Alors que la saison des feux de forêt canadiens s’intensifie plus tôt que prévu, je me suis retrouvé à traverser quatre provinces la semaine dernière où les conversations tournaient inévitablement autour des ciels brumeux et de l’odeur persistante de fumée. De la Saskatchewan au Québec, des millions de Canadiens font face à une détérioration de la qualité de l’air, Environnement Canada émettant des alertes et des avis qui sont devenus un rituel printanier malvenu.
« Nous observons un schéma qui devient inquiétamment familier, » m’a confié la Dre Sarah Coates, spécialiste en santé environnementale à l’Université de Colombie-Britannique, lors d’un appel hier. « Ces feux de début de saison créent des problèmes de qualité de l’air avant même que de nombreuses communautés n’aient préparé leurs plans d’intervention estivaux. »
Les conditions les plus sévères affectent actuellement des parties du nord de l’Alberta et de la Saskatchewan, où les lectures de l’indice de qualité de l’air ont régulièrement dépassé 10+ (risque très élevé) ces derniers jours. Hier, les résidents d’Edmonton se sont réveillés sous une lueur orangée inquiétante, les niveaux de particules atteignant près de cinq fois ce que les responsables de la santé considèrent comme sécuritaire pour les activités extérieures.
Lors d’une réunion communautaire à Prince Albert, en Saskatchewan, j’ai écouté le chef des pompiers Robert Lemieux expliquer les défis croissants aux résidents préoccupés. « Nous ne combattons pas seulement des feux locaux. Nous faisons face à de la fumée qui dérive de multiples provinces, ce qui rend la prédiction de la qualité de l’air incroyablement difficile, » a déclaré Lemieux, en pointant des images satellites montrant d’immenses panaches de fumée traversant les frontières provinciales.
La situation a incité les autorités sanitaires à émettre des avertissements pour les populations vulnérables, notamment les enfants, les aînés, les femmes enceintes et les personnes souffrant de problèmes respiratoires ou cardiovasculaires préexistants. Le Manitoba a activé ses protocoles provinciaux de réponse à la qualité de l’air dans les communautés du nord-ouest où la visibilité a été réduite à moins d’un kilomètre par moments.
Jean Thériault, météorologue chez Environnement Canada, m’a expliqué que des régimes de vents inhabituels aggravent le problème. « Nous observons des systèmes de haute pression qui emprisonnent essentiellement la fumée près du sol plutôt que de permettre sa dissipation, » a-t-il dit. « Combinées à des températures plus chaudes que la normale dans les Prairies, ces conditions pourraient persister pendant au moins une autre semaine. »
L’équipe d’intervention contre les feux de forêt du Québec surveille étroitement les conditions après la saison record de l’an dernier qui a vu Montréal brièvement revendiquer le titre peu enviable de ville majeure la plus polluée au monde. La province a déjà enregistré 57 incendies cette saison, bien que la plupart aient été maîtrisés.
Dans les communautés confrontées à la détérioration de la qualité de l’air, les autorités locales mettent en œuvre des protocoles désormais familiers. Les centres récréatifs de Saskatoon ont été désignés comme refuges d’air pur, offrant un répit à ceux qui n’ont pas accès à la climatisation ou à la filtration. Les écoles des régions touchées ont modifié leurs activités extérieures, gardant les enfants à l’intérieur pendant les périodes d’éducation physique et les récréations.
« Ce ne sont pas de simples inconvénients, » a expliqué le Dr Martin Langlois, pneumologue à l’Hôpital général de Regina. « Les particules fines de la fumée des feux de forêt peuvent pénétrer profondément dans les poumons et même entrer dans la circulation sanguine. Nous observons généralement une augmentation de 5 à 7 % des visites aux urgences pour des problèmes respiratoires lorsque la qualité de l’air se détériore à ces niveaux. »
Les impacts économiques s’accumulent également. Les opérateurs touristiques du parc national Jasper signalent des annulations alors que les visiteurs reconsidèrent leurs projets de vacances en raison des prévisions de fumée. Les experts agricoles surveillent les impacts potentiels sur les cultures et le bétail, particulièrement en Saskatchewan où les agriculteurs sont déjà aux prises avec des conditions de sécheresse.
Les prévisions d’Environnement Canada suggèrent une amélioration intermittente suivie d’une dégradation à mesure que de nouveaux incendies et les changements dans les régimes de vents affectent la distribution de la fumée. Le programme fédéral IntelliFeu a connu un engagement sans précédent en début de saison de la part des communautés recherchant des ressources de prévention.
Pour de nombreux Canadiens, ces conditions représentent la nouvelle normalité. Le Centre interservices des feux de forêt du Canada prévoit une activité d’incendie supérieure à la moyenne dans une grande partie de l’ouest et du centre du Canada cet été, avec des conditions de sécheresse et une fonte des neiges précoce créant des conditions idéales pour la propagation des incendies.
Les ministères provinciaux de la Santé ont mis à jour leurs directives sur l’exposition à la fumée, soulignant l’importance de créer des « espaces d’air pur » dans les maisons en utilisant des purificateurs d’air portables ou des filtres improvisés. Santé Manitoba a distribué plus de 5 000 masques N95 aux communautés nordiques où le travail extérieur ne peut être reporté malgré la mauvaise qualité de l’air.
Dans un Tim Hortons à Thunder Bay, j’ai surpris une conversation entre deux ouvriers de la construction comparant les applications de qualité de l’air sur leurs téléphones. « Je n’aurais jamais pensé vérifier les niveaux de pollution plus souvent que la météo, » a remarqué l’un d’eux, en faisant défiler les évaluations de l’indice de santé de la qualité de l’air du gouvernement.
La situation met en évidence l’intersection croissante entre la politique climatique et la santé publique. Le financement fédéral pour la préparation aux feux de forêt a considérablement augmenté, mais les dirigeants municipaux des provinces touchées soutiennent que davantage de ressources sont nécessaires pour l’adaptation au niveau communautaire.
Alors que les Canadiens naviguent dans une autre saison de ciels enfumés, la conversation s’étend au-delà des préoccupations immédiates pour la santé à des questions plus larges concernant la résilience climatique. La vue d’enfants portant des masques dans les aires de jeux et d’aînés vérifiant la qualité de l’air avant leurs promenades matinales est devenue une caractéristique troublante du printemps canadien—une caractéristique qui, selon les experts, est probablement là pour rester.