Alors que la chaleur estivale cédait la place à un début d’automne frisquet au Manitoba, la température à l’intérieur de l’édifice législatif de Winnipeg demeurait décidément chaude. Des représentants syndicaux et des groupes de défense des patients se sont rassemblés mardi pour exprimer leur frustration face à ce qu’ils appellent un « dangereux jeu de blâmes politiques » entourant le système de santé provincial en difficulté.
« Nous sommes fatigués de voir les politiciens se pointer du doigt pendant que les Manitobains attendent des heures pour recevoir des soins d’urgence, » a déclaré Darlene Jackson, présidente du Syndicat des infirmières et infirmiers du Manitoba. Aux côtés des représentants de Médecins Manitoba et de la Coalition pour la santé du Manitoba, Jackson a livré un message direct aux dirigeants provinciaux : « Il ne s’agit plus de savoir qui a causé le problème, mais qui va le résoudre. »
La conférence de presse s’est tenue quelques jours après que le premier ministre Wab Kinew et la cheffe de l’opposition Heather Stefanson ont échangé de vives accusations concernant la responsabilité des défis du système de santé manitobain. Le gouvernement NPD de Kinew a hérité d’un système confronté à d’importantes pénuries de personnel et des problèmes de capacité lorsqu’il a pris le pouvoir en octobre dernier, mais près d’un an plus tard, de nombreux indicateurs de performance demeurent préoccupants.
Les temps d’attente aux urgences du Centre des sciences de la santé de Winnipeg ont atteint une moyenne de 7,2 heures le mois dernier, selon les données de Santé Manitoba. Cela représente une modeste amélioration par rapport à la moyenne de 8,1 heures observée sous le précédent gouvernement progressiste-conservateur, mais reste bien au-dessus de la référence nationale de 4 heures.
Pour Ellen Chorney, résidente de Winnipeg, les statistiques ne racontent qu’une partie de l’histoire. « Mon mari a attendu neuf heures avec des douleurs thoraciques avant de voir un médecin, » m’a-t-elle confié après la conférence de presse. « Les infirmières étaient formidables, mais il n’y en avait tout simplement pas assez. Peu m’importe quel parti est à blâmer – je veux juste savoir que ma famille peut recevoir des soins quand nous en avons besoin. »
La coalition d’organisations de santé a publié un plan en cinq points qu’ils disent transcender la politique partisane. Leurs propositions comprennent l’accélération du recrutement infirmier, l’expansion des services de santé ruraux, l’augmentation du financement en santé mentale, l’amélioration des options de soins de longue durée, et une plus grande transparence dans la communication des performances du système de santé.
La Dre Candice Bradshaw de Médecins Manitoba a souligné que les travailleurs de la santé de première ligne sont las d’être pris dans les feux croisés politiques. « Nos membres rapportent passer plus de temps à documenter pourquoi ils n’ont pas pu fournir des soins en temps opportun qu’à réellement prodiguer ces soins, » a-t-elle déclaré. « La bureaucratie s’est gonflée tandis que les ressources cliniques ont diminué. »
Les chiffres budgétaires appuient l’évaluation de Bradshaw. Les dépenses administratives au sein de Santé Manitoba ont augmenté de 12 % entre 2019 et 2023, tandis que le financement des soins directs aux patients n’a augmenté que de 4,3 % durant la même période, selon les rapports du Conseil du Trésor provincial.
Le ministre de la Santé du Manitoba, Uzoma Asagwara, a répondu aux critiques de mardi en reconnaissant les préoccupations de la coalition tout en défendant l’approche du gouvernement. « Nous avons hérité d’un système en crise, » a déclaré Asagwara. « Nous avons engagé 240 millions de dollars en nouveaux financements spécifiquement ciblés pour réduire les temps d’attente et reconstruire notre personnel infirmier. »
Asagwara a souligné les récents succès, notamment le recrutement de 71 nouvelles infirmières depuis janvier et la réouverture du service d’urgence d’Eriksdale qui était fermé depuis près de trois ans. « Le changement ne se produit pas du jour au lendemain, mais nous réalisons des progrès mesurables, » a ajouté le ministre.
La critique de l’opposition en matière de santé, Rochelle Squires, a rétorqué que le gouvernement NPD a eu suffisamment de temps pour démontrer des améliorations significatives. « Après près d’un an au pouvoir, les Manitobains méritent mieux que des excuses continuelles, » a déclaré Squires dans une déclaration fournie à Mediawall.news. « Le gouvernement précédent avait laissé un plan complet de ressources humaines en santé que le NPD a ignoré. »
Alan Lagimodière, ancien ministre PC de la Réconciliation autochtone et des Relations avec le Nord, a déclaré que les deux partis partagent la responsabilité. « Les défis du système de santé se sont développés sur des décennies, pas seulement pendant le mandat d’un gouvernement, » m’a-t-il confié. « Se pointer du doigt n’accomplit rien pour les patients qui attendent dans les couloirs. »
Le directeur de la Coalition pour la santé du Manitoba, Thomas Linner, a souligné que la confiance du public dans le système de santé dépend d’améliorations visibles, non de rhétorique partisane. « Quand les politiciens se concentrent sur le fait de se blâmer mutuellement, ils manquent l’essentiel, » a déclaré Linner. « Les Manitobains ne veulent pas entendre qui a brisé le système. Ils veulent savoir qu’il sera là quand leur famille en aura besoin. »
Des sondages récents suggèrent que l’évaluation de Linner trouve écho chez les électeurs. Un sondage Probe Research mené en juillet a révélé que 67 % des Manitobains considèrent les soins de santé comme leur principale préoccupation, 58 % indiquant avoir peu confiance en l’un ou l’autre des principaux partis pour résoudre les problèmes.
La situation au Manitoba reflète des défis similaires à travers le Canada, où les provinces luttent contre l’épuisement post-pandémique du personnel de santé et une demande accrue de services. Un rapport du Conference Board du Canada publié le mois dernier classe le Manitoba au neuvième rang des provinces pour la performance des services d’urgence et au septième pour l’accès aux soins primaires.
Pour la coalition de la santé, la conférence de presse de mardi représentait un effort délibéré pour recentrer la conversation. « Nous devons dépasser le théâtre politique, » a déclaré Jackson. « Les Manitobains méritent un système de santé qui fonctionne peu importe quel parti détient le pouvoir. »
Alors que les campagnes électorales d’automne s’intensifient dans les provinces voisines de la Saskatchewan et de la Colombie-Britannique, les groupes de défense de la santé du Manitoba espèrent que leur message résonnera au-delà des frontières provinciales. Leur position collective suggère que, bien que les soins de santé resteront inévitablement une question politique, la patience du public pour les jeux de blâme partisan s’amenuise de plus en plus.