En examinant les documents juridiques dans l’affaire de Rajvir Singh Kauldhar, un détail saute immédiatement aux yeux : ce n’est pas sa première infraction. Loin de là.
Ce chauffeur de camion de 51 ans originaire de Surrey, en Colombie-Britannique, risque l’expulsion vers l’Inde après avoir accumulé un nombre stupéfiant de condamnations pour conduite avec facultés affaiblies sur trois décennies. Sa dernière condamnation, pour conduite avec un taux d’alcoolémie supérieur à 0,08, a déclenché une procédure d’immigration qui pourrait mettre fin à ses 20 ans de résidence au Canada.
« Cela représente l’un des schémas de récidive de conduite avec facultés affaiblies les plus flagrants que nous ayons vus en Colombie-Britannique, » affirme Kyla Lee, avocate de la défense à Vancouver spécialisée dans les cas de conduite avec facultés affaiblies. « Quand quelqu’un démontre un tel mépris pour la sécurité publique sur une période aussi longue, les conséquences en matière d’immigration deviennent de plus en plus probables. »
Les dossiers judiciaires montrent que la première condamnation de Kauldhar remonte à 1992 à Quesnel, C.-B. Depuis, il a accumulé au moins cinq autres condamnations pour conduite avec facultés affaiblies dans plusieurs juridictions. Ses infractions ont continué même après être devenu résident permanent en 2003.
Ce qui rend cette affaire particulièrement notable est la façon dont elle illustre l’intersection entre le droit pénal et les conséquences en matière d’immigration. Selon la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés du Canada, les résidents permanents peuvent faire face à l’expulsion pour « grande criminalité » – définie comme des crimes passibles de peines de 10 ans ou plus, ou lorsque la peine réelle imposée dépasse six mois.
Des modifications récentes au Code criminel ont augmenté les peines pour conduite avec facultés affaiblies, faisant de l’expulsion une conséquence plus courante pour les non-citoyens reconnus coupables de ces infractions.
« Beaucoup de résidents permanents ne réalisent pas que même des infractions courantes comme la conduite avec facultés affaiblies peuvent déclencher des procédures d’expulsion, » explique Marina Sedai, avocate en immigration à l’Association du Barreau canadien. « Le seuil de ce qui constitue une grande criminalité selon le droit de l’immigration est souvent beaucoup plus bas que ce que les gens imaginent. »
J’ai examiné les dossiers judiciaires de Kauldhar concernant sa condamnation la plus récente. Malgré son long historique, il a reçu une interdiction de conduire d’un an et une amende de 1 000 $ – relativement clément compte tenu de son dossier. Cependant, cette clémence du tribunal pénal ne le protège pas des conséquences en matière d’immigration.
L’Agence des services frontaliers du Canada a émis un ordre d’expulsion suite à cette condamnation, initiant ce qui pourrait être une longue bataille juridique. Kauldhar a fait appel auprès de la Section d’appel de l’immigration, soutenant que l’expulsion causerait des difficultés extrêmes pour sa famille au Canada.
Son cas soulève une question cruciale : à quel moment la sécurité publique l’emporte-t-elle sur les liens établis d’un individu avec le Canada?
« Le système d’immigration pèse plusieurs facteurs dans ces cas, » affirme Lobat Sadrehashemi, présidente de l’Association canadienne des avocats en droit des réfugiés. « Les liens familiaux, la durée du séjour au Canada et les difficultés potentielles au retour entrent tous en ligne de compte. Mais ces éléments doivent être équilibrés avec le risque pour la sécurité publique, particulièrement aigu avec les récidivistes de conduite avec facultés affaiblies. »
L’équipe de défense de Kauldhar soutient que sa longue résidence au Canada, ses liens familiaux et ses antécédents professionnels devraient lui permettre de rester. Ils ont présenté des preuves qu’il soutient financièrement sa femme et ses enfants et que l’expulsion causerait des difficultés extrêmes.
L’affaire soulève également des questions sur la réhabilitation. Les documents judiciaires indiquent que Kauldhar a complété plusieurs programmes pour conducteurs aux facultés affaiblies au fil des ans, mais a continué à récidiver. Ce schéma remet en question l’efficacité des approches actuelles de réhabilitation pour les délinquants chroniques.
« Quand nous voyons quelqu’un continuer à conduire avec facultés affaiblies malgré plusieurs interventions, nous devons nous demander si notre système aborde adéquatement les problèmes sous-jacents, » déclare Dr. Robert Mann, chercheur principal au Centre de toxicomanie et de santé mentale.
L’opinion publique reste divisée sur des cas comme celui de Kauldhar. Un récent sondage Angus Reid a révélé que 67% des Canadiens soutiennent l’expulsion des résidents permanents condamnés pour crimes graves, tandis que 22% croient que les résidents de longue date devraient être traités comme des citoyens concernant l’expulsion potentielle.
Quel que soit le résultat, cette affaire illustre comment le système judiciaire canadien équilibre ses doubles responsabilités : intégrer les nouveaux arrivants tout en protégeant la sécurité publique. La décision de la Section d’appel de l’immigration, attendue plus tard cette année, fournira un autre point de référence dans cette conversation nationale continue.