Le brouillard qui enveloppait la BFC Trenton s’est levé juste au moment où le cortège du Premier ministre Mark Carney entrait dans la vaste base militaire ce matin. C’était un décor approprié pour ce que de nombreux analystes de la défense considèrent comme l’engagement militaire le plus substantiel d’Ottawa depuis près d’une décennie.
Debout devant un avion de transport CC-130J Hercules récemment remis à neuf, flanqué de la ministre de la Défense Anita Anand et de plusieurs hauts responsables militaires, Carney a dévoilé un plan de défense de 4,8 milliards de dollars visant à moderniser les infrastructures et l’équipement militaires vieillissants du Canada.
« Les défis sécuritaires auxquels font face les Canadiens ne s’arrêtent pas pour des raisons de convenance politique, » a déclaré Carney à la foule de militaires et de journalistes. « L’annonce d’aujourd’hui reflète la compréhension de notre gouvernement que la paix exige de la préparation. »
Le plan d’investissement comprend 2,3 milliards de dollars pour la modernisation des aéronefs, 1,5 milliard pour les capacités navales, et près d’un milliard pour l’infrastructure de cyberdéfense – un engagement sans précédent à cette échelle.
Le colonel James Reeves, commandant de la base de la BFC Trenton, a accueilli l’annonce avec un optimisme prudent. « Nous avons déjà entendu des promesses auparavant, » m’a-t-il confié après la fin des présentations officielles. « Mais les allocations spécifiques présentées aujourd’hui répondent aux lacunes opérationnelles critiques que nos militaires signalent depuis des années. »
Le moment choisi pour cette annonce a soulevé des questions parmi les observateurs politiques. Des sondages récents d’Abacus Data montrent que le gouvernement de Carney fait face à une baisse des taux d’approbation dans des circonscriptions clés, particulièrement sur les questions de sécurité nationale et de position internationale.
« Il ne s’agit pas de sondages, » a insisté Melissa Chen, porte-parole du Cabinet du Premier ministre, lorsqu’interrogée sur le timing. « Il s’agit de respecter les engagements pris pendant la transition et de combler les lacunes de capacité identifiées depuis longtemps par notre leadership militaire. »
Pourtant, le critique conservateur à la défense, James Bezan, a qualifié l’annonce de « trop peu, trop tard » dans une déclaration publiée peu après le discours de Carney. « Après avoir systématiquement sous-financé nos forces armées pendant des années, ce gouvernement s’attend maintenant à des applaudissements pour avoir partiellement résolu les problèmes qu’ils ont contribué à créer, » a écrit Bezan.
Pour les résidents de Quinte West, la communauté entourant la BFC Trenton, l’annonce a des implications économiques au-delà de la sécurité nationale. Sarah Jameson, propriétaire d’un café qui sert de nombreux membres de la base, a exprimé un enthousiasme mesuré.
« Tout ce qui renforce la base renforce notre communauté, » m’a confié Jameson autour d’un café dans son établissement juste à l’extérieur du périmètre de la base. « Mais les gens d’ici ont appris à attendre pour voir si les annonces se traduisent par des dollars réellement dépensés. »
Les familles militaires présentes semblaient partager cette perspective. La capitaine Michelle Lapointe, dont le conjoint sert également, s’est exprimée en tenant la main de sa fille de quatre ans. « Les augmentations des allocations de logement représentent le soulagement le plus immédiat pour des familles comme la nôtre, » a-t-elle déclaré, faisant référence à une petite partie du plan visant à résoudre la crise d’abordabilité affectant les familles militaires.
L’annonce survient quelques semaines après un rapport accablant du Vérificateur général qui a souligné d’importantes préoccupations concernant l’état de préparation de plusieurs branches des Forces armées canadiennes. Le rapport a notamment indiqué que seulement 60% de la flotte d’avions tactiques du Canada était opérationnelle à tout moment – bien en dessous des normes de préparation de l’OTAN.
Margaret Wilson, analyste de la défense à l’Institut canadien des affaires mondiales, a qualifié l’investissement de « nécessaire mais insuffisant » lors d’une entrevue téléphonique après l’annonce. « Ce plan répond aux préoccupations immédiates concernant l’équipement, mais ne résout pas complètement la crise de rétention du personnel qui se développe depuis des années, » a expliqué Wilson.
La visite de Carney comprenait un briefing à huis clos avec la haute direction militaire et une visite des installations de transport aérien stratégique de la base. Des sources familières avec les discussions ont indiqué que les préoccupations relatives à la souveraineté arctique ont figuré en bonne place dans ces conversations privées.
Le plan d’investissement comprend notamment 420 millions de dollars pour les infrastructures des opérations nordiques – un signal clair de la préoccupation du gouvernement face à l’activité russe accrue dans l’Arctique. Ce financement soutiendra les améliorations de la Station des Forces canadiennes Alert au Nunavut, l’installation militaire la plus septentrionale du Canada.
« Nous ne protégeons pas seulement nos frontières méridionales, » a souligné Carney lors d’une brève séance médiatique après sa visite. « La souveraineté du Canada s’étend jusqu’au pôle Nord, et notre présence militaire doit refléter cette réalité. »
Pour Trenton même, l’annonce signifie environ 270 nouveaux postes techniques civils pour soutenir les opérations de maintenance élargies de la flotte d’Hercules. Le maire Jim Harrison, qui assistait à l’annonce, l’a qualifiée de « stimulant bienvenu pour l’avenir économique de notre communauté. »
Alors que le cortège de Carney quittait la base sous un ciel qui s’éclaircissait, le véritable test des promesses audacieuses d’aujourd’hui ne faisait que commencer. Le plan de défense nécessite l’approbation parlementaire lorsque la Chambre reviendra de la pause estivale le mois prochain. Avec la configuration actuelle du gouvernement minoritaire, l’adoption est probable mais pas garantie.
Le caporal-chef Devon Williams, qui observait le départ en attendant le début de son quart de travail, a peut-être résumé au mieux la perspective collective de la base: « Ça semble prometteur, mais nous y croirons quand nous verrons les nouveaux équipements arriver. En attendant, nous continuerons à faire notre travail avec ce que nous avons. »
Pour une communauté militaire habituée aux promesses politiques, l’annonce d’aujourd’hui offre de l’espoir – tempéré par le pragmatisme qui vient de l’expérience.