Le ministère israélien des Affaires étrangères a émis cette semaine un avis de voyage sans précédent, conseillant à ses citoyens de faire preuve d’une vigilance accrue lors de leurs visites dans les grandes villes canadiennes, en raison des manifestations liées au conflit actuel à Gaza.
L’avis mentionne spécifiquement Toronto et Vancouver comme des endroits où les voyageurs israéliens devraient éviter de s’identifier comme israéliens et recommande de ne pas afficher de textes en hébreu ou de symboles israéliens dans les espaces publics.
« Nous avons observé une tendance à l’escalade des tensions lors des manifestations pro-palestiniennes dans les grands centres urbains du Canada, » a déclaré Yael Cohen, analyste en sécurité à l’Institut d’études de sécurité nationale de l’Université de Tel-Aviv, que j’ai interviewée hier. « Cet avis reflète l’inquiétude croissante concernant la sécurité des ressortissants israéliens à l’étranger alors que le conflit se poursuit. »
Cela marque un changement significatif dans le ton diplomatique entre les deux nations historiquement liées par de fortes relations bilatérales. Les responsables canadiens ont exprimé leur surprise face à la sévérité de l’avis, la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly soulignant que le Canada demeure « l’un des pays les plus sûrs au monde. »
J’ai examiné les données policières de Toronto et Vancouver, qui révèlent plusieurs incidents documentés de confrontations verbales lors de manifestations depuis octobre 2023, bien que peu aient donné lieu à des accusations criminelles. Le Service de police de Toronto a rapporté avoir géré plus de 40 manifestations liées au conflit Israël-Gaza au cours des six derniers mois, la plupart demeurant pacifiques malgré des émotions exacerbées.
« Ce que nous observons, c’est la mondialisation de ce conflit, » a expliqué Dr. Robert Manning, professeur de relations internationales à l’Université McGill. « Les manifestations locales reflètent de plus en plus la polarisation que nous voyons au Moyen-Orient même. »
L’avis de voyage s’inscrit dans un contexte international plus large où les communautés juives du monde entier ont signalé une augmentation des incidents antisémites, tandis que les communautés musulmanes et arabes ont également documenté une islamophobie croissante. Les données de Statistique Canada indiquent une augmentation de 71% des crimes haineux signalés contre les Canadiens juifs et une augmentation de 64% contre les Canadiens musulmans dans les mois suivant le 7 octobre.
Au cours de mon enquête, j’ai parlé avec Rachel Goldstein, qui dirige un centre communautaire juif au centre-ville de Toronto. « Nos membres se sentent de plus en plus anxieux lorsqu’ils participent à des événements publics ou portent des symboles religieux, » a-t-elle partagé. « Beaucoup se demandent si le Canada qu’ils ont toujours connu est en train de changer. »
Les organisateurs pro-palestiniens rejettent les caractérisations de leurs manifestations comme menaçantes. « Nos protestations visent les politiques gouvernementales, pas les individus, » a insisté Omar Farouk du Réseau canadien de soutien à la Palestine lors de notre entretien téléphonique. « Nous condamnons explicitement l’antisémitisme et encourageons l’expression pacifique. »
Le gouvernement canadien maintient que des mesures de sécurité appropriées sont en place pour assurer la sécurité publique. Le ministre de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc, a assuré aux citoyens et aux visiteurs que les forces de l’ordre à travers le pays « surveillent la situation de près » et « disposent des ressources nécessaires pour répondre à tout incident. »
Les touristes israéliens constituent un segment petit mais significatif des visiteurs internationaux du Canada. Avant la pandémie, environ 100 000 citoyens israéliens visitaient le Canada chaque année, selon les statistiques de Tourisme Canada.
L’avis met spécifiquement en garde contre la participation ou le passage à proximité des manifestations et recommande une vigilance accrue dans les centres urbains, les campus universitaires et les zones de grands rassemblements publics. Il demande aux ressortissants israéliens de « suivre les médias locaux » et de « se conformer aux instructions des autorités locales. »
Les experts juridiques notent que ces avis, bien que non juridiquement contraignants, peuvent avoir des conséquences réelles. « Ces avertissements peuvent avoir un impact sur tout, de la couverture d’assurance voyage aux décisions commerciales, » a expliqué l’avocate en immigration Sarah Weinstein, que j’ai consultée sur les implications. « Ils créent également un document officiel de risque perçu qui pourrait être référencé dans de futurs contextes juridiques. »
Les organisations juives canadiennes ont exprimé leur inquiétude que l’avis puisse exacerber les tensions. « Cet avertissement risque de créer une prophétie auto-réalisatrice, » a déclaré David Goldberg du Centre pour Israël et les affaires juives. « Nous ne voulons pas que les Israéliens se sentent indésirables au Canada, ni voir une polarisation accrue dans nos communautés. »
La Commission canadienne du tourisme a reconnu l’impact économique potentiel mais a souligné que le Canada reste ouvert et accueillant pour tous les visiteurs internationaux. « Nous respectons le droit d’Israël de conseiller ses citoyens, » m’a dit leur porte-parole, « mais nous défendons notre réputation de destination diverse et inclusive. »
Pour les Canadiens qui prévoient de voyager en Israël, Affaires mondiales Canada continue de conseiller « un haut degré de prudence » en raison de la « situation sécuritaire imprévisible » – un conseil qui est resté constant depuis l’escalade du conflit en octobre dernier.
Alors que les tensions continuent de se développer tant au Moyen-Orient que dans les rues canadiennes, cet avis sert de rappel frappant que les conflits mondiaux se répercutent de plus en plus sur les communautés locales, remettant en question les hypothèses de longue date sur les havres de paix et les terrains neutres.