Les actes d’accusation sont tombés discrètement la semaine dernière, mais leurs implications s’étendent sur des milliers de kilomètres de la frontière canado-américaine. Quatre personnes font maintenant face à de graves accusations de trafic d’êtres humains dans ce que les procureurs décrivent comme une opération sophistiquée déplaçant des migrants par des passages frontaliers isolés entre le Québec et l’État de New York.
J’ai passé les trois derniers jours à examiner des documents judiciaires et à m’entretenir avec des sources des deux côtés de la frontière. Ce qui en ressort est un portrait troublant d’exploitation au milieu de traversées frontalières de plus en plus désespérées.
« Ces réseaux exploitent la vulnérabilité, » explique Danielle Champagne, avocate en immigration au Collectif juridique de Montréal. « Les personnes cherchant à entrer fuient souvent un danger réel, et ces opérations facturent des milliers de dollars sans égard pour leur sécurité. »
Selon l’acte d’accusation déposé dans le district nord de New York, les accusés auraient coordonné le transport d’au moins 17 migrants sans papiers entre décembre 2022 et mars 2023. Les migrants auraient payé entre 2 500 $ et 5 000 $ par personne pour traverser la frontière par des zones forestières près de Champlain, New York.
Les documents judiciaires détaillent comment l’opération impliquait des chauffeurs des deux côtés de la frontière, des applications de messagerie sécurisée et des paiements en espèces via des intermédiaires. Ce qui est particulièrement préoccupant, c’est le moment des traversées – souvent pendant les conditions hivernales rigoureuses lorsque les températures dans la région descendent régulièrement sous les -20°C.
« Les tentatives de passages frontaliers sont devenues de plus en plus dangereuses, » affirme Pierre Fortin, ancien superviseur de l’Agence des services frontaliers du Canada qui conseille maintenant sur la sécurité frontalière. « Nous avons constaté une augmentation significative des traversées par des zones isolées où les conditions météorologiques peuvent rapidement devenir mortelles. »
En examinant les données de l’ASFC et du Service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis, une tendance claire se dégage. Les passages irréguliers entre les points d’entrée officiels ont augmenté d’environ 32 % au cours des deux dernières années, avec des pics prononcés pendant certaines crises migratoires mondiales.
Les quatre accusés – dont je ne révèle pas les noms car ils n’ont pas encore plaidé – font face à des accusations en vertu de l’article 8 U.S.C. § 1324, qui interdit le transport ou l’hébergement de migrants sans papiers. S’ils sont reconnus coupables, ils pourraient être condamnés jusqu’à 10 ans de prison fédérale pour chaque personne transportée illégalement.
Ce qui rend cette affaire particulièrement remarquable est l’implication de citoyens canadiens et américains, suggérant un réseau transfrontalier coordonné plutôt que des tentatives de contrebande isolées.
« Ces opérations nécessitent une coordination importante, » explique Dr. Mireille Paquet