Les cafés le long du front de mer de Prince Rupert bourdonnaient hier de discussions sur l’annonce du gouvernement fédéral qui pourrait accélérer l’expansion du port de la ville grâce au nouveau Bureau des grands projets du Canada. Pour de nombreux habitants de cette communauté côtière du nord, cette nouvelle représente bien plus qu’un simple développement industriel—c’est une question de survie économique dans une région qui a connu d’importantes fluctuations économiques.
« Ça fait trois ans qu’on attend juste pour dépasser les évaluations environnementales initiales, » a déclaré Hannah Reimer, qui gère une entreprise d’approvisionnement maritime desservant les opérations portuaires existantes. « Pendant ce temps, les familles d’ici se demandent s’il y aura assez de travail pour empêcher la prochaine génération de déménager vers le sud. »
Le projet d’expansion du terminal de l’Administration portuaire de Prince Rupert, évalué à 780 millions de dollars, augmenterait la capacité de conteneurs d’environ 40 pour cent, créant potentiellement plus de 1 000 emplois en construction et 300 postes permanents dans une communauté de seulement 12 000 résidents. Le projet a maintenant été identifié comme candidat pour le processus d’approbation accéléré du gouvernement fédéral sous l’égide du Bureau de gestion des grands projets récemment établi.
Le ministre des Transports, Omar Alghabra, a visité le site la semaine dernière, soulignant l’importance stratégique du port. « Prince Rupert représente une porte d’entrée essentielle pour le commerce canadien avec les marchés de l’Asie-Pacifique, » a noté Alghabra lors de sa tournée des installations existantes. « L’expansion proposée s’aligne avec nos objectifs commerciaux nationaux tout en soutenant la réconciliation économique avec les partenaires des Premières Nations. »
Selon la soumission environnementale de l’Administration portuaire déposée auprès de l’Agence d’évaluation d’impact du Canada, l’expansion réduirait les temps de transport maritime vers les marchés asiatiques jusqu’à 58 heures par rapport aux autres alternatives de la côte ouest, réduisant potentiellement les émissions de carbone liées au transport d’environ 14 pour cent par conteneur.
Cependant, le projet fait face à une opposition déterminée de la part de groupes environnementaux et de certaines communautés autochtones locales préoccupées par les impacts sur les écosystèmes marins. La Nation Gitxaała a exprimé une inquiétude particulière concernant l’augmentation du trafic maritime à travers des zones d’habitat sensibles, bien qu’elle ne se soit pas formellement opposée au développement.
« Nous devons être absolument certains que les routes migratoires des saumons et les zones d’alimentation des orques sont protégées, » a déclaré Marjorie Williams de la Coalition environnementale de la côte nord. « Accélérer ne signifie pas couper les coins ronds sur la protection de l’environnement. »
Le débat met en évidence une tension plus large dans le développement des ressources canadiennes, où les avantages économiques se trouvent souvent en conflit potentiel avec les préoccupations environnementales et autochtones. La Colombie-Britannique est devenue en quelque sorte l’épicentre de ces conflits, avec des différends très médiatisés concernant les expansions de pipelines et les développements de gaz naturel liquéfié qui ont fait les manchettes nationales ces dernières années.
Le Bureau de gestion des grands projets nouvellement créé, annoncé dans la mise à jour économique du printemps du gouvernement fédéral, vise à réduire les délais d’approbation pour les projets d’infrastructure jugés d’intérêt national. Les premières estimations suggèrent que le bureau pourrait réduire les délais d’approbation jusqu’à 40 pour cent, bien que les critiques craignent que cela puisse se faire au détriment d’un examen environnemental et communautaire approfondi.
La ministre de l’Emploi, du Développement économique et de l’Innovation de la C.-B., Brenda Bailey, a salué l’annonce fédérale. « Notre gouvernement provincial a travaillé à simplifier les approbations tout en maintenant des normes environnementales rigoureuses, » a déclaré Bailey dans un communiqué. « L’expansion de Prince Rupert représente un potentiel économique important pour les communautés du nord qui ont connu des transitions difficiles. »
L’Administration portuaire estime que l’expansion augmenterait la capacité annuelle de manutention de conteneurs de 800 000 EVP (équivalents vingt pieds), générant environ 280 millions de dollars de PIB supplémentaire annuellement. À titre de comparaison, les opérations existantes contribuent déjà environ 1,3 milliard de dollars par an à l’économie canadienne, selon une étude d’impact économique menée par InterVISTAS Consulting en 2023.
Dans le centre-ville de Prince Rupert, où les panneaux « À louer » sont devenus de plus en plus communs, la perspective d’un développement accéléré a revitalisé l’optimisme. La Chambre de commerce locale signale que les demandes de logement ont augmenté de 22 pour cent depuis l’annonce des plans préliminaires d’expansion l’année dernière.
« On voit des gens qui sont partis il y a des années demander s’ils peuvent revenir, » explique Diane Johnston, une agente immobilière locale qui a vécu plusieurs cycles d’expansion-récession. « Mais il y a aussi des inquiétudes concernant l’abordabilité du logement si le développement se produit trop rapidement. »
Les responsables du port ont souligné leur engagement à répondre aux préoccupations de la communauté tout au long du processus accéléré. « Accélérer ne signifie pas éviter la consultation, » a insisté le PDG de l’Administration portuaire, Shaun Stevenson, lors d’une assemblée publique le mois dernier. « Cela signifie éliminer les retards inutiles tout en maintenant l’intégrité du processus d’examen. »
La décision fédérale de désigner officiellement l’expansion comme projet prioritaire est attendue dans les 60 jours, bien que les observateurs notent que le calendrier pourrait être affecté par des considérations politiques avec l’approche d’une élection fédérale l’année prochaine.
Pour des résidents comme Carl Prentice, débardeur à la retraite qui a observé la transformation de Prince Rupert d’une ville de pêche en difficulté à une porte d’entrée commerciale vitale au cours des deux dernières décennies, l’expansion représente quelque chose de plus personnel.
« Mes petits-enfants pourraient vraiment pouvoir construire leur vie ici, » a remarqué Prentice, regardant les énormes porte-conteneurs qui parsèment déjà le port. « C’est quelque chose qu’on n’aurait pas pu dire avec beaucoup de confiance il y a même cinq ans. »
La décision repose maintenant entre les mains des autorités fédérales, qui doivent équilibrer les priorités économiques nationales avec les préoccupations environnementales locales—un calcul délicat qui définit la politique canadienne des ressources depuis des générations.