Alors que la saison de hockey bat son plein dans les patinoires communautaires à travers le pays, des parents comme Diane Matheson de Kamloops se posent des questions plus profondes sur l’environnement dans lequel leurs enfants évoluent.
« Quand mon fils a commencé à jouer en compétition, je supposais que les entraîneurs avaient reçu une formation adéquate au-delà de l’enseignement du sport, » m’a confié Matheson lors d’un récent forum communautaire sur la sécurité dans le sport. « J’ai réalisé que nous, parents, devons être beaucoup plus proactifs pour comprendre qui supervise nos enfants. »
Ses préoccupations reflètent une prise de conscience croissante à travers le Canada: prévenir les abus dans le sport jeunesse nécessite la vigilance des familles, pas seulement des organisations. Le rapport historique du Centre canadien pour l’éthique dans le sport publié le mois dernier révèle que 37% des athlètes actuels et anciens des équipes nationales ont signalé avoir subi au moins une forme de maltraitance durant leur carrière sportive.
Les statistiques ne racontent qu’une partie de l’histoire. Derrière les portes closes des entraînements, des séances de formation et des tournois, de nombreux jeunes athlètes font face à des environnements où les comportements inappropriés sont normalisés ou ignorés. Selon les données d’enquête récentes de Sport Canada, moins de 30% des parents se sentent confiants de pouvoir reconnaître les signes avant-coureurs de situations d’abus potentielles.
« Le défi est que la plupart des parents ne sont pas présents à chaque entraînement ou interaction d’équipe, » explique Dr. Gretchen Kerr, doyenne de la Faculté de kinésiologie et d’éducation physique à l’Université de Toronto. « Cela crée d’importantes lacunes de supervision où des comportements problématiques peuvent se développer hors de la surveillance parentale. »
Les dynamiques de pouvoir dans le sport jeunesse créent des vulnérabilités particulières. Les jeunes athlètes forment généralement des liens étroits avec des entraîneurs qui exercent une influence considérable sur leur avenir sportif, leur temps de jeu et leur position dans l’équipe. Ce déséquilibre d’autorité peut rendre le signalement des problèmes extraordinairement difficile pour les enfants qui craignent des répercussions.
Sandra Kirby, professeure émérite à l’Université de Winnipeg et ancienne rameuse olympique, souligne que la prévention commence par l’éducation. « Les parents et les athlètes doivent comprendre que les abus émotionnels – critiques excessives, humiliation, tactiques d’isolement – précèdent souvent ou accompagnent d’autres formes de maltraitance. Reconnaître ces premiers schémas peut prévenir l’escalade. »
Les améliorations récentes incluent la mise en œuvre du Code de conduite universel pour prévenir et traiter la maltraitance dans le sport (CCUMS) et l’établissement du Bureau du Commissaire à l’intégrité dans le sport (BCIS) en 2022. Bien que cela représente des progrès importants au niveau national, les experts préviennent que ces mesures n’atteignent pas pleinement les milliers de programmes communautaires où participent la majorité des jeunes Canadiens.
Quelles mesures pratiques les familles peuvent-elles prendre? D’après des entretiens avec des experts en sécurité sportive et des défenseurs de la prévention des abus dans plusieurs provinces, j’ai compilé des stratégies que les parents peuvent mettre en œuvre:
Connaître les politiques. Demandez des copies du code de conduite de votre club, des politiques de prévention des abus et des procédures de plainte. Ces documents devraient être facilement accessibles et clairement définis.
« Posez directement des questions sur les processus de vérification des entraîneurs et des bénévoles, » conseille Noni Classen, directrice de l’éducation au Centre canadien de protection de l’enfance. « Les vérifications des antécédents sont importantes mais insuffisantes à elles seules. Demandez quelle formation continue le personnel reçoit concernant les limites appropriées. »
Établir une communication ouverte avec votre enfant. Des conversations régulières sur leurs expériences créent un espace pour les révélations. La psychologue pour enfants de Calgary, Dr. Teresa Taillefer, recommande de poser des questions ouvertes: « Quelle a été la meilleure partie de l’entraînement aujourd’hui? Qu’as-tu trouvé difficile? Comment ton entraîneur réagit-il quand les joueurs font des erreurs? »
Surveiller les changements de comportement. Une réticence soudaine à assister aux entraînements, des troubles du sommeil ou des changements de personnalité peuvent signaler des problèmes. Sophia Chen, ancienne gymnaste de 13 ans de Vancouver, m’a confié: « J’ai cessé de vouloir aller à l’entraînement mais je ne pouvais pas expliquer pourquoi. Je me sentais simplement malade avant de partir. Mes parents l’ont remarqué et ont commencé à poser plus de questions. »
Normaliser les limites physiques appropriées. Enseignez aux enfants que certains types de contacts ne sont jamais acceptables, peu importe qui les initie. Expliquez que les secrets concernant les interactions avec les entraîneurs ou les officiels d’équipe ne devraient jamais être gardés loin des parents.
Assister aux entraînements de façon aléatoire et inattendue quand c’est possible. Cela crée une responsabilisation et permet d’observer directement les styles d’entraînement et la dynamique d’équipe. Les directives de l’Association de hockey de la Saskatchewan encouragent spécifiquement l’observation parentale des entraînements.
Faire confiance à son instinct. Si quelque chose semble anormal dans la façon dont un entraîneur interagit avec les athlètes, cela mérite attention. Jean-Philippe Lavoie, parent de soccer de la région de Montréal, a raconté: « J’ai remarqué que notre entraîneur isolait certains joueurs pour des critiques excessives tout en en louant excessivement d’autres. Cette incohérence a soulevé des signaux d’alarme pour moi. »
Se connecter avec d’autres parents. Formez des réseaux pour partager des observations et des préoccupations. Avoir plusieurs perspectives peut aider à distinguer entre les frustrations normales d’entraînement et les schémas problématiques.
Connaître les options de signalement. Familiarisez-vous avec les voies de signalement au sein de votre organisation et à l’externe. Les organismes sportifs provinciaux, les services de protection de l’enfance et, dans certains cas, la police peuvent devoir être contactés selon la situation.
La Ligne d’assistance du sport canadien (1-888-83-SPORT) offre des conseils confidentiels à toute personne témoin ou victime d’abus dans un contexte sportif. Ce service national met les appelants en contact avec des professionnels qui peuvent les conseiller sur les prochaines étapes appropriées.
Les récentes augmentations du financement fédéral pour les initiatives de sport sécuritaire signalent une reconnaissance croissante de ces enjeux, mais les experts soulignent que la vigilance à la base reste essentielle. La démission de Marcel Aubut en tant que président du Comité olympique canadien en 2015 suite à des allégations de harcèlement sexuel a marqué un tournant dans la gouvernance du sport canadien, mais la surveillance au niveau communautaire reste souvent en retard par rapport aux réformes nationales.
« Les parents ne devraient pas supposer que les politiques organisationnelles à elles seules protégeront leurs enfants, » note Lorraine Lafrenière, PDG de l’Association canadienne des entraîneurs. « Une prévention efficace nécessite des familles engagées qui posent des questions, observent les comportements et sont prêtes à s’exprimer. »
Pour les parents qui se demandent si le fait d’aborder des préoccupations pourrait nuire aux opportunités athlétiques de leur enfant, l’olympienne et défenseure Allison Forsyth offre une perspective: « Je n’ai jamais rencontré de parent qui regrettait d’avoir priorisé la sécurité de son enfant plutôt que l’avancement compétitif. On ne peut pas en dire autant de ceux qui sont restés silencieux. »
Alors qu’une nouvelle saison de sports jeunesse se déploie à travers le Canada, le tableau de pointage le plus important n’est pas celui des victoires et des défaites, mais celui de la sécurité émotionnelle et physique de nos jeunes athlètes. En restant informées et engagées, les familles deviennent la première ligne de défense contre les abus dans les environnements sportifs – assurant que les enfants puissent poursuivre leurs rêves athlétiques dans des espaces où leur bien-être demeure le véritable objectif championnat.