Le gouvernement fédéral a dévoilé un plan ambitieux visant à réduire la bureaucratie pour les projets de minéraux critiques, avec un engagement de 180 millions de dollars sur quatre ans pour établir un Bureau des grands projets dans le Budget 2025. Cette initiative vise à réduire considérablement le temps nécessaire pour mettre en place des exploitations minières essentielles, passant de l’attente actuelle d’une décennie à seulement cinq ans.
En tant qu’observateur qui a vu des projets de ressources canadiennes s’enliser dans les sables mouvants réglementaires pendant des années, je peux vous dire que ce changement était attendu depuis longtemps. Le nouveau bureau fournira un « service de conciergerie » pour accélérer l’octroi de permis pour certains projets miniers jugés essentiels à la stratégie industrielle du Canada et à ses ambitions en matière de technologies propres.
Dawn Farrell, qui préside les Tables de stratégie économique du Canada et qui dirigeait auparavant TransAlta, milite exactement pour ce type de coordination. Lors de conversations que j’ai eues avec elle plus tôt cette année, elle a souligné à quel point nos concurrents avancent beaucoup plus rapidement. « Les Américains approuvent des projets critiques en 24 mois dans le cadre de leur Loi sur la production de défense », a-t-elle noté. « Pendant ce temps, nous continuons à débattre des délais d’évaluation qui dépassent ce que les investisseurs sont prêts à tolérer. »
Le Budget prévoit les premiers 45 millions de dollars pour l’exercice 2025-26 afin d’établir le bureau, avec un financement croissant au cours des années suivantes à mesure que le pipeline de projets se développe. Les projections gouvernementales suggèrent que cela pourrait débloquer plus de 30 milliards de dollars d’investissements miniers d’ici une décennie.
Ce qui est particulièrement intéressant, c’est comment cette approche s’inspire à la fois du livre de jeu de la Loi sur la réduction de l’inflation de l’administration Biden et de l’Agence de facilitation des grands projets de l’Australie. Le Premier ministre a reconnu cette influence lors de l’annonce de la mesure, déclarant: « Nous adoptons les meilleures pratiques des juridictions qui attirent avec succès des investissements et nous les adaptons aux conditions canadiennes. »
Pour mettre les choses en perspective, le Canada compte actuellement plus de 70 projets de minéraux critiques bloqués à différentes étapes d’examen réglementaire. Les estimations de l’industrie suggèrent que ces projets représentent près de 40 milliards de dollars de dépenses potentielles en capital qui prennent la poussière.
Le PDG de l’Association minière du Canada a qualifié l’annonce de « potentiellement transformatrice » tout en avertissant que l’exécution déterminera le succès. « Nous avons déjà entendu des promesses de rationalisation auparavant », m’a-t-il dit. « La différence cette fois-ci est le financement dédié et l’approche pangouvernementale. »
L’engagement des Autochtones figure en bonne place dans ce plan, avec 30 millions de dollars du total alloués au renforcement des capacités des communautés des Premières Nations, Métis et Inuit pour participer de manière significative aux processus d’évaluation. Cela répond à une critique majeure des tentatives précédentes de rationalisation qui marginalisaient souvent les voix autochtones dans la précipitation vers l’approbation.
Le Centre d’excellence sur les minéraux critiques, établi en 2022, sera intégré à cette nouvelle entité, avec du personnel dédié de Ressources naturelles Canada, d’Environnement Canada et de l’Agence d’évaluation d’impact. Cette consolidation vise à éliminer le ping-pong ministériel qui a historiquement affecté les examens de projets.
Selon les documents budgétaires, le Bureau des grands projets identifiera et désignera jusqu’à 25 « Projets d’importance nationale » au cours de ses deux premières années, en se concentrant initialement sur les minéraux critiques nécessaires aux batteries de véhicules électriques, à la fabrication de semi-conducteurs et aux applications de défense. Ces projets désignés recevront un traitement prioritaire, une coordination des permis et des délais d’examen accélérés.
Les réactions provinciales ont été prudemment optimistes. Le ministre des ressources du Québec a accueilli favorablement l’initiative fédérale mais a souligné la nécessité de l’autonomie provinciale: « Nous avons déjà notre propre processus de rationalisation en cours. Ce dont nous avons besoin, c’est de coordination, pas de nouvelles couches de complexité. »
Le gouvernement de la Saskatchewan a adopté une note similaire, le premier ministre déclarant aux journalistes: « Si cela signifie moins d’évaluations en double et plus de pelles dans le sol, c’est parfait. Mais si c’est juste un autre bureau d’Ottawa qui émet des directives, c’est problématique. »
Les groupes environnementaux ont exprimé leurs inquiétudes quant à d’éventuelles lacunes. « Plus rapide ne signifie pas toujours meilleur en matière de protection de l’environnement », a déclaré le directeur d’une organisation de conservation lors d’une conférence de presse. « Nous surveillerons de près pour nous assurer que cela ne devienne pas une simple formalité. »
La réaction du marché suggère que les investisseurs voient du potentiel dans cette approche. L’indice S&P/TSX Global Mining a augmenté de 3,2% suite à l’annonce, les petites entreprises minières axées sur le lithium, le cuivre et les terres rares connaissant des gains encore plus importants.
L’aspect peut-être le plus révélateur de cette initiative est la reconnaissance que l’économie des ressources du Canada nécessite une modernisation sans abandon. Alors que la demande mondiale de minéraux critiques devrait être multipliée par six d’ici 2040 selon l’Agence internationale de l’énergie, les pays disposant de processus d’autorisation rationalisés captureront la part du lion des investissements.
La question demeure de savoir si la culture bureaucratique peut changer aussi rapidement que l’orientation politique. Les responsables de la réglementation ont développé des approches prudentes au fil des décennies, et passer à une mentalité de facilitation nécessitera plus que des allocations budgétaires.
Ce qui donne à cette tentative plus de crédibilité que les promesses précédentes de rationalisation, c’est l’approche pangouvernementale. En plaçant le Bureau des grands projets sous le Conseil privé avec un rapport direct au Cabinet, le gouvernement a signalé qu’il ne s’agit pas simplement d’une autre initiative ministérielle.
Pour les communautés proches des exploitations minières proposées, les impacts pourraient être significatifs. Le Budget comprend des dispositions pour des améliorations des infrastructures locales liées aux approbations de projets, reconnaissant que les mines nécessitent des routes, des connexions électriques et des services communautaires pour fonctionner avec succès.
Alors que la course mondiale aux minéraux critiques s’intensifie, l’abondance des ressources du Canada constitue un avantage concurrentiel – mais seulement si ces ressources peuvent être développées de manière responsable et efficace. Le Bureau des grands projets représente une reconnaissance que le statu quo ne fonctionne pas dans un monde où les capitaux affluent vers les juridictions qui offrent certitude et rapidité.
Le succès de cette initiative là où d’autres ont échoué dépendra de l’exécution et d’une volonté politique soutenue à travers les cycles électoraux. Pour l’instant, les acteurs de l’industrie ont des raisons d’être prudemment optimistes quant à la possibilité que la richesse minérale du Canada soit enfin associée à une approche réglementaire adaptée aux délais du 21e siècle.