Les couloirs de l’École Acadienne de Pomquet bourdonnaient hier alors que des représentants fédéraux et provinciaux se sont rassemblés pour signer ce que de nombreux éducateurs appellent un accord historique. Devant une petite foule d’élèves, d’enseignants et de membres de la communauté, le ministre des Langues officielles Randy Boissonnault et la ministre de l’Éducation de la Nouvelle-Écosse Becky Druhan ont officialisé un engagement de 65,5 millions de dollars pour l’éducation en langue minoritaire et l’enseignement des langues secondes.
Pour Jeanelle d’Entremont, directrice de l’Acadienne, ce moment revêtait une importance particulière. « Notre école sert la communauté acadienne depuis des générations, souvent avec des ressources limitées, » m’a-t-elle confié après la cérémonie. « Cet accord reconnaît que l’éducation linguistique ne concerne pas seulement les salles de classe, mais aussi la survie culturelle. »
L’entente bilatérale s’étend jusqu’en 2028, assurant un financement stable pour les écoles de langue française dans les régions principalement anglophones et les écoles de langue anglaise au Québec. Mais au-delà des chiffres financiers, l’accord représente quelque chose de plus fondamental pour l’identité canadienne.
« Le bilinguisme n’est pas seulement une priorité politique, c’est une partie de qui nous sommes en tant que Canadiens, » a expliqué le ministre Boissonnault lors de sa visite d’une classe d’immersion de 8e année. « Quand les jeunes Néo-Écossais ont la possibilité d’apprendre dans les deux langues officielles, nous construisons des ponts entre les communautés qui dureront toute une vie. »
Ce financement arrive à un moment critique pour l’éducation en langue minoritaire. Selon la dernière enquête linguistique de Statistique Canada, les taux de bilinguisme français-anglais ont plafonné à environ 17,9 % à l’échelle nationale, alors que la demande de travailleurs bilingues a augmenté de près de 26 % au cours de la dernière décennie.
Lisa Savoie-Meyer, présidente de la Fédération nationale des conseils scolaires francophones, considère ce décalage comme la preuve que de tels investissements sont attendus depuis longtemps. « Les écoles francophones hors Québec ont historiquement fonctionné avec moins de ressources tout en étant censées livrer des résultats équivalents, » a-t-elle noté dans une déclaration suivant l’annonce. « Cet accord commence à remédier à ces inégalités systémiques. »
Les 65,5 millions de dollars représentent une augmentation d’environ 17 % par rapport au niveau de financement de l’accord précédent. Environ 60 % soutiendront l’éducation en langue minoritaire, le reste étant consacré aux programmes d’enseignement de la langue seconde.
Sur le terrain, le financement se traduira par des améliorations tangibles dans le paysage éducatif de la Nouvelle-Écosse. Druhan a exposé des plans pour étendre la capacité d’immersion française dans les écoles de la région d’Halifax, où les listes d’attente n’ont cessé de croître depuis 2019. L’accord réserve également des fonds pour le recrutement d’enseignants et le développement professionnel, afin de remédier aux pénuries critiques d’éducateurs qualifiés en langues.
« Nous avons vu des professeurs de français qualifiés quitter la profession en raison de préoccupations liées à la charge de travail, » a expliqué Peter MacKenzie, enseignant chevronné depuis 15 ans à l’école secondaire Citadel à Halifax. « Beaucoup d’entre nous finissent par créer notre propre matériel parce que les ressources standard ne correspondent pas aux besoins de nos élèves. Ce financement pourrait changer cette équation. »
Au-delà des salles de classe, l’accord privilégie l’engagement communautaire par le biais de programmes culturels, d’opportunités d’échange et d’activités parascolaires axées sur la langue. Cette approche holistique reconnaît les recherches montrant que l’acquisition réussie d’une langue dépasse l’instruction formelle.
Dr Karla Culligan, chercheuse en sociolinguistique à l’Université Dalhousie, voit du potentiel dans cette vision plus large. « Le meilleur prédicteur de la rétention linguistique n’est pas le nombre d’heures en classe, mais les opportunités significatives d’utiliser la langue dans des contextes authentiques, » m’a-t-elle dit. « En soutenant la programmation culturelle parallèlement à l’éducation formelle, cet accord aborde les deux côtés de l’équation de l’acquisition linguistique. »
Tout le monde ne considère pas cet investissement comme suffisant, cependant. Les critiques de l’opposition au niveau provincial se sont demandé si l’augmentation du financement répond adéquatement aux pressions inflationnistes auxquelles font face les conseils scolaires. Les défenseurs communautaires notent également que la revitalisation des langues autochtones reçoit un soutien comparativement modeste malgré les menaces documentées pour la survie linguistique.
« Le bilinguisme officiel est profondément important, mais il en va de même pour les dizaines de langues autochtones qui précèdent la Confédération, » a noté Sarah Julian, éducatrice de langue mi’kmaq. « Nous avons besoin d’engagements équivalents pour ces langues vivantes qui risquent l’extinction d’ici une génération. »
Pour les élèves qui ont assisté à la cérémonie de signature d’hier, ces débats politiques semblaient lointains par rapport aux opportunités immédiates. Mathieu Comeau, 16 ans, qui est président du conseil étudiant à l’École Acadienne, a exprimé un optimisme prudent quant à ce que l’accord pourrait signifier pour ses jeunes frères et sœurs.
« Mes grands-parents n’étaient pas autorisés à être éduqués en français—ils étaient punis pour avoir parlé leur langue maternelle à l’école, » a-t-il déclaré. « Maintenant, je suis président du conseil étudiant dans une école française, et ma petite sœur pourrait avoir encore de meilleures opportunités grâce à cet accord. C’est du progrès, même s’il reste encore du travail à faire. »
L’accord bilatéral reflète les priorités fédérales plus larges décrites dans le Plan d’action pour les langues officielles 2023-2028, qui engage 1,4 milliard de dollars pour soutenir la dualité linguistique à travers le Canada. Des accords similaires sont en cours de négociation avec d’autres provinces et territoires, créant un cadre national pour le soutien à l’éducation linguistique.
Alors que les élèves retournaient en classe après la cérémonie, la directrice d’Entremont a réfléchi à ce à quoi pourrait ressembler le succès dans cinq ans, lorsque cet accord prendra fin. « J’espère que nous verrons non seulement de meilleurs résultats aux tests ou plus de diplômés, » a-t-elle dit, « mais des communautés plus fortes où la langue n’est pas seulement étudiée mais vécue—où être bilingue fait partie de la vie quotidienne plutôt que d’être une réussite éducative. »
Pour une nation fondée sur le principe de deux langues officielles mais qui travaille encore à réaliser cette promesse, la signature d’hier représente à la fois une reconnaissance des lacunes historiques et un engagement envers un avenir plus inclusif—une conversation de classe à la fois.