Les producteurs agricoles canadiens poussent un petit soupir de soulagement ce printemps alors qu’Ottawa assouplit les exigences réglementaires pour les secteurs des produits frais et des œufs—une mesure visant à réduire les coûts de conformité tout en maintenant les normes de salubrité alimentaire.
L’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) a annoncé ces changements la semaine dernière, marquant un virage important dans le fonctionnement de ces secteurs sous le Règlement sur la salubrité des aliments au Canada (RSAC). Pour plusieurs fermes familiales et exploitations de taille moyenne, ces ajustements réglementaires arrivent à point nommé.
« Nous étions submergés par la paperasse, » confie Marie Tremblay, qui exploite une ferme maraîchère de 250 acres dans les Cantons-de-l’Est au Québec. « Certaines saisons, je passais plus de temps à documenter nos protocoles de sécurité qu’à cultiver nos aliments.«
Cet allègement réglementaire survient après des années de plaidoyer de l’industrie soulignant les difficultés des petits producteurs face aux coûts de conformité que les grandes exploitations pouvaient plus facilement absorber. Selon les chiffres d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, les coûts de conformité pour les exploitations maraîchères de moins de 500 acres s’élevaient en moyenne à 27 000 $ par an—représentant près de 8 % des budgets opérationnels de nombreuses fermes familiales.
Dans le cadre révisé, plusieurs changements clés toucheront les producteurs alimentaires canadiens :
Les producteurs de fruits et légumes feront face à moins d’exigences de traçabilité lorsqu’ils vendent directement aux consommateurs dans les marchés fermiers ou via l’agriculture soutenue par la communauté. Auparavant, même les petits vendeurs devaient maintenir des systèmes de documentation élaborés suivant les produits du champ à la vente finale.
Les producteurs d’œufs ayant moins de 5 000 poules pondeuses bénéficieront d’exigences simplifiées en matière de tenue de registres, bien que les mesures de sécurité fondamentales demeurent obligatoires.
La fréquence de certains protocoles d’inspection a été ajustée en fonction de l’évaluation des risques plutôt que selon des calendriers rigides, réduisant potentiellement les frais administratifs.
Marie-Claude Bibeau, ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, a présenté ces changements comme faisant partie de la stratégie économique plus large du gouvernement : « Ces améliorations réglementaires ciblées maintiennent notre système de salubrité alimentaire de classe mondiale tout en facilitant l’acheminement des produits des agriculteurs et entreprises alimentaires canadiens vers nos tables.«
Les réactions de l’industrie ont été prudemment positives. La directrice exécutive des Producteurs de fruits et légumes du Canada, Rebecca Lee, m’a confié que les changements représentent « une approche plus proportionnée à la réglementation qui reconnaît la différence entre une exploitation industrielle de 10 000 acres et une ferme familiale de 10 acres. »
Cependant, certains défenseurs des consommateurs expriment des inquiétudes quant aux lacunes potentielles dans la surveillance de la sécurité. Sécurité alimentaire Canada a publié une déclaration reconnaissant la nécessité d’une efficacité réglementaire mais mettant en garde contre « l’affaiblissement des systèmes qui ont donné aux Canadiens confiance en leur approvisionnement alimentaire. »
Les changements font suite à un processus d’examen complet qui comprenait des consultations avec les parties prenantes à travers le pays. Lors d’un forum public à Lethbridge l’automne dernier, j’ai été témoin d’échanges animés entre producteurs réclamant un allègement réglementaire et experts en salubrité alimentaire mettant en garde contre des révisions précipitées.
Un agriculteur du sud de l’Alberta s’est levé et a dit quelque chose qui semblait trouver écho chez tous les présents : « Nous ne demandons pas moins de sécurité—nous demandons moins de redondance.«
Les données de l’ACIA appuient cette distinction. Selon leurs statistiques de conformité, les petites exploitations ne connaissaient pas des taux plus élevés d’incidents de sécurité malgré leurs difficultés avec les exigences documentaires. L’analyse de l’agence elle-même suggérait que des approches alternatives pourraient maintenir les résultats en matière de sécurité tout en réduisant les charges administratives.
Pour les producteurs d’œufs comme Sam Karolia, qui gère une exploitation de 3 500 poules près de Winnipeg, les changements représentent un soulagement significatif : « Avant, nous utilisions les mêmes systèmes de documentation que les exploitations industrielles avec des centaines de milliers d’oiseaux. Le coût par douzaine d’œufs n’avait simplement pas de sens mathématique pour nous. »
L’office des œufs du Manitoba estime que les petits producteurs pourraient voir leurs coûts de conformité réduits d’environ 35 % sous le nouveau cadre, permettant potentiellement à certaines exploitations familiales de rester économiquement viables dans un secteur de plus en plus dominé par la production à grande échelle.
Ce qui n’a pas changé, ce sont les exigences fondamentales en matière de sécurité. Tous les producteurs doivent toujours mettre en œuvre des contrôles préventifs concernant les dangers biologiques, chimiques et physiques. Les protocoles de test pour les pathogènes comme la Salmonelle restent obligatoires, et les exploitations doivent toujours démontrer leur capacité à rappeler les produits en cas de problèmes de sécurité.
Ces ajustements réglementaires s’alignent sur des approches similaires dans d’autres juridictions. L’Union européenne et l’Australie ont toutes deux mis en œuvre des réglementations adaptées à l’échelle qui maintiennent les normes de sécurité tout en reconnaissant les différents profils de risque et les réalités opérationnelles des producteurs alimentaires de diverses tailles.
David Chen, producteur de petits fruits de la Colombie-Britannique, qui a plaidé en faveur de ces changements via l’Association des producteurs de fruits de la C.-B., m’a dit qu’il considère ces ajustements comme un « redimensionnement » plutôt qu’une déréglementation. « Les règles étaient conçues pour des exploitations à l’échelle industrielle mais appliquées à tous. Cette approche chassait la diversité de notre système alimentaire. »
Les analystes du marché suggèrent que les changements pourraient avoir des effets modestes mais significatifs sur la disponibilité des aliments locaux. Un rapport de 2023 de la Société canadienne d’économie agroalimentaire a révélé que les coûts de conformité réglementaire étaient un facteur important dans environ 15 % des fermetures de petites fermes au cours de la dernière décennie.
« Nous n’allons pas voir une révolution dans l’alimentation locale du jour au lendemain, » explique le Dr Sylvain Charlebois, économiste agricole de l’Université de Guelph. « Mais ces changements éliminent certains obstacles qui empêchaient les agriculteurs de faire évoluer leurs exploitations de loisir vers des petites entreprises viables. »
Les spécialistes de la salubrité alimentaire soulignent que les consommateurs ne devraient remarquer aucune différence dans la sécurité des produits. Le Dr Lawrence Goodridge, directeur de l’Institut canadien de recherche sur la salubrité des aliments, note que « les exigences fondamentales en matière de sécurité demeurent inchangées. Ce qui change, c’est la façon dont les producteurs documentent leur conformité, pas les pratiques de sécurité elles-mêmes.«
Pour les consommateurs, ces changements pourraient se traduire par plus de diversité dans les options alimentaires locales et potentiellement des prix plus stables pour les produits cultivés au Canada. Que ces avantages se matérialisent dépend largement de la façon dont les producteurs répondront aux ajustements réglementaires—et si les changements vont assez loin pour répondre aux pressions économiques auxquelles font face les petites exploitations agricoles.
Alors que la mise en œuvre commence ce printemps, producteurs et régulateurs surveilleront attentivement pour s’assurer que l’équilibre entre l’efficacité réglementaire et la salubrité alimentaire est maintenu. Pour l’instant, des agriculteurs comme Marie Tremblay sont prudemment optimistes : « Peut-être que cette année, je pourrai passer plus de temps dans mes champs et moins de temps à mon bureau. C’est bon pour tous ceux qui mangent ce que nous cultivons. »