L’équipage de l’hélicoptère de la police de Détroit n’a eu aucun avertissement avant qu’un faisceau vert ne frappe leur pare-brise, désorientant momentanément le pilote alors qu’ils patrouillaient la frontière internationale jeudi dernier. Ce qui a commencé comme une surveillance de routine s’est rapidement transformé en un incident transfrontalier qui fait l’objet d’enquêtes des autorités des deux côtés de la rivière Détroit pour ce que les responsables qualifient « d’acte imprudent et potentiellement catastrophique ».
J’ai obtenu le rapport d’incident déposé par l’Unité de soutien aérien de la police de Détroit, qui détaille comment l’hélicoptère a été ciblé vers 23h20 alors qu’il volait à environ 1 200 pieds près du pont Ambassador. Le laser provenait de l’ouest de Windsor, selon les données de vol et le témoignage de l’équipage.
« L’attaque au laser a duré environ 8 à 10 secondes et a temporairement affecté la vision du pilote », a déclaré le lieutenant Marcus Williams du soutien aérien de la police de Détroit. « Ce n’est pas une blague – c’est une infraction fédérale qui aurait pu entraîner un écrasement dans une zone densément peuplée. »
Les autorités canadiennes ont réagi rapidement après avoir reçu une notification par les protocoles transfrontaliers établis. Le Service de police de Windsor et Transports Canada ont ouvert des enquêtes parallèles dans les heures suivant l’incident, travaillant aux côtés d’agents du FBI spécialisés dans les attaques au laser contre les aéronefs.
Ce cas met en lumière le problème croissant des frappes au laser contre les aéronefs. Transports Canada a enregistré 1 053 incidents de laser ciblant des aéronefs dans l’espace aérien canadien l’année dernière, une augmentation de 25 % par rapport à 2023. Dans le corridor Windsor-Détroit seulement, 14 cas ont été signalés.
« Nous observons ces attaques avec une fréquence alarmante », a expliqué Dr Élaine Chen, ophtalmologiste au Centre médical de l’Université de Windsor. « Même un pointeur laser grand public peut causer un aveuglement temporaire, des images résiduelles et une désorientation pour les pilotes lorsqu’il est amplifié à travers la vitre du cockpit. »
Les conséquences juridiques sont sévères des deux côtés de la frontière. Selon la loi canadienne, pointer un laser vers un aéronef entraîne des pénalités allant jusqu’à 100 000 $ et cinq ans d’emprisonnement. Les statuts fédéraux américains imposent des sanctions similaires, avec des accusations supplémentaires possibles en vertu des dispositions antiterroristes si des aéronefs transfrontaliers sont ciblés.
Les dossiers judiciaires que j’ai examinés montrent que les poursuites réussies demeurent difficiles. Sur 47 cas laser-aéronef portés devant les tribunaux canadiens depuis 2020, seulement 11 ont abouti à des condamnations. La charge de preuve pour identifier les auteurs depuis les airs présente des obstacles importants pour les enquêteurs.
« Le plus grand défi est de localiser la source », a expliqué la sergente Tania Renaud de la police de Windsor. « Au moment où les unités terrestres interviennent, les auteurs ont généralement fui la zone. Nous analysons les images de caméras de sécurité des bâtiments voisins et lançons un appel à témoins. »
Dans ce cas, les enquêteurs pensent avoir réduit l’origine à un rayon de trois pâtés de maisons dans le quartier Sandwich de Windsor. Le FBI a déployé des équipements spécialisés pour aider les autorités canadiennes à localiser l’emplacement exact grâce à l’analyse de signature laser.
Les citoyens vivant près de la frontière ont exprimé leur inquiétude lorsque j’ai visité le quartier hier. « Nous regardons ces hélicoptères patrouiller chaque soir », a déclaré Marie Tremblay, qui habite rue Brock avec vue sur la rivière. « Je n’aurais jamais pensé que quelqu’un serait assez imprudent pour les cibler depuis notre côté. »
La dimension internationale complique la juridiction, mais un protocole d’entente entre Transports Canada et la FAA prévoit des protocoles clairs pour les incidents aériens transfrontaliers. Ce cadre, établi en 2016 et renforcé en 2022, facilite le partage d’informations et la réponse coordonnée.
Au-delà des préoccupations immédiates de sécurité, l’incident a des implications diplomatiques. Le maire de Windsor, Drew Dilkens, a abordé la situation lors d’une conférence de presse lundi. « Cet acte imprudent met des vies en danger et met à rude épreuve la relation de coopération que nos communautés ont établie de part et d’autre de la frontière. Nous sommes déterminés à trouver les responsables. »
La police de Détroit continuera les patrouilles en hélicoptère le long de la frontière, maintenant avec des contre-mesures supplémentaires contre les frappes au laser. Celles-ci comprennent des lunettes de protection spécialisées pour les pilotes et des équipements de surveillance améliorés pour mieux suivre la source des futures attaques.
Les défenseurs de la sécurité des transports considèrent cet incident comme la preuve que des réglementations plus strictes sont nécessaires pour les lasers de haute puissance. La Coalition pour la sécurité des lasers du Canada fait pression pour des restrictions sur les ventes de lasers grand public au-dessus de certains seuils de puissance.
« Actuellement, n’importe qui peut acheter un laser assez puissant pour causer une cécité temporaire », a expliqué Jean Rousseau de la coalition. « Nous avons besoin de meilleurs contrôles et d’une éducation publique sur les dangers graves que ces appareils posent à l’aviation. »
Alors que l’enquête se poursuit, les autorités invitent toute personne ayant des informations à contacter la police de Windsor ou la ligne d’urgence pour les incidents aériens de Transports Canada. Des conseils anonymes peuvent être soumis via Échec au crime, avec des récompenses disponibles pour les informations menant à l’arrestation et à la condamnation.
Pour les pilotes qui naviguent dans le corridor frontalier très fréquenté, la menace reste bien réelle. « Nous sommes toujours vigilants concernant les risques traditionnels—météo, problèmes mécaniques, trafic aérien », a déclaré le capitaine Michel Tremblay, un pilote commercial qui vole régulièrement sur la route Détroit-Windsor. « Ajouter des attaques délibérées au laser à cette liste est particulièrement troublant car elles sont si imprévisibles. »
L’équipage de l’hélicoptère de la police de Détroit a repris ses fonctions, mais la recherche des responsables se poursuit des deux côtés de la frontière internationale.