont commencé à revenir dans leur communauté du nord de la Saskatchewan après avoir passé plusieurs semaines déplacés par des feux de forêt menaçants. L’ordre d’évacuation, qui a forcé près de 1 800 personnes à quitter leur domicile début juillet, a finalement été levé jeudi dernier.
« Revenir chez nous, c’est comme si on pouvait respirer à nouveau, » confie Marie Bouvier, une aînée de 65 ans qui a passé 23 jours chez des proches à Prince Albert. « Mais il y a encore cette lourdeur dans l’air, tant à cause de la fumée persistante que de ce que nous avons tous vécu. »
En parcourant la communauté située sur les rives du lac Île-à-la-Crosse, à 375 kilomètres au nord-ouest de Saskatoon, les signes de la crise restent visibles. Des couches épaisses de cendres recouvrent les tables de pique-nique et les équipements des terrains de jeux. Certaines maisons présentent des dommages mineurs causés par la fumée. Mais le village lui-même est intact – ce que beaucoup craignaient ne pas être le cas.
Les responsables de l’Agence de sécurité publique de la Saskatchewan confirment que l’incendie qui menaçait la communauté a été maîtrisé, mais reste actif à environ 8 kilomètres de la ville. Les équipes continuent de travailler pour établir des lignes de contrôle, avec 240 pompiers encore déployés dans les zones d’incendie actives de la région.
Le maire Duane Favel décrit l’évacuation comme « la crise la plus difficile à laquelle notre communauté a fait face depuis des générations. » S’exprimant depuis le centre local des opérations d’urgence, il reconnaît la route difficile qui les attend. « Nous avons rétabli l’électricité, vérifié les systèmes d’eau et remis en marche les services de base. Mais il y a un important travail de nettoyage, et de nombreux résidents font face à des difficultés financières après avoir été absents si longtemps. »
L’impact économique a été considérable. Les commerces locaux ont fermé pendant des semaines, tandis que de nombreux résidents ont dû faire face à des coûts imprévus malgré le soutien provincial à l’évacuation. L’Agence de sécurité publique de la Saskatchewan rapporte avoir fourni une aide au logement à plus de 4 200 évacués de plusieurs communautés nordiques, les coûts d’hôtel dépassant à eux seuls 3,6 millions de dollars.
Pour James McCallum, pêcheur commercial de 38 ans, l’évacuation est survenue au pire moment. « Juillet et août sont nos mois de pointe. J’ai perdu environ 15 000 dollars de revenus que je ne pourrai pas récupérer, » explique-t-il en nettoyant les cendres de son bateau. « L’aide a couvert les besoins de base, mais elle ne compense pas les pertes de revenus. »
Le retour de la communauté coïncide avec des statistiques préoccupantes sur les feux de forêt. La direction de la gestion des feux de forêt de la Saskatchewan signale 452 incendies cette saison – près du double de la moyenne des cinq dernières années. Plus de 1,8 million d’hectares ont brûlé dans toute la province, une superficie environ trois fois plus grande que l’Île-du-Prince-Édouard.
Des climatologues de l’Université de la Saskatchewan ont établi un lien entre le comportement extrême des incendies cette saison et les effets du changement climatique, particulièrement prononcés dans les régions nordiques. « Ce que nous observons n’est pas simplement une mauvaise année, » explique la Dre Lauren Thompson, chercheuse en adaptation climatique qui étudie les communautés nordiques. « C’est une tendance à l’intensification des feux de forêt qui affecte de façon disproportionnée les communautés autochtones et nordiques. »
L’évacuation a été particulièrement difficile pour la importante population métisse d’Île-à-la-Crosse, perturbant les pratiques culturelles et les liens communautaires. La communauté, établie en 1776 comme poste de traite des fourrures, représente l’un des plus anciens établissements métis habités en continu au Canada.
L’aîné Gilbert McCallum, 78 ans, a passé l’évacuation à Saskatoon, inquiet pour les sites culturellement importants. « Cette terre abrite nos histoires, nos ancêtres. Quand on est forcé de partir, on craint que certaines choses soient perdues à jamais, » me dit-il en examinant les dommages causés par la fumée sur son cabanon de jardin. « Les zones de cueillette de baies et de plantes médicinales mettront des années à se rétablir. »
Les responsables provinciaux estiment que le coût total de la lutte contre les incendies dépassera 130 millions de dollars cette saison, près du triple de la moyenne annuelle. Paul Merriman, ministre de la Sécurité publique de la Saskatchewan, a promis un soutien supplémentaire pour la reprise des communautés touchées, bien que les détails spécifiques du financement soient encore en cours d’élaboration.
Pour des résidents comme Catherine Daigneault, mère de trois enfants qui a évacué vers La Ronge, le retour à la maison suscite des émotions mitigées. « Mes enfants sont heureux de dormir à nouveau dans leur propre lit, mais ils ont aussi peur, » dit-elle, en montrant une colline voisine où des arbres calcinés rappellent à quel point les flammes étaient proches. « Mon enfant de sept ans demande constamment si nous devrons partir à nouveau. »
Les dirigeants communautaires coordonnent avec les fournisseurs de services de santé mentale pour offrir des services de soutien aux résidents qui reviennent. L’Autorité de santé intertribale du Nord a établi un centre de counseling temporaire à l’école communautaire, avec une attention particulière pour aider les enfants à traiter cette expérience.
« Des catastrophes comme celle-ci laissent des cicatrices invisibles, » explique Rita Bouvier, une travailleuse de la santé locale. « Les gens ont vécu un véritable traumatisme – la précipitation pour évacuer, l’incertitude concernant leurs maisons, le stress financier et la perturbation de la vie quotidienne. Nous devons reconnaître que la guérison prend du temps. »
Alors que le nettoyage se poursuit, la communauté réfléchit également à une planification de résilience à long terme. Le maire Favel indique que le conseil municipal évaluera des améliorations d’infrastructure, notamment des réservoirs d’eau dédiés à la lutte contre les incendies et des systèmes de communication améliorés pouvant résister aux conditions d’urgence.
Le gouvernement de la Saskatchewan fait face à une pression croissante pour réévaluer ses stratégies de gestion des feux de forêt. Les critiques de l’opposition ont réclamé l’expansion des programmes de coupe-feu autour des communautés vulnérables et des investissements accrus dans les ressources de lutte contre les incendies pour les régions nordiques.
Avec encore plusieurs semaines restantes dans la saison des incendies de cette année, les responsables des situations d’urgence exhortent les résidents qui reviennent à rester vigilants. L’Agence de sécurité publique de la Saskatchewan maintient des alertes d’évacuation pour trois autres communautés nordiques où des incendies à proximité continuent de brûler.
Alors que le soleil se couche sur le lac Île-à-la-Crosse, les résidents se rassemblent au quai communautaire, où une petite cérémonie de bienvenue offre un espace de réflexion partagée. « Nous sommes un peuple résilient, » dit l’aînée Marie Bouvier. « Ce n’est pas le premier défi auquel nous faisons face, et ce ne sera pas le dernier. Mais nous l’affrontons ensemble, comme nous l’avons toujours fait. »