La dernière fois que les premiers ministres du Canada se sont réunis pour s’attaquer sérieusement aux barrières commerciales internes, les voix du Nord étaient à peine audibles. Aujourd’hui, les dirigeants territoriaux canadiens s’assurent que leurs défis uniques occupent le devant de la scène dans les prochaines discussions sur le libre-échange à l’intérieur de nos frontières.
Que se passe-t-il lorsque les besoins fondamentaux de survie d’une communauté entrent en collision avec les principes économiques du libre-échange intérieur? C’est la question à laquelle sont confrontés les premiers ministres territoriaux alors que le Canada se prépare à reprendre les pourparlers sur les barrières au commerce interprovincial.
S’exprimant depuis Whitehorse jeudi dernier, le premier ministre du Yukon, Ranj Pillai, n’a pas mâché ses mots: «Lorsque l’Accord de libre-échange canadien a été élaboré, la perspective nordique n’a pas reçu l’attention qu’elle méritait. Les règles qui fonctionnent pour Toronto ou Montréal ne répondent tout simplement pas à nos réalités.»
Cette résistance survient alors que le Conseil de la fédération, représentant tous les premiers ministres, a convenu le mois dernier de revoir l’Accord de libre-échange canadien (ALEC), l’accord de 2017 destiné à réduire les obstacles à la circulation des biens, des services et des travailleurs à travers les frontières provinciales et territoriales.
Les premiers ministres du Nord soutiennent que si l’accord profite aux provinces du Sud, il entrave parfois les communautés nordiques qui luttent déjà avec des infrastructures limitées, des chaînes d’approvisionnement saisonnières et de petites populations réparties sur de vastes territoires.
En cause sont les politiques d’approvisionnement qui permettent aux gouvernements du Nord de donner la préférence aux entreprises locales—des politiques souvent critiquées par les grandes provinces comme protectionnistes, mais que les dirigeants du Nord décrivent comme essentielles pour bâtir des économies durables dans les régions éloignées.
«Quand une entreprise du sud du Canada peut sous-coter chaque entreprise locale, remporte le contrat, puis part sans créer d’avantages à long terme, nous avons en réalité nui à nos communautés», a déclaré la première ministre des Territoires du Nord-Ouest, Caroline Cochrane, lors d’une conférence de presse conjointe avec ses homologues territoriaux.
La position territoriale contraste avec le récent rapport du Conseil canadien des affaires qui affirme que les barrières commerciales internes coûtent à l’économie canadienne entre 50 et 130 milliards de dollars annuellement. Leur analyse portait principalement sur les réglementations qui empêchent les professionnels d’exercer dans différentes provinces et sur les restrictions à la circulation des marchandises.
Trevor Tombe, professeur d’économie à l’Université de Calgary et chercheur de premier plan sur le commerce intérieur, reconnaît que la perspective nordique a du mérite. «Il existe une tension entre les objectifs d’efficacité des marchés publics ouverts et les préoccupations d’équité dans les marchés plus petits et isolés. Les deux perspectives sont valables—le