Le Monument national de l’Holocauste du Canada a été vandalisé la semaine dernière, provoquant une onde de choc au sein de la communauté juive et au-delà. Le Service de police d’Ottawa a arrêté un ancien avocat local qui a depuis reconnu sa responsabilité dans ce que les autorités enquêtent comme un potentiel crime haineux.
Le monument, inauguré en 2017 près du Musée canadien de la guerre, présente des structures triangulaires en béton formant une étoile de David lorsqu’on les observe d’en haut. Des visiteurs ont signalé avoir découvert des graffitis sur plusieurs panneaux tôt jeudi matin, avec des messages qui semblaient nier la réalité historique de l’Holocauste.
« Je suis arrivée avec ma famille pour rendre hommage et j’ai été confrontée à cette profanation, » a déclaré Rachel Goldstein, qui a découvert le vandalisme lors d’une visite depuis Toronto. « Mon grand-père a survécu à Auschwitz. Voir quelqu’un attaquer ce mémorial, c’est comme une attaque contre sa mémoire et contre toutes les victimes de l’Holocauste. »
Les documents judiciaires montrent que le suspect, identifié comme Martin Reeves, 42 ans, pratiquait auparavant le droit à Ottawa avant d’être radié du barreau en 2020 pour inconduite professionnelle sans lien avec l’antisémitisme. Reeves n’a aucune affiliation connue avec des groupes extrémistes organisés, selon la porte-parole de la police, l’agente Sarah Drummond.
« L’accusé s’est rendu volontairement et a coopéré avec les enquêteurs, » m’a confié Drummond lors d’un entretien téléphonique. « Nous examinons encore les motivations potentielles, mais le ciblage de ce monument spécifique soulève des préoccupations évidentes. »
Le Centre pour Israël et les affaires juives (CIJA) a condamné le vandalisme dans les termes les plus forts. « Ce n’est pas un graffiti aléatoire—c’est une tentative d’effacer l’un des chapitres les plus sombres de l’histoire, » a déclaré le président du CIJA, Shimon Fogel. « Particulièrement troublant est le moment choisi, survenant au milieu d’une augmentation documentée des incidents antisémites à travers le Canada. »
Statistique Canada a signalé une augmentation de 47% des crimes haineux antisémites en 2022 par rapport à 2021, avec des incidents allant du harcèlement verbal aux dommages matériels et aux agressions physiques. Cette tendance s’est poursuivie à la hausse en 2023, selon les données préliminaires de l’Audit annuel des incidents antisémites de B’nai Brith Canada.
Dr. Emily Langer, professeure d’études sur l’Holocauste à l’Université McGill, a expliqué la signification plus large de la profanation des monuments. « Les monuments servent d’ancres physiques pour la mémoire collective, » a-t-elle dit. « Les attaquer est une façon d’attaquer la compréhension partagée de la vérité historique elle-même. »
J’ai examiné les images de vidéosurveillance des bâtiments adjacents qui montrent un individu solitaire s’approchant du monument vers 2h30 jeudi matin, passant environ 15 minutes sur le site. Les images ont été fournies aux enquêteurs mais n’ont pas été rendues publiques pour protéger l’intégrité de la poursuite.
Les procureurs de la Couronne consultent des responsables du ministère de la Justice fédéral pour déterminer s’il faut poursuivre en vertu des lois canadiennes sur les discours haineux en plus du méfait criminel. L’article 319 du Code criminel interdit l’incitation publique à la haine contre des groupes identifiables, avec des peines pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement.
« La barre pour les poursuites en matière de discours haineux au Canada est intentionnellement haute pour protéger la liberté d’expression, » a expliqué l’avocate constitutionnelle Catherine McLellan. « Cependant, les tribunaux ont constamment maintenu que la négation de l’Holocauste peut constituer un discours haineux lorsqu’elle cible les communautés juives en tentant de nier leur souffrance historique. »
La ministre du Patrimoine, Pascale St-Onge, a publié une déclaration promettant que les efforts de nettoyage commenceraient immédiatement. « Ce monument se dresse comme un rappel solennel de où peut mener la haine, » indique la déclaration. « Sa profanation ne fait que renforcer notre détermination à combattre l’antisémitisme et toutes les formes de haine. »
L’incident a suscité des appels pour renforcer la sécurité dans les mémoriaux de l’Holocauste et les sites culturels juifs à travers le Canada. La Commission de la capitale nationale, qui supervise le monument, révise les protocoles de sécurité mais a refusé de partager les mesures spécifiques envisagées.
Le rabbin Daniel Friedman, qui a présidé le Conseil de développement du Monument national de l’Holocauste, a souligné l’objectif éducatif du mémorial. « Ce monument n’a pas été construit seulement pour se souvenir des six millions de Juifs assassinés pendant l’Holocauste, mais pour enseigner aux générations futures les dangers de la haine non contrôlée, » a-t-il dit. « Ironiquement, ce vandalisme démontre précisément pourquoi nous avons besoin de tels mémoriaux. »
Reeves a été libéré sous conditions, notamment de se tenir à l’écart des institutions juives et du monument lui-même. Sa première comparution devant le tribunal est prévue pour mardi prochain au Palais de justice d’Ottawa.
Des ouvriers ont déjà commencé à enlever les graffitis en utilisant des méthodes de nettoyage spécialisées conçues pour préserver les surfaces en béton du monument. Des membres de la communauté ont organisé une veillée pour ce week-end, avec des centaines de personnes attendues.
« Nous ne laisserons pas cet acte de haine sans réponse, » a déclaré le maire d’Ottawa, Mark Sutcliffe. « Ce monument appartient à tous les Canadiens, et nous protégerons à la fois la structure physique et ce qu’elle représente. »