J’étais dans la file d’attente à un festival de musique à Vancouver l’été dernier, observant un vendeur qui proposait des ballons colorés à 10$ chacun. Les festivaliers ne les achetaient pas comme souvenirs—ils inhalaient le protoxyde d’azote à l’intérieur, riaient pendant que l’effet rapide s’installait, puis se remettaient vite en ligne pour en acheter d’autres. Ce qui m’a frappé, ce n’était pas seulement la façon ouverte dont cela se passait, mais combien peu de personnes semblaient conscientes des risques qu’elles prenaient.
Cette scène est devenue de plus en plus courante partout au Canada, le protoxyde d’azote—communément appelé gaz hilarant—émergeant comme une substance récréative populaire dans les soirées, concerts et festivals. Mais cette semaine, Santé Canada a émis un avertissement urgent concernant les dangers graves pour la santé associés à l’usage récréatif de cette substance.
« L’usage répété de protoxyde d’azote à des fins récréatives peut entraîner des dommages neurologiques graves et potentiellement irréversibles, » a déclaré Dre Supriya Sharma, conseillère médicale en chef de Santé Canada, dans l’avis de santé publique d’hier. Cet avertissement survient après que des professionnels de la santé ont signalé une augmentation inquiétante des visites aux urgences liées à l’usage abusif du protoxyde d’azote.
Le protoxyde d’azote a des applications médicales légitimes—les dentistes l’utilisent en toute sécurité pour la gestion de la douleur depuis plus d’un siècle, et il est approuvé pour l’utilisation dans des produits alimentaires comme la crème fouettée. Mais l’usage récréatif contourne les cadres médicaux contrôlés qui le rendent sécuritaire pour ces fins.
Quand j’ai parlé avec Dre Janet Rodriguez, neurologue à l’Hôpital général de Vancouver, elle a décrit un cas qui devient malheureusement familier dans sa pratique. « Le mois dernier, j’ai traité un étudiant de 22 ans qui utilisait du protoxyde d’azote chaque fin de semaine depuis environ six mois. Il est arrivé avec un engourdissement des mains et des pieds, et des difficultés à marcher. Ces symptômes sont causés par une carence en vitamine B12, qui peut mener à des lésions nerveuses permanentes. »
La science derrière ce phénomène est claire : le protoxyde d’azote inactive la vitamine B12 dans l’organisme, essentielle au maintien de la gaine de myéline qui protège nos nerfs. Sans cette protection, les nerfs ne peuvent pas fonctionner correctement, entraînant des symptômes qui ressemblent à ceux de la sclérose en plaques.
« Ce qui est particulièrement alarmant, » ajoute Dre Rodriguez, « c’est que beaucoup de jeunes ne font pas le lien entre leurs symptômes neurologiques et leur consommation de protoxyde d’azote. Ils pensent que c’est inoffensif parce que c’est légal dans certains contextes. »
En effet, le cadre réglementaire entourant le protoxyde d’azote au Canada existe dans une zone grise. Bien qu’il soit réglementé comme additif alimentaire et produit médical, sa vente à des fins récréatives tombe dans un vide juridique que Santé Canada travaille maintenant à combler.
En me promenant dans l’Est de Vancouver la semaine dernière, j’ai compté trois dépanneurs qui vendaient ouvertement des petites cartouches de protoxyde d’azote, commercialisées comme des cartouches pour crème fouettée mais placées près des papiers à rouler et des produits de vapotage—un clin d’œil évident à leur usage prévu.
Megan Thorne, spécialiste en réduction des méfaits au Centre d’usage de substances de la Colombie-Britannique, explique que l’accessibilité fait partie du problème. « Il y a une perception que parce que c’est légalement disponible et procure un effet rapide, cela doit être sécuritaire. Mais nous voyons de plus en plus de preuves qu’une utilisation régulière peut causer des dommages sérieux. »
L’avertissement de Santé Canada souligne plusieurs risques immédiats au-delà des dommages neurologiques à long terme, notamment :
• L’asphyxie (quand le protoxyde d’azote déplace l’oxygène dans les poumons)
• Les chutes et accidents dus aux étourdissements
• Les brûlures causées par la température froide du gaz lorsqu’il est libéré des contenants sous pression
• Le potentiel de dépendance avec une utilisation régulière
Pour les communautés autochtones du nord de la Colombie-Britannique, où j’ai fait des reportages sur les défis liés à l’usage de substances, les travailleurs en réduction des méfaits ont remarqué l’apparition du protoxyde d’azote dans des communautés qui luttent déjà avec des ressources de soins de santé limitées.
« Quand de nouvelles substances deviennent tendance dans les centres urbains, elles finissent par atteindre les communautés éloignées, » explique Jordan Flett, navigateur de santé communautaire dans le nord de la Colombie-Britannique. « Mais nos communautés manquent souvent des soins médicaux spécialisés nécessaires pour traiter les méfaits particuliers de substances comme le protoxyde d’azote. »
Statistique Canada ne suit pas spécifiquement les hospitalisations liées au protoxyde d’azote, mais une enquête récente du Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances a révélé qu’environ 4% des Canadiens âgés de 18 à 25 ans ont déclaré avoir utilisé des inhalants, y compris le protoxyde d’azote, au cours de l’année précédente. Les professionnels de la santé croient que ce chiffre est probablement sous-déclaré.
Le Journal de l’Association médicale canadienne a publié le mois dernier une série de cas documentant quinze patients qui ont développé une neuropathie périphérique grave après l’usage récréatif de protoxyde d’azote, dont cinq présentant des symptômes qui ont persisté même après avoir cessé d’utiliser la substance.
Dr Mark Thompson, spécialiste en médecine des dépendances à l’Hôpital St. Paul, croit que l’éducation publique est cruciale. « La plupart des personnes que je traite pour des problèmes liés au protoxyde d’azote n’avaient aucune idée des risques neurologiques. Ils pensaient que c’était juste un peu de plaisir inoffensif parce que c’est tellement normalisé dans certains cercles sociaux. »
L’avertissement de Santé Canada recommande que toute personne qui ressent des symptômes tels qu’engourdissement, picotements, faiblesse musculaire ou difficultés d’équilibre après avoir utilisé du protoxyde d’azote consulte immédiatement un médecin. Une intervention précoce avec une supplémentation en B12 peut parfois inverser les symptômes, mais ce n’est pas toujours le cas.
En quittant ce festival de musique l’été dernier, j’ai observé des bénévoles qui ramassaient des ballons et des cartouches métalliques abandonnés—des centaines éparpillés sur le terrain. Je ne pouvais m’empêcher de penser au décalage entre la joie éphémère qu’ils avaient procurée et les dommages durables qu’ils pourraient laisser derrière eux.
Avec l’avertissement de Santé Canada maintenant public, l’espoir est que la sensibilisation se propagera plus rapidement que la tendance elle-même. Jusqu’à ce que les cadres réglementaires rattrapent ce risque sanitaire émergent, l’éducation reste notre meilleure défense contre ce que de nombreux professionnels de la santé appellent une épidémie silencieuse.