La descente inattendue de la GRC sur le campement de Romana Didulo dans la Saskatchewan rurale marque une escalade importante dans l’approche des autorités envers celle qui s’est autoproclamée « Reine du Canada ». Après des mois de surveillance, les agents sont descendus sur la propriété près de Richmound mardi, arrêtant Didulo et plusieurs de ses adeptes.
J’ai parlé avec l’avocat des libertés civiles Martin Reisman, qui a décrit l’opération comme « l’aboutissement d’une préoccupation croissante concernant des menaces concrètes plutôt que simplement des croyances excentriques ». Selon les documents judiciaires que j’ai examinés, les accusations portent sur la conspiration pour commettre des actes criminels, notamment conseiller le non-paiement des factures de services publics et des impôts.
Didulo s’est constituée une audience estimée à plusieurs milliers de Canadiens depuis 2021, principalement via des canaux Telegram où elle publie des « décrets royaux ». Ses ordres vont de la déclaration que les mesures COVID-19 sont nulles et non avenues à des directives plus inquiétantes sur la détention des travailleurs de la santé et des élus.
« Ce qui a fait basculer cette situation du discours protégé à une activité potentiellement criminelle, c’est la spécificité croissante des cibles et des méthodes », a expliqué Dr. Amarnath Amarasingam, chercheur sur l’extrémisme à l’Université Queen’s qui suit le mouvement de Didulo. « Quand le fantasme commence à se manifester sous forme de planification, les autorités doivent intervenir. »
La descente a permis de récupérer des ordinateurs, des téléphones et des documents que les enquêteurs pensent fournir des preuves d’activités coordonnées dépassant le cadre du discours protégé. Deux adeptes, Frank Curtin et Colin Warriner, ont d’abord été libérés, puis arrêtés à nouveau mercredi après que les enquêteurs ont découvert ce que les sources ont décrit comme des « communications préoccupantes » sur les appareils saisis.
Les voisins ont rapporté qu’environ 20 personnes vivaient sur la propriété dans des VR modifiés et des structures temporaires. Beaucoup d’adeptes avaient abandonné maisons et familles pour rejoindre ce que Didulo appelle son « royaume ».
« Je surveille ses canaux Telegram depuis plus d’un an », ai-je confié à mon rédacteur en chef alors que l’histoire éclatait. « La rhétorique est passée de déclarations abstraites à des instructions spécifiques concernant le ciblage d’infrastructures et de responsables. »
Le Service canadien du renseignement de sécurité a précédemment signalé le mouvement dans des évaluations confidentielles de menaces obtenues par des demandes d’accès à l’information. Ces documents, que j’ai examinés le mois dernier, catégorisent le groupe comme un « mouvement extrémiste violent motivé idéologiquement » avec un potentiel inquiétant d’action directe.
Les représentants juridiques de Didulo soutiennent que ses déclarations constituent un discours religieux et politique protégé. « Les déclarations de ma cliente sont de nature allégorique et spirituelle », a argumenté l’avocate de la défense Claire Pritchard dans une déclaration fournie à Mediawall.news. « Elles n’ont jamais été destinées à être des instructions littérales. »
Cependant, d’anciens adeptes dressent un tableau différent. Maria Kenwood, qui a passé quatre mois avec le groupe avant de partir l’année dernière, m’a confié : « Tout le monde à l’intérieur comprenait que c’étaient des ordres directs de notre ‘reine’. Nous étions censés les exécuter ou faire face à des conséquences dans le nouveau gouvernement qu’elle promettait. »
Les experts juridiques suggèrent que l’affaire mettra à l’épreuve les limites entre le discours protégé et la conspiration criminelle. La GRC a pris soin d’encadrer leur enquête autour d’actions criminelles spécifiques présumées plutôt que les croyances de Didulo.
« La Charte protège même les croyances impopulaires ou bizarres », a expliqué le constitutionnaliste Robert Martineau lorsque je l’ai appelé pour une analyse. « Mais cette protection s’arrête quand le discours devient un outil pour orchestrer des activités criminelles. »
Les registres judiciaires montrent que Didulo avait précédemment été détenue pour évaluation psychiatrique en 2021 après avoir émis des directives concernant les travailleurs de la santé, mais a été libérée sans accusations. L’affaire actuelle semble beaucoup plus substantielle, la GRC indiquant qu’une enquête de plusieurs mois a précédé la descente de mardi.
Le ministre de la Sécurité publique Dominic LeBlanc a refusé de commenter spécifiquement l’enquête en cours, mais a noté dans une déclaration que « les organismes d’application de la loi sont de plus en plus attentifs aux menaces posées par l’extrémisme violent à motivation idéologique sous toutes ses formes. »
Le Réseau canadien anti-haine a documenté de nombreux cas où les adeptes de Didulo ont agi selon ses directives, notamment des confrontations dans des écoles et des hôpitaux concernant les mesures COVID-19. Ces incidents, compilés dans un rapport de 47 pages auquel j’ai eu accès via leur base de données de recherche, montrent un modèle d’activités réelles croissantes découlant de directives en ligne.
Didulo reste en détention en attendant une audience de libération sous caution prévue pour vendredi. Son avocat a indiqué qu’ils plaideront pour une libération immédiate, citant ce qu’ils caractérisent comme une persécution à motivation politique.
Alors que cette affaire se déroule, elle met en lumière le défi complexe auquel font face les autorités pour équilibrer la liberté d’expression et les préoccupations de sécurité publique. Les preuves recueillies dans les semaines à venir détermineront probablement si le mouvement de Didulo représentait simplement un théâtre politique excentrique ou quelque chose de plus sinistre.
Pour les dizaines d’adeptes qui ont abandonné leur vie antérieure pour rejoindre son « royaume », les conséquences de leur dévotion s’étendent maintenant bien au-delà des publications sur les médias sociaux et des proclamations bizarres. Ils font face à la dure réalité d’un système juridique qui trace des lignes claires entre le fantasme et la conspiration criminelle.