Le chasseur de maison canadien moyen a traversé toute une tempête dernièrement. Entre les taux d’intérêt qui grimpent en flèche, les marchés qui se refroidissent et les politiques qui semblent changer au gré des vents politiques, naviguer vers l’accession à la propriété ressemble de plus en plus à un cours avancé d’économie.
Et maintenant, alors que les acheteurs potentiels pensaient avoir compris les règles du jeu, la dernière stratégie d’Ottawa pour rendre le logement plus abordable — suppression de la TPS sur les nouvelles constructions locatives et offre de rabais aux premiers acheteurs — pourrait en fait faire grimper les prix, selon une nouvelle analyse de la Banque Nationale.
« Bien qu’elle soit bien intentionnée, la remise de la TPS pourrait finir par être partiellement captée par les promoteurs, » explique Benjamin Tal, économiste en chef adjoint à la CIBC, qui a examiné les conclusions de la Banque Nationale. « Dans les marchés où l’offre est limitée, tout allègement financier tend à être absorbé dans les prix, surtout lorsque la demande est libérée simultanément. »
Le rapport, publié mardi, suggère que la mesure phare du premier ministre Justin Trudeau pour l’abordabilité du logement pourrait involontairement gonfler les prix qu’elle vise à contrôler. Pour les milléniaux et les Canadiens de la génération Z déjà à bout de budget, c’est un nouveau chapitre dans ce qui ressemble à une crise interminable du logement abordable.
Lorsque le gouvernement fédéral a annoncé le remboursement intégral de la TPS pour les premiers acheteurs de maisons de moins de 500 000 $ (avec des remboursements partiels allant jusqu’à 850 000 $), la ministre des Finances Chrystia Freeland l’a présenté comme un soulagement immédiat pour les jeunes Canadiens. Les économies semblaient simples — jusqu’à 25 000 $ de réduction sur le prix d’achat d’une nouvelle construction.
Mais les économistes tirent la sonnette d’alarme sur ce qui se passe lorsqu’on augmente le pouvoir d’achat sans augmenter proportionnellement l’offre de logements.
« C’est un principe fondamental du marché, » note Ksenia Bushmeneva, économiste au Groupe Banque TD. « Si vous donnez à des milliers d’acheteurs plus de capacité de dépense simultanément sans élargir significativement le parc immobilier, les prix augmentent pour atteindre ce nouveau plafond de demande. »
Les récentes baisses de taux d’intérêt de la Banque du Canada ont déjà commencé à raviver l’activité du marché. Ajouter des remises de TPS dans cet environnement pourrait accélérer davantage la croissance des prix, particulièrement dans des marchés comme Montréal, Calgary et Ottawa où la nouvelle construction est nettement inférieure aux besoins de croissance démographique.
Pour Taylor Wong, une technicienne de 32 ans à Vancouver qui économise depuis trois ans, la nouvelle est décourageante. « Chaque fois que je m’approche d’avoir assez pour une mise de fonds, les objectifs changent, » dit-elle. « J’étais enthousiaste à propos du remboursement de la TPS jusqu’à ce que mon agent immobilier m’explique que les promoteurs l’intègrent déjà dans leurs stratégies de prix. »
En effet, certains promoteurs ont commencé à commercialiser des unités en pré-construction avec un langage soulignant « Éligible au remboursement de la TPS! » tout en maintenant des niveaux de prix similaires aux offres précédentes. La remise, plutôt que de réduire les coûts pour les acheteurs, semble préserver les marges bénéficiaires des constructeurs dans certains cas.
Robert Kavcic, économiste principal à BMO Marchés des capitaux, cite la subvention aux premiers acheteurs de l’Australie comme un avertissement. « Quand l’Australie a mis en œuvre des incitatifs similaires sans résoudre les contraintes d’offre, ils ont vu les prix augmenter d’environ le montant de la subvention en 12 mois, » explique-t-il. « Les forces du marché sont puissantes. »
Les données de Statistique Canada montrent que les mises en chantier ont chuté de 9 % en août par rapport à juillet, ajoutant de la pression sur un pipeline d’approvisionnement déjà tendu. La Société canadienne d’hypothèques et de logement estime que le pays doit construire 5,8 millions de nouveaux logements d’ici 2030 pour rétablir l’abordabilité — près du double du rythme de construction actuel.
Les urbanistes notent que l’allègement de la TPS, bien qu’utile pour stimuler la construction, ne s’attaque pas aux obstacles plus fondamentaux au développement du logement : les processus d’approbation municipaux, les restrictions de zonage et les pénuries de main-d’œuvre qualifiée.
« La politique fiscale n’est qu’un petit morceau d’un puzzle complexe, » affirme Diana Petramala, économiste principale au Centre de recherche urbaine de l’Université Ryerson. « Sans coordination entre tous les niveaux de gouvernement pour réellement permettre plus de construction, ces incitatifs financiers tendent à bénéficier à ceux déjà sur le marché plutôt qu’à ceux qui essaient d’y entrer. »
La structure de remboursement elle-même présente des inégalités géographiques. Dans des marchés comme Toronto et Vancouver, où même les maisons de départ dépassent typiquement 850 000 $, de nombreux premiers acheteurs ne recevront que des avantages partiels — s’ils sont admissibles. Pendant ce temps, à Regina ou Moncton, où les prix moyens restent inférieurs à 500 000 $, les acheteurs pourraient recevoir le remboursement complet, contribuant potentiellement à une croissance des prix plus rapide dans des régions auparavant abordables.
Alors que les défenseurs du logement et les économistes débattent des mérites de cette politique, les professionnels de l’immobilier sur le terrain rapportent des réactions mitigées. Certains acheteurs accélèrent leurs plans d’achat pour profiter du remboursement avant les ajustements de prix attendus, tandis que d’autres ont adopté une approche d’attente.
« Nous avons déjà vu ce film, » dit Samantha Ellis, courtière hypothécaire basée à Toronto. « Quand le gouvernement crée un nouvel avantage pour les acheteurs sans résoudre l’offre, ce n’est qu’une question de temps avant que les vendeurs ne captent cet avantage par leurs prix. »
Pour les décideurs politiques, le défi reste de trouver des outils qui améliorent véritablement l’abordabilité plutôt que de simplement réarranger les chaises sur le pont. Les vraies solutions, s’accordent les économistes, doivent aborder simultanément les pressions du côté de la demande et les contraintes d’offre.
Alors que l’analyse de la Banque Nationale circule dans les cercles politiques, la question devient de savoir si des ajustements au programme de remboursement pourraient empêcher les augmentations de prix prévues. Les options pourraient inclure l’introduction progressive du remboursement, le lier directement à des conventions d’abordabilité, ou l’associer à des réformes plus agressives du côté de l’offre.
Pour l’instant, les Canadiens espérant acheter leur première maison font face au défi familier de chronométrer un marché qui semble perpétuellement hors de portée. Le remboursement de la TPS offre un véritable potentiel d’économies, mais comme pour la plupart des politiques de logement des dernières années, l’impact réel ne deviendra clair qu’une fois que les forces du marché se seront exprimées.