J’ai observé Kelly McIntosh, notre nouvelle ministre fédérale de la Santé, s’avancer vers le microphone devant l’édifice du Parlement mardi dernier. Le vent de novembre faisait danser son foulard alors qu’elle présentait sa première annonce politique majeure depuis sa prise de fonction il y a trois semaines. La foule de journalistes s’est resserrée, non seulement pour se réchauffer, mais pour saisir chaque mot de ce qui pourrait signaler une nouvelle orientation pour notre système de santé canadien en difficulté.
« Chaque Canadien mérite un accès rapide à des soins de qualité, peu importe son code postal, » a déclaré McIntosh, son souffle visible dans l’air froid. « Il ne s’agit pas seulement de réduire les temps d’attente, mais de restaurer la confiance dans un système qui a été le fondement de notre identité nationale. »
Debout sur la Colline du Parlement, je ne pouvais m’empêcher de me rappeler les témoignages que j’avais recueillis au cours de l’année précédente—cette mère du Manitoba rural qui a conduit trois heures pour que son fils voie un spécialiste; ce couple de personnes âgées de Terre-Neuve qui a déménagé chez leur fille à Toronto pour accéder à des traitements contre le cancer; ces communautés autochtones du nord de la Colombie-Britannique qui attendent toujours les services de soins primaires que les Canadiens des zones urbaines tiennent pour acquis.
L’annonce de McIntosh arrive à un moment critique. Selon Statistique Canada, près de 5,2 millions de Canadiens ont déclaré ne pas avoir de fournisseur de soins régulier en 2023, soit presque 15 % de la population. La situation est encore plus grave dans les régions rurales, où les pénuries de médecins ont atteint des niveaux critiques.
La ministre a présenté son « Plan d’accélération en cinq points » qui comprend 1,4 milliard de dollars de financement immédiat pour que les provinces élargissent les réseaux de soins primaires, particulièrement dans les régions mal desservies. Le plan propose également une reconnaissance simplifiée des qualifications pour les professionnels médicaux formés à l’étranger—un changement potentiellement décisif, étant donné que des milliers de médecins immigrants qualifiés travaillent actuellement en dehors de leur profession en raison d’obstacles à l’obtention de permis.
« Nous faisons face aux conséquences de décennies de vision à court terme, » m’a confié Dr. Samira Ahmed, présidente de l’Association médicale canadienne, lors d’un appel téléphonique après l’annonce. « L’accent mis par la ministre McIntosh sur l’accès aux soins primaires est crucial, mais la mise en œuvre sera le véritable test. Nous avons déjà entendu des promesses par le passé. »
Lorsque j’ai visité le Centre de santé du Nord à Prince George le mois dernier, Dr. James Wilson a décrit les effets en cascade des pénuries de soins primaires. « Sans médecins de famille, les gens utilisent les urgences pour des soins non urgents. Cela crée des retards, de l’épuisement parmi le personnel et, finalement, de moins bons résultats pour tout le monde, » a-t-il expliqué, en indiquant une salle d’attente pleine à craquer un mardi après-midi.
Les leaders de la santé autochtone ont prudemment accueilli l’engagement de McIntosh d’élargir les services de santé culturellement adaptés. Le plan comprend 220 millions de dollars spécifiquement destinés aux initiatives de santé dirigées par les Autochtones.
« L’accès ne se limite pas à avoir une clinique à proximité, » m’a expliqué Sarah Cardinal, directrice de la santé pour les Services à la famille Carrier Sekani, lorsque je l’ai interviewée dans son bureau surplombant le fleuve Fraser. « Il s’agit de créer des espaces où notre peuple se sent en sécurité, respecté et compris. Un médecin qui ne comprend pas notre histoire ne peut pas pleinement comprendre nos besoins en matière de santé. »
Le plan de la ministre reconnaît cette réalité et promet de doubler le nombre de prestataires de soins autochtones grâce à des parcours éducatifs élargis et des programmes de formation communautaires.
Pour les Canadiens des zones urbaines, les temps d’attente restent le symptôme le plus visible des tensions du système. L’Institut canadien d’information sur la santé a rapporté qu’en 2023, seulement 65 % des patients ont reçu une chirurgie de remplacement de la hanche dans le délai recommandé de six mois—en baisse par rapport aux 71 % avant la pandémie.
La proposition de McIntosh comprend un élément controversé: des critères nationaux standardisés pour les temps d’attente acceptables pour différentes procédures, avec des pénalités financières pour les provinces qui n’atteignent pas régulièrement ces objectifs. Cette approche a déjà suscité des réactions négatives du Québec et de l’Alberta, où les premiers ministres l’ont présentée comme un empiètement fédéral sur la compétence provinciale.
« La constitution est claire sur le fait que la santé est une responsabilité provinciale, » a déclaré le premier ministre Marc Lavoie du Québec en réponse. « Nous accueillons favorablement le financement fédéral, mais pas la microgestion fédérale. »
En parcourant l’unité cardiaque de l’Hôpital général de Toronto au printemps dernier, j’ai observé les prestataires de soins se déplacer avec une efficacité déterminée malgré les défis du système. Elena Mikhailov, infirmière praticienne, a décrit la réalité quotidienne derrière les statistiques.
« Les politiciens parlent des temps d’attente comme s’il ne s’agissait que de chiffres, » a-t-elle dit, en vérifiant le dossier d’un patient entre les consultations. « Mais chaque jour d’attente est un jour de plus de douleur, d’anxiété et parfois de détérioration. Derrière chaque statistique se trouve le parent, l’enfant ou le partenaire de quelqu’un. »
McIntosh semble reconnaître cet élément humain. Son plan comprend un nouveau bureau de défense des patients au sein de Santé Canada, conçu pour mettre en valeur les expériences individuelles et identifier les modèles systémiques qui pourraient autrement passer inaperçus.
La voie à suivre reste incertaine. Les précédents accords fédéraux-provinciaux en matière de santé ont produit des résultats mitigés, et le paysage actuel des tensions provinciales-fédérales complique la mise en œuvre. La Coalition canadienne de la santé a exprimé son inquiétude que le plan n’aborde pas adéquatement la croissance des options de soins de santé privés, qui, selon elle, mine l’accès universel.
« Nous devons renforcer les soins de santé publics, pas créer des échappatoires pour ceux qui peuvent se permettre de payer, » a souligné Jean Tremblay, porte-parole de la Coalition, lorsque je l’ai appelé pour obtenir un commentaire.
Alors que l’hiver s’installe au Canada, apportant sa vague annuelle de maladies respiratoires et d’admissions hospitalières, la résilience de notre système de santé sera à nouveau mise à l’épreuve. Reste à voir si la vision de McIntosh se traduira par des changements significatifs, mais l’urgence est indéniable.
« La santé n’est pas simplement un autre portefeuille, » a déclaré McIntosh en concluant son annonce, sa voix portant à travers la pelouse parlementaire. « C’est la promesse que nous nous faisons les uns aux autres en tant que Canadiens—que lorsque vous êtes malade, effrayé ou vulnérable, vous n’y ferez pas face seul. »
Alors que la foule se dispersait et que les journalistes se dépêchaient de déposer leurs articles, je me suis attardé, regardant le personnel parlementaire débarrasser le podium. La question qui planait dans l’air froid n’était pas de savoir si les objectifs de McIntosh étaient louables, mais si le système de santé complexe et multi-juridictionnel qui a à la fois servi et frustré les Canadiens depuis des générations pourrait se transformer assez rapidement pour répondre aux défis actuels.