Au cœur des couloirs de marbre de la colline du Parlement hier soir, un drame politique s’est déroulé qui pourrait redessiner la trajectoire de notre gouvernement pour les mois à venir. L’amendement de l’opposition conservatrice au discours du trône libéral a été adopté avec une marge des plus minces – seulement quatre votes – créant ce que certains observateurs appellent une « minorité fonctionnelle » malgré le statut de majorité technique des libéraux.
J’étais parmi la foule de collaborateurs et de journalistes lorsque le décompte final est apparu sur le tableau électronique de la Chambre : 171-167. L’amendement déclare effectivement que la Chambre a perdu confiance en la capacité du gouvernement à résoudre les problèmes d’abordabilité du logement et d’inflation sans un allègement fiscal significatif.
« Cela représente la volonté des Canadiens d’un océan à l’autre qui luttent pour subvenir à leurs besoins essentiels, » a déclaré le chef conservateur Pierre Poilievre aux journalistes quelques instants après le vote. « Le premier ministre ne peut plus ignorer la réalité à laquelle font face les familles ordinaires à l’épicerie et lorsqu’elles ouvrent leurs relevés hypothécaires. »
Cette victoire surprise est survenue après que cinq députés d’arrière-ban libéraux aient rompu les rangs avec leur parti pour soutenir la motion conservatrice. Trois d’entre eux – des députés représentant des circonscriptions suburbaines en Colombie-Britannique et en Ontario – avaient précédemment exprimé leurs préoccupations concernant l’approche de leur gouvernement en matière de politique du logement lors de la retraite du caucus le mois dernier à Winnipeg.
La ministre des Finances Chrystia Freeland a rapidement minimisé l’importance du vote. « Il s’agit de manœuvres procédurales, pas d’une question de confiance formelle, » a-t-elle insisté en courant d’une réunion à l’autre. « Les Canadiens nous ont élus pour gouverner, et nous continuerons à mettre en œuvre notre programme pour renforcer la classe moyenne. »
Les experts constitutionnels restent divisés sur les implications. Emmett Macfarlane, professeur de science politique à l’Université de Waterloo, suggère que le vote crée une situation précaire. « Bien que techniquement non contraignant, il signale que le gouvernement pourrait avoir du mal à faire adopter son programme législatif sans faire de concessions significatives aux demandes de l’opposition, » m’a-t-il confié lors d’un entretien téléphonique ce matin.
L’amendement critique spécifiquement le gouvernement pour « ne pas avoir fourni un allègement fiscal immédiat aux acheteurs de maisons » et « continuer à imposer une tarification du carbone qui augmente les coûts des biens essentiels. » Il a été adopté grâce à des alliances stratégiques entre les conservateurs et le Bloc québécois sur les questions économiques, malgré leurs profondes différences sur d’autres sujets.
À huis clos, les stratèges libéraux pèsent leurs options. Selon deux hauts fonctionnaires qui se sont exprimés sous couvert d’anonymat, le bureau du Premier ministre envisage à la fois un remaniement ministériel et des pivots politiques pour répondre aux préoccupations en matière de logement qui semblent avoir motivé les défecteurs libéraux.
« Personne ne veut d’élections maintenant, mais ce gouvernement doit reconnaître que le message envoyé par les électeurs lors des dernières élections n’était pas une approbation du statu quo, » a déclaré le chef du NPD Jagmeet Singh, dont le parti a soutenu l’amendement malgré son précédent arrangement de confiance avec les libéraux pendant le dernier Parlement.
La répartition des votes révèle les lignes de faille géographiques de la politique canadienne. Les députés libéraux représentant les centres urbains sont largement restés fidèles à la position du gouvernement, tandis que ceux des communautés suburbaines – où l’abordabilité du logement a atteint des niveaux de crise – se sont montrés plus disposés à rompre les rangs.
Le plus récent sondage d’Abacus Data montre que l’abordabilité du logement reste la principale préoccupation pour 68% des Canadiens, l’inflation suivant de près à 61%. Ces chiffres sont constants depuis près de deux ans, démontrant la persistance de l’anxiété économique malgré les chiffres relativement solides de l’emploi au Canada.
Dans les Tim Hortons d’Ottawa ce matin, les conversations tournaient autour de ce que le vote signifie pour les Canadiens ordinaires. « Je ne comprends pas toutes les procédures parlementaires, mais je sais que mes enfants adultes ne peuvent pas se permettre d’acheter des maisons dans le quartier où ils ont grandi, » m’a confié Marlene Tupper, une enseignante retraitée avec qui j’ai parlé à Kanata. « Si ce vote signifie que quelqu’un prête enfin attention à cela, alors tant mieux. »
Le calendrier parlementaire entre maintenant dans une période d’incertitude. Le gouvernement doit décider s’il considère l’amendement comme simplement symbolique ou s’il doit remodeler ses priorités législatives pour refléter les préoccupations exprimées par la Chambre. La législation de mise en œuvre du budget prévue pour débat la semaine prochaine pourrait devenir le prochain champ de bataille.
Pour les jeunes Canadiens en particulier, l’accent mis sur le logement résonne profondément. Les données du recensement montrent que les taux d’accession à la propriété chez les Canadiens âgés de 25 à 35 ans sont tombés à 36,5%, contre 54% pour le même groupe d’âge en 2005.
En parcourant les couloirs parlementaires après le vote, j’ai remarqué à quel point le bâtiment s’est vidé rapidement par rapport aux séances nocturnes précédentes. C’était peut-être la soirée pluvieuse de juin, ou peut-être cela reflétait-il une compréhension collective que la politique canadienne venait d’entrer dans des eaux inexplorées – des eaux qui pourraient éventuellement nous ramener aux urnes plus tôt que prévu.
La question est maintenant de savoir si cela représente un faux pas momentané pour le gouvernement ou le début d’une nouvelle phase d’instabilité parlementaire. Quoi qu’il en soit, les Canadiens préoccupés par leur avenir économique surveilleront de près si cette manœuvre parlementaire se traduit par des changements politiques significatifs dans les mois à venir.