La question du logement abordable a atteint son paroxysme au Parlement cette semaine, alors que les partis d’opposition critiquent vivement le gouvernement libéral sur ce que de nombreux Canadiens considèrent désormais comme la crise la plus pressante du pays.
« Nous constatons une frustration sans précédent chez les électeurs dans presque toutes les circonscriptions, » m’a confié hier le critique conservateur en matière de logement, James Robinson, après la période des questions. « Pour la première fois depuis des générations, les Canadiens se demandent si l’accès à la propriété est encore possible. »
Les chiffres racontent une histoire peu réjouissante. Selon les dernières données de la Société canadienne d’hypothèques et de logement, les prix moyens des maisons ont grimpé de 43 % depuis 2019, tandis que les coûts de location dans les grands centres urbains ont augmenté de près de 30 % durant la même période. Pendant ce temps, la croissance des salaires stagne à environ 12 % sur ces quatre années.
Lors de ma visite à un forum communautaire sur le logement à Hamilton la semaine dernière, j’ai parlé avec Marissa Chen, infirmière et mère de deux enfants, qui exprime la frustration de beaucoup. « Je gagne ce qui devrait être un bon salaire, mais je consacre près de 60 % de mes revenus au logement. Mes parents ont acheté leur première maison à 26 ans. J’en ai 38 et je ne peux même pas imaginer accéder au marché maintenant. »
La Stratégie nationale sur le logement du gouvernement libéral, maintenant dans sa septième année, promettait de construire 160 000 logements abordables d’ici 2028. Le ministre du Logement, Sean Fraser, a défendu les progrès du programme lors des audiences du comité mardi, soulignant l’accélération récente des mises en chantier.
« Nous avons débloqué 27 milliards de dollars en financement de construction et supprimé des obstacles qui bloquaient des milliers d’unités, » a déclaré Fraser. « Le Fonds pour accélérer la construction de logements produit des résultats concrets dans les municipalités à travers le pays. »
Mais les experts suggèrent que le rythme est bien en deçà de ce qui est nécessaire. Le rapport de février du directeur parlementaire du budget estimait que le Canada a besoin d’environ 5,8 millions de nouveaux logements d’ici 2030 pour rétablir l’abordabilité – soit près du double de la trajectoire actuelle de construction.
À l’Institut de politique du logement de l’Université de Waterloo, la Dre Amanda Winters estime que la crise nécessite une réforme structurelle au-delà de ce qu’un seul programme gouvernemental peut offrir. « Nous faisons face à une tempête parfaite de contraintes d’offre, de pression démographique, de spéculation immobilière et d’obstacles au zonage municipal, » m’a-t-elle expliqué lors de notre conversation le mois dernier. « Aborder un seul aspect ne résoudra pas le problème plus large. »
Les enjeux politiques ne pourraient être plus importants. Les récents sondages d’Abacus Data montrent que l’abordabilité du logement a dépassé les soins de santé et l’inflation comme principale préoccupation des électeurs en Colombie-Britannique, en Ontario et en Nouvelle-Écosse – trois provinces qui pourraient déterminer l’issue de la prochaine élection fédérale.
Lors d’une visite d’un projet de logement coopératif nouvellement lancé à Vancouver-Est hier, le chef du NPD Jagmeet Singh a accusé le gouvernement de « bricoler autour du problème » de la crise. « Les Canadiens n’ont pas besoin de plus d’annonces et de séances photos, » a déclaré Singh. « Ils ont besoin d’actions à la hauteur de cette urgence. »
Au Québec, la dynamique du logement reflète un défi régional unique. Le taux d’inoccupation des logements locatifs de la province se situe à un niveau record de 1,3 % selon la Société d’habitation du Québec, Montréal connaissant des pressions particulièrement aiguës. Le premier ministre François Legault réclame une plus grande autonomie provinciale en matière de politique de logement, faisant valoir que les programmes fédéraux ne tiennent souvent pas compte des conditions distinctes du marché québécois.
Un point potentiellement positif est apparu lors du sommet d’urgence sur le logement du mois dernier, où les ministres provinciaux et territoriaux sont parvenus à un consensus sur la réforme des codes du bâtiment pour accélérer les options de logement modulaire et préfabriqué. Cette approche pourrait réduire les délais de construction jusqu’à 40 %, selon les estimations de la Société canadienne d’hypothèques et de logement.
Pour les Canadiens ordinaires pris au milieu de cette lutte politique, la patience s’amenuise. Lors d’une récente assemblée publique à Mississauga, j’ai observé des banlieusards habituellement calmes qui bombardaient leur député local de questions inhabituellement directes sur l’abordabilité du logement.
« Ma fille et son mari ont tous deux de bons emplois gouvernementaux, et ils vivent dans notre sous-sol parce qu’ils ne peuvent pas se permettre de louer, et encore moins d’acheter, » a déclaré Thomas McPherson, un enseignant retraité de 64 ans. « Quelque chose d’essentiel est brisé dans notre système. »
La crise a également révélé des alignements politiques inattendus. Des groupes d’affaires comme la Chambre de commerce du Canada se sont joints aux organisations de défense des locataires pour demander des mesures d’urgence visant à augmenter l’offre. Les constructeurs et les groupes environnementaux ont trouvé une cause commune dans la promotion du développement à plus haute densité près des corridors de transport en commun.
Alors que le Parlement s’oriente vers sa pause estivale le mois prochain, le gouvernement fait face à une pression croissante pour démontrer des progrès significatifs. Avec l’inflation qui se refroidit et les taux d’intérêt qui pourraient baisser plus tard cette année, le logement reste la question économique la plus directement ressentie par les électeurs, au-delà des lignes régionales et démographiques.
Que la crise du logement au Canada devienne l’enjeu déterminant de la prochaine élection dépendra peut-être du parti qui parviendra à convaincre les Canadiens qu’il dispose de solutions qui vont au-delà des promesses de campagne. Pour un pays qui s’est longtemps défini par l’accession à la propriété et la stabilité communautaire, les enjeux vont bien au-delà des fortunes politiques.
En attendant, des Canadiens comme Marissa Chen à Hamilton continueront à étirer leurs budgets et à ajuster leurs attentes. « Je ne demande même plus ce que mes parents avaient, » m’a-t-elle confié. « Je veux juste un endroit stable pour élever mes enfants sans m’inquiéter de la prochaine augmentation de loyer ou d’une éviction pour rénovation. »
Cet espoir modeste, partagé par des millions de personnes, pourrait finalement décider qui formera notre prochain gouvernement.