Je regarde le pouls économique du Canada en ce moment, et franchement, il présente des irrégularités inquiétantes. Statistique Canada vient de publier des chiffres montrant que notre économie s’est contractée de 0,3 % en août—le recul mensuel le plus important depuis les confinements d’avril 2022.
Ce qui est particulièrement troublant, c’est que ce déclin s’est manifesté alors que les prévisions des économistes anticipaient largement une croissance. Le consensus tournait autour d’une modeste expansion de 0,1 % pour le mois. Au lieu de cela, nous avons reçu confirmation que le moteur économique du Canada tousse à un moment où nous avons besoin d’accélération.
En examinant les données, on constate une inquiétante ampleur de cette contraction. La production manufacturière a chuté de 0,6 %, tandis que les secteurs du commerce de gros et de détail se sont contractés respectivement de 0,7 % et 0,3 %. Les effets se sont étendus au-delà de la production de biens, avec le secteur des services—généralement notre stabilisateur économique—montrant également des signes de faiblesse.
« Il ne s’agit pas simplement d’un secteur qui passe un mauvais mois, » explique Royce Mendes, directeur général et chef de la stratégie macro chez Desjardins. « Les chiffres d’août démontrent une vulnérabilité simultanée à travers plusieurs piliers de l’économie canadienne. »
Ces chiffres sont particulièrement significatifs en raison de leur timing. Ils arrivent alors que la Banque du Canada a commencé le délicat processus d’assouplissement de sa politique monétaire après un cycle agressif de hausse des taux d’intérêt qui a porté notre taux directeur à un sommet de 5 %, inégalé depuis 22 ans. La banque centrale a réduit ses taux de 25 points de base en juillet et en septembre, mais ces chiffres d’août suggèrent que ces réductions devront peut-être s’accélérer.
Pedro Antunes, économiste en chef du Conference Board du Canada, m’a confié que « le ralentissement s’avère plus persistant que prévu initialement. La consommation des ménages, qui représente environ 60 % du PIB, reste sous pression en raison des coûts d’emprunt plus élevés et d’une inflation qui dépasse toujours la cible de 2 % de la Banque du Canada. »
Un examen plus approfondi des performances sectorielles révèle des tendances révélatrices. L’extraction des ressources, y compris le pétrole et le gaz, a enregistré de modestes gains, mais ceux-ci ont été submergés par les contractions ailleurs. L’activité de construction a diminué pour le troisième mois consécutif, reflétant les tensions persistantes sur le marché immobilier canadien.
Le récent Rapport sur la politique monétaire de la Banque du Canada prévoyait une croissance anémique de seulement 0,8 % pour l’ensemble du troisième trimestre. Avec juillet affichant une croissance de seulement 0,1 % et août enregistrant cette contraction significative, les projections déjà modestes de la banque centrale semblent maintenant optimistes, à moins que septembre ne connaisse une hausse improbable.
Pour les Canadiens ordinaires, ces chiffres du PIB se traduisent par des préoccupations tangibles autour de la table familiale. Le marché du travail a déjà montré des signes de refroidissement, avec un taux de chômage qui est passé à 6,1 % ces derniers mois, après avoir atteint des planchers historiques. Les entreprises confrontées à une demande affaiblie réduisent généralement leurs plans d’embauche ou envisagent des réductions d’effectifs.
« Nous observons une transition claire dans le comportement des consommateurs, » note Beata Caranci, économiste en chef de la Banque TD. « Les Canadiens ont épuisé leurs économies accumulées pendant la pandémie et privilégient désormais l’essentiel plutôt que les dépenses discrétionnaires. Ce changement fondamental dans les habitudes de consommation est à l’origine d’une grande partie du ralentissement économique plus large. »
Les secteurs sensibles aux taux d’intérêt continuent de supporter le poids du resserrement monétaire, même si la Banque du Canada amorce son pivot. L’immobilier reste 4,5 % en dessous de ses niveaux d’activité maximale du début 2022. Pendant ce temps, les taux d’intérêt élevés continuent de peser sur les budgets des ménages, le détenteur moyen de prêt hypothécaire canadien payant maintenant environ 260 $ de plus en mensualités par rapport aux niveaux de 2021.
La contraction d’août coïncide avec des défis commerciaux internationaux persistants. Les exportations canadiennes ont peiné face à l’incertitude économique mondiale, notre déficit commercial de marchandises s’élargissant à 2,4 milliards de dollars en août. Le commerce avec notre plus grand partenaire, les États-Unis, a fait preuve de résilience, mais les efforts de diversification ont rencontré des vents contraires alors que les économies européennes et asiatiques connaissent leurs propres défis de croissance.
Ce qui est particulièrement préoccupant pour les décideurs politiques, c’est le moment de cette faiblesse par rapport aux tendances inflationnistes. Bien que l’inflation globale se soit considérablement modérée par rapport à son pic de 8,1 % en juin 2022, les mesures de base restent collées autour de 3 %, compliquant les options de réponse de la Banque du Canada. Des réductions de taux trop agressives pourraient raviver les pressions sur les prix, tandis qu’un assouplissement insuffisant risquerait d’approfondir le ralentissement économique.
« La Banque du Canada se trouve à naviguer entre Charybde et Scylla, » explique Stephen Brown, économiste adjoint en chef pour l’Amérique du Nord chez Capital Economics. « Ils doivent stimuler la croissance tout en s’assurant que l’inflation poursuit sa trajectoire descendante—un exercice d’équilibre particulièrement difficile lorsque les mesures d’inflation fondamentale restent élevées. »
Pour les investisseurs et les chefs d’entreprise, le rapport sur le PIB d’août exige un recalibrage stratégique. Les marchés boursiers canadiens ont sous-performé par rapport à leurs homologues américains cette année, reflétant à la fois les fondamentaux économiques et les différences de composition sectorielle. Le huard a eu du mal à maintenir son élan face au dollar américain malgré l’avance initiale de la Banque du Canada dans la réduction des taux.
En regardant vers l’avenir, la probabilité d’une récession technique—définie par deux trimestres consécutifs de croissance négative—a augmenté mais reste incertaine. Le troisième trimestre pourrait encore afficher une croissance marginalement positive si septembre apporte une surprise positive, mais la dynamique penche clairement vers une faiblesse prolongée s’étendant jusqu’aux derniers mois de 2023.
L’estimation préliminaire de Statistique Canada pour septembre suggère une croissance minimale de 0,1 %, ce qui produirait un taux de croissance trimestriel annualisé proche de 0,4 %—bien en dessous du potentiel de l’économie et maintenant à peine le Canada hors du territoire de récession technique.
Pour un pays qui porte encore des niveaux d’endettement pandémique significatifs, tant au niveau gouvernemental que des ménages, cette décélération économique présente des défis distincts. La politique budgétaire devra peut-être fournir un soutien ciblé tout en équilibrant des finances publiques déjà tendues.
À l’approche des derniers mois de 2023, la résilience économique du Canada fait face à son test le plus important depuis les conséquences immédiates de la pandémie. Les semaines à venir révéleront si la contraction d’août représente un faux pas temporaire ou le début d’un ralentissement plus prolongé nécessitant une intervention politique plus forte.


 
			 
                                
                              
		 
		 
		