Air Canada connaît des difficultés sur le marché américain, avec une baisse de 31% des bénéfices
Air Canada vient de publier son rapport financier du deuxième trimestre, et il est évident que les turbulences dans son segment de voyages aux États-Unis ont créé des vents contraires financiers. La plus grande compagnie aérienne du pays a enregistré un bénéfice de 301 millions de dollars pour le trimestre se terminant le 30 juin, ce qui représente une baisse préoccupante de 31% par rapport aux 437 millions de dollars gagnés durant la même période l’année dernière.
Quelle est la cause de cette baisse notable? Michael Rousseau, président-directeur général d’Air Canada, a pointé directement « la faiblesse du marché des loisirs aux États-Unis » lors de la conférence téléphonique sur les résultats de l’entreprise hier matin. Cette faiblesse a pris de nombreux analystes de l’industrie par surprise, particulièrement compte tenu de l’accent stratégique que la compagnie aérienne avait précédemment mis sur les routes américaines.
« Nous observons un recalibrage significatif de la demande de voyages de loisirs, particulièrement pour les voyages transfrontaliers, » a expliqué Rousseau. « Les voyageurs canadiens semblent être plus sélectifs concernant leurs destinations aux États-Unis, probablement influencés par la pression combinée des taux de change et de l’incertitude économique générale. »
Les chiffres racontent une histoire révélatrice. Bien que les revenus passagers globaux aient augmenté modestement de 2,4% à 4,97 milliards de dollars, le rendement de la compagnie—une métrique critique mesurant le tarif moyen par passager par kilomètre—a diminué de 3,9%. Cela suggère qu’Air Canada a été forcée d’offrir des prix plus compétitifs pour remplir les sièges, comprimant ainsi leurs marges bénéficiaires.
Comparée à ses principaux concurrents nord-américains, la performance d’Air Canada soulève quelques sourcils. Delta Air Lines a récemment rapporté une augmentation de 19% de son bénéfice trimestriel, tandis que United Airlines a vu ses gains bondir de 27% pour la même période. Cette divergence met en évidence les défis uniques auxquels fait face le transporteur phare du Canada.
L’analyste de l’industrie Cameron Doerksen de la Banque Nationale Financière a noté que les résultats « ont définitivement sous-performé par rapport aux attentes du marché, » soulignant que la plupart des prévisions avaient anticipé une baisse des bénéfices beaucoup plus faible. « La faiblesse du marché des loisirs américain semble plus structurelle que cyclique, ce qui soulève des questions sur la stratégie de revenus à moyen terme d’Air Canada, » a ajouté Doerksen.
Au-delà de la faiblesse des voyages aux États-Unis, Air Canada a également fait face à des coûts opérationnels croissants. Les dépenses d’exploitation ont augmenté de 5,1% à 4,76 milliards de dollars, avec des coûts de maintenance d’aéronefs en hausse significative de 15% par rapport à l’année précédente. La compagnie aérienne a attribué cela en partie au vieillissement des aéronefs et à l’inflation des pièces et de la main-d’œuvre.
Le carburant continue de représenter une dépense majeure, avec des coûts en hausse de 4,3% malgré une augmentation modeste de la capacité. Le coût ajusté par siège-mille disponible (CASM) de la compagnie—une métrique d’efficacité clé—a augmenté de 2,7%, suggérant des défis dans le maintien de l’efficacité opérationnelle malgré les investissements technologiques.
Cependant, ce n’était pas que des turbulences pour le transporteur montréalais. Les routes internationales d’Air Canada, particulièrement celles vers l’Europe et l’Asie, ont montré de la résilience avec des revenus passagers augmentant respectivement de 6,1% et 8,7%. Le programme de fidélité de la compagnie, Aeroplan, a également poursuivi sa forte performance avec une augmentation de 12% des facturations brutes.
Rousseau a souligné ces points positifs lors de la conférence téléphonique: « Notre stratégie de diversification porte ses fruits, particulièrement sur nos marchés internationaux où la demande reste robuste. Nous constatons une performance particulièrement forte sur nos routes Asie-Pacifique alors que les voyages vers et depuis cette région continuent de se normaliser après la pandémie. »
La compagnie aérienne répond à ces défis avec plusieurs ajustements stratégiques. Air Canada a annoncé qu’elle « optimiserait » son horaire d’automne et d’hiver, ce que les observateurs de l’industrie interprètent comme une réduction de la capacité sur les routes américaines sous-performantes. De plus, la compagnie prévoit d’accélérer le retrait de certains aéronefs plus anciens et moins économes en carburant pour améliorer l’économie globale de la flotte.
Pour les voyageurs canadiens, ces ajustements pourraient signifier moins d’options de vols vers certaines destinations américaines, bien que les dirigeants d’Air Canada se soient empressés de souligner qu’ils restent engagés à desservir les principaux marchés américains. La compagnie aérienne accroît également son attention sur les routes intérieures, où la demande est restée relativement stable.
Les marchés financiers ont réagi à la nouvelle avec une prudence prévisible. Les actions d’Air Canada ont chuté de près de 5% suite à l’annonce des résultats, avec un volume d’échanges significativement supérieur à la moyenne. L’action a maintenant baissé d’environ 12% depuis le début de l’année, sous-performant à la fois l’indice composite TSX et l’indice S&P 500 des compagnies aériennes.
Pour l’avenir, Air Canada a maintenu ses prévisions pour l’année complète mais a reconnu des « vents contraires et de l’incertitude » accrus sur le marché des voyages nord-américains. La compagnie aérienne prévoit un BAIIA ajusté (bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement) de 3,7 à 4,2 milliards de dollars pour 2024, inchangé par rapport aux prévisions précédentes.
Pour les Canadiens ordinaires, ces résultats pourraient signaler une lueur d’espoir: des prix compétitifs continus sur les routes américaines alors qu’Air Canada et d’autres transporteurs se battent pour des parts de marché. Cependant, les ajustements de capacité de la compagnie pourraient signifier moins d’options de sièges sur certaines routes à l’approche des saisons d’automne et d’hiver.
La reprise de l’industrie aérienne après la pandémie n’a été rien moins que chaotique, et les derniers résultats d’Air Canada montrent que même si les volumes de voyages globaux approchent les niveaux pré-pandémiques, la composition et l’économie de ces voyages continuent d’évoluer de manière parfois imprévisible.
Comme l’a dit un analyste de voyage basé à Toronto: « Air Canada navigue dans une nouvelle normalité complexe où les voyageurs ont des priorités et des habitudes de dépenses différentes. Le défi n’est pas seulement de revenir aux chiffres pré-pandémiques, mais de s’adapter à un comportement des consommateurs fondamentalement modifié. »
Reste à voir si Air Canada peut s’adapter avec succès à ces vents changeants, mais une chose est certaine: le voyage à venir promet des turbulences continues pour la plus grande compagnie aérienne du Canada.