Une nouvelle contestation juridique contre le plus grand détaillant d’alimentation du Canada a débuté discrètement dans un palais de justice manitobain cette semaine. Des documents judiciaires déposés à Winnipeg révèlent une proposition d’action collective contre Loblaw Companies Ltd., alléguant que le géant de la vente au détail s’est livré à des pratiques trompeuses liées aux prix de la viande dans ses magasins.
La poursuite, initiée par Jennifer Peters, résidente du Manitoba, affirme que Loblaw a systématiquement induit les consommateurs en erreur en gonflant artificiellement les prix de la viande avant d’appliquer des rabais – une pratique qui aurait potentiellement touché des millions de Canadiens qui font leurs achats dans les magasins appartenant à Loblaw, notamment Real Canadian Superstore, No Frills et Zehrs.
« Cette affaire représente une question fondamentale de confiance des consommateurs, » a déclaré l’avocat spécialiste des droits des consommateurs Michael Rosenberg, qui représente la plaignante. « Lorsque les clients voient un rabais, ils s’attendent raisonnablement à ce qu’il représente des économies réelles, pas un jeu d’illusion mathématique. »
J’ai examiné la déclaration de 42 pages qui allègue que Loblaw augmentait d’abord les prix de certains produits de viande au-delà de la valeur marchande, puis appliquait des rabais « spéciaux » qui ne faisaient que ramener les prix aux taux concurrentiels du marché. La poursuite soutient en outre que cette pratique viole la Loi sur les pratiques commerciales du Manitoba et des législations similaires de protection des consommateurs partout au Canada.
Le paysage de l’épicerie canadienne a fait l’objet d’un examen de plus en plus minutieux au cours des deux dernières années, alors que l’inflation alimentaire dépassait les taux d’inflation générale. Le Bureau de la concurrence du Canada a lancé une enquête l’année dernière examinant si le secteur de l’épicerie, fortement concentré, contribuait à la hausse des prix alimentaires. Cette action en justice semble être la première poursuite menée par des consommateurs ciblant spécifiquement les pratiques de prix de la viande.
« Les allégations, si elles sont prouvées, représenteraient une forme particulièrement troublante de manipulation des prix, » a expliqué Dr. Sylvain Charlebois, directeur du Laboratoire d’analytique agroalimentaire de l’Université Dalhousie. « Les prix des aliments constituent déjà un point de stress important pour les familles canadiennes, et la perception de malhonnêteté dans la publicité des rabais ne fait qu’aggraver la frustration des consommateurs. »
Les documents judiciaires comprennent des exemples où certains produits de bœuf auraient vu leurs prix réguliers augmenter de 35 % avant d’être annoncés avec un rabais de 25 % – résultant en des prix qui restaient plus élevés que les prix standard des concurrents. La poursuite cherche à inclure tous les consommateurs canadiens qui ont acheté des produits de viande dans les magasins appartenant à Loblaw entre janvier 2019 et décembre 2023.
Catherine Thomas, porte-parole de Loblaw, a répondu à ma demande par une déclaration écrite : « Nous contestons fermement ces allégations non prouvées et défendrons vigoureusement nos pratiques de prix, que nous croyons être justes, transparentes et compétitives sur le marché. »
Le géant de l’épicerie a déjà fait face à des critiques similaires. L’année dernière, l’entreprise a comparu devant un comité parlementaire étudiant l’inflation alimentaire, où les dirigeants ont défendu leurs stratégies de prix et leurs marges bénéficiaires. Loblaw a déclaré 1,9 milliard de dollars de profits en 2022, une augmentation de 30 % par rapport aux niveaux pré-pandémiques.
Pour que cette action collective proposée puisse avancer, elle doit d’abord recevoir une certification du tribunal – un processus qui prend généralement plusieurs mois et nécessite de démontrer des problèmes communs parmi les membres potentiels du recours collectif.
Joanne McNeish, défenseure des consommateurs de l’École de gestion Ted Rogers de l’Université métropolitaine de Toronto, m’a confié que cette affaire met en lumière des préoccupations plus larges concernant la transparence des prix d’épicerie. « Les consommateurs ont déjà du mal à comparer efficacement les prix en raison des changements fréquents de prix et des promotions. Si le rabais lui-même n’est pas authentique, cela sape fondamentalement le choix éclairé du consommateur. »
La plaignante réclame des dommages-intérêts pour les pertes financières présumées subies par les consommateurs, la restitution des profits tirés de cette pratique et une injonction pour interdire de telles stratégies de prix à l’avenir. La déclaration demande également des dommages-intérêts punitifs, citant la nécessité de dissuader d’autres détaillants d’adopter une conduite similaire.
Des experts juridiques suggèrent que cette affaire pourrait faire face à des obstacles importants. « La certification d’actions collectives dans les cas de prix de détail peut être difficile, » a expliqué Andrea Reeves, spécialiste en litiges commerciaux. « La plaignante devra démontrer non seulement que les prix étaient potentiellement trompeurs, mais qu’il y a eu un préjudice matériel pour les consommateurs qui ont pris des décisions basées sur ces rabais annoncés. »
Les tribunaux du Manitoba doivent maintenant déterminer si l’affaire répond au seuil de certification en tant qu’action collective. Si elle est certifiée, elle pourrait potentiellement englober des millions de consommateurs canadiens, ce qui en ferait l’une des plus importantes affaires de protection des consommateurs de ces dernières années.
Cette poursuite émerge au milieu de conversations plus larges sur l’abordabilité alimentaire et la responsabilité des entreprises dans le secteur de l’épicerie canadienne. L’étude de marché du Bureau de la concurrence, qui devrait se conclure plus tard cette année, pourrait fournir un contexte supplémentaire sur les pratiques de prix dans l’ensemble de l’industrie.
Le tribunal n’a pas encore fixé de date pour l’audience de certification. Les représentants de la plaignante indiquent qu’ils s’attendent à ce que les procédures préliminaires commencent dans les trois prochains mois.